Tizi-Ouzou à l’heure de la mondialisation

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La décentralisation des initiatives et l’encouragement d’investissementspécifique, peuvent être des meilleures clés d’ouverture à l’économie interrégionale et mondiale.

 » Dans les faits, peu importe les pays considérés, la situation des villes moyennes est loin d’être uniforme. Certaines ont su tabler sur leur spécificité, d’autres s’attardent aux diagnostics de leur mauvais positionnement dans une mondialisation dont les impacts sur leur structure économique demeurent encore mystérieux. « 

Cette réflexion a été présentée par le professeur José Bonyeme, spécialiste en développement régional, géographe, économiste, conseiller au ministère des Ressources naturelles du Québec, urbaniste et consultant international, lors de la conférence qu’il a animé dans l’après-midi d’avant-hier à la bibliothèque de l’Institut international de management (INSIM) de Tizi-ouzou.

Le cas de Tizi-Ouzou, avec ses ambitions locales et ses spécificités  » honteusement tues « , s’avère être un véritable casse-tête tant sur le plan sociologique, culturel qu’économique pour définir son rôle dans le giron régional et, pourquoi pas, mondiale.

Quand bien même,  » l’importance des villes moyennes, à la dimention de Tizi-Ouzou, est régulièrement rappelée. Quoi que dans le contexte de la métropolisation de l’économie, elles sont souvent déclassée, mais elles continuent de jouer un rôle d’intermédiation « , estime le conférencier.

Quelle économie pour quelle intégration ?

Le handicap majeur qui freine Tizi-Ouzou, en dépit de sa troisième place nationale en nombre de création de PME-PMI (statistiques officielles), par rapport aux autres villes de la même taille telles Sétif, Bél Abbes, Blida, Batna, Tlemcen et Bejaia, réside dans les difficultés à attirer des investissements et à absorber le chômage.

Celui-ci, faut-il le souligner est de l’ordre de 25,6%, si l’on se fie aux statistiques officielles, qui restent néanmoins contestées au niveau local. Soit un peu plus du double du taux national, qui est lui, estimé officiellement à 12%.

D’une superficie deux fois supérieure à la Belgique, Tizi-Ouzou ne compte que 348 850 d’individus actifs sur une population totale de 1 269 912 habitants, répartis comme suit : 44% dans le secteur des services, 20% dans l’agriculture, 20 dans le bâtiment et 16% dans le secteur de l’industrie. Les statistiques officielles parlent de 10 grands complexes implantés sur le territoire de la wilaya –investissement étatique- et de 8 450 PME du secteur privé, soit 75% de TPE. Cependant, relève t-on, Tizi-Ouzou est devancée par Béjaïa en terme du poids total réel dans l’économie kabyle, en dépit de la troisième place qu’elle occupe actuellement en termes de projets PME-PMI.

S’appuyant sur l’expérience de la ville des Trois-Rivières au Québec, M. Bonyeme insiste sur la nécessité de chercher à investir dans des créneaux spécifiques à la région sans pour autant se mettre à concurrencer les métropoles. Ce qui, croit-il savoir, est à même d’inciter des IDE (Investissements directs étrangers) et l’attirance des détenteurs de capitaux nationaux et étranger pour développer des secteurs de production spécifiques, dont l’encouragement du slogan  » Consommons local  » est une manière de garantir un marché dynamique.

Dès lors, explique-t-il, l’on passera d’une économie locale, basée souvent sur l’artisanat, à une économie de plus en plus ouverte et imbriquée.

Bien que les théories du Dr. Bonyeme soient objectivement applicables dans le cas de Tizi-Ouzou, au relief à prédominance montagneuse, 88 km de littoral et 55 000 hectares de forêt, soit 19% de la surface globale, les spécificités socioculturelles méritent, par ailleurs, un intérêt spécifique. La décentralisation des décisions et des initiatives, permettant une relative indépendance des structures de finances et de planification centraux, est également une forme d’incitation et d’accélération des réalisations économiques, productives et de service.  » Dans le contexte de la mondialisation, les économies se font par des entreprises qui passent par-dessus les Etats « , explique le conférencier.

 » De l’imbrication des économies industrielles résulte un poids croissant des échanges internationaux, qui augmente les flux d’investissement directs qui encouragent de leur part cette imbrication des économies. Ces trois paramètres font que les économies deviennent de plus en plus ouvertes et imbriquées « , soutient-il encore dans un schéma définissant le cycle favorisant l’intégration à la mondialisation d’une ville, d’une région ou tout juste d’une localité sans qu’elle n’ait le statut de métropole.

Etat privé, Etat public

La question qui se pose dans ce qui précède est de savoir quel degré d’autonomie peut-on accorder à une région, une wilaya ou une localité pour qu’elle puisse accéder avec succès dans le schéma garantissant l’accès à la mondialisation dans l’exemple d’une ville moyenne comme Tizi-Ouzou, alors que l’investissement public est au stade embryonnaire ?

L’infrastructure routière et de communication, y compris les Nouvelles technologies de l’information et de la communication (NTIC), nécessitant la mobilisation de capitaux conséquents ne peuvent être dévolus qu’au seul investissement public. Et pour le cas de Tizi-Ouzou, peu de choses ont été réalisées pour permettre aux investisseurs privés, nationaux et étrangers, d’y mettre de l’argent.

Ainsi, si pour les trois principaux facteurs distinguant le poids croissant des échanges internationaux dans l’épisode actuel de la mondialisation, tels que présentés par le conférencier, qui sont les investissements directs à l’étranger et les transnationales, les politiques de libre échange et d’intégration et le coût des transports et des communications, ce dernier reste le parent pauvre d’une réelle amorce d’une économie locale d’abord avant qu’elle ne soit considérée comme économie ouverte et imbriquée.

 » Même si l’économie est marquée par la mondialisation, le problème des villes doit encore être posé comme il y a trente ans en Europe et en Amérique du Nord, en termes d’équilibrage d’un système écrasé par la grande métropole « , soutient le Dr Bonyeme.

Celui-ci se pose néanmoins la question au sujet des villes moyennes à l’instar de Tizi-Ouzou sur leur vrai rôle dans le concept de la mondialisation :  » Dans plusieurs pays en développement, ce qui est le cas de Tizi-Ouzou, les villes moyennes jouent le rôle de filtre des flux de ruraux vers la métropole.  » refusant d’admettre cette  » fatalité « , le conférencier précisera que là n’est pas la seule fonction de ce type de ville, donc de Tizi-Ouzou y compris qui est  » à l’instar de plusieurs villes moyennes des pays développés, la mondialisation ajoute des défis supplémentaires et, parfois, ouvre des perspectives inédites de développement. « 

En conclusion, le Dr. Bonyeme dira que la problématique des villes moyennes face à la mondialisation, en citant le cas de Tizi-ouzou, comporte trois dimensions qui sont : la place des villes moyennes dans la structure urbaine ; les stratégies des villes moyennes pour assurer leur développement mais aussi le support des politiques publiques.  » Bien qu’il y ait métropolisation, les villes moyennes peuvent toujours garder leur place dans l’économie, elles doivent constamment se transformer, redéfinir leur rôle, accélérer leur mouvement de reconversion des secteurs entiers de leur économie pour s’insérer dans les multiples réseaux de la mondialisation « , a-t-il enfin suggéré.

M. A. Temmar

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