Voila un aveu qui dit long sur la réalisation et la gestion des infrastructures de drainage, de retenus et de stockage des eaux pluviales, mais aussi ceux des travaux publics et de génie civil dans la wilaya de Tizi-ouzou.
Le directeur de l’hydraulique de la wilaya (DHW), M. Saïd Abbès, était loin de faire son mea culpa sur le manque d’esprit préventionniste à gérer des situations de catastrophes. Il a été encore plus loin dans ses déclarations devant le conseil de wilaya qui s’est tenu hier, sur la gestion et le bilan des intempéries ayant causé d’énormes dégâts matériels et fait quatre morts, en avouant ne pas avoir honte de dire que rien n’a été prévu. » Nous n’avons pas honte de le dire : nous n’avons rien prévu, notamment les curages … « , a-t-il encore déclaré.
Les images vidéo, prises par la DHW, projetées au conseil sont à plus d’un titre, compromettantes pour les directions des travaux publics, de l’hydraulique et de l’urbanisme.
Quoique les images projetées ne concernent qu’une partie infime des localités, sites et lieux du chef lieu de wilaya touchés par la décrue, elles restent cependant très frappantes en ce sens que les dégâts ont affecté des ouvrages neufs réalisés récemment, ce qui dénote d’un travail bâclé et de l’inefficacité, voir même de l’inexistence de groupes et mécanismes de suivi et de contrôle.
Dans son exposé, le directeur de la Protection civile a dressé un bilan rétrospectif des risques causés par les inondations les plus spectaculaires ayant touché la wilaya de Tizi-Ouzou depuis 1974 jusqu’au printemps dernier. Si les bilans des intempéries de 2002 et celui d’enneigement survenu le 25 janvier au 2 février 2005 restent les plus dramatiques, il y a lieu de relever que les causes, les dégâts et les localités touchées par les fortes précipitations pluviométriques de la fin de la semaine passée, sont quasiment les mêmes que ceux enregistrées en mars et avril derniers. Sauf que pour cette fois-ci, le déchaînement de la nature a tué quatre personnes. Des vies humaines qui auraient pu être épargnées si tous les services concernés par la gestion et la prévention ont mieux fait de tirer des enseignements. Les bilans comparatifs de la Protection civile, qui auraient peut-être provoqué l’énervement du wali, puisque celui-ci a coupé brutalement la parole au directeur de l’institution de secours civils, sont très accablants.
En effet, à en croire la situation dressée par la PC en mars et avril derniers, les dégâts tels que les menaces de glissement de terrains, les infiltrations d’eau et la dégradation des effets et matériels, enregistrés à la ville de Tizi-Ouzou, Draâ Ben Khedda, Ouadhias, Draâ El Mizan, Bouzeguen et Boghni ont eu pour les mêmes principales causes et impacts que ceux de cette fois-ci.
Ainsi, la Protection civile avait signalée au printemps dernier que les pluies torrentielles, les crues des oueds, la défection des captages des drainages des eaux, le manque d’entretien et de nettoyage auront, si rien ne sera fait, pour impact la perte de vie humaines, la rupture des infrastructures routières, le blocage des routes, des éboulements, des effondrements, des dégradations par infiltrations et des érosions de terres.
Et comme pour ne pas démentir les prévisions et avertissements de la Protection civile, la nature a frappé si fort en si peu de temps et a mis à nu les tares de la gestion approximative.
La pluie désavoue l’exécutif de wilaya
» La préparation de la saison hivernale commence à la mi-août de chaque année. Une réunion de sensibilisation et de coordination est tenue au siège de la direction avec les subdivisions territoriales « , a déclaré le directeur des travaux publics (DTP) de la wilaya Ait Kaci lors de son exposé sur la préparation de la saison hivernale. Moins de trois mois de l’échéance de ces » réunions de sensibilisation et de coordination « , la DTP est désavouée par les pluies (sic).
Parlant des actions menées sur le terrain, le DTP dira qu’ » à titre indicatif pour l’exercice en cours, 742.318 ml (mètres linières) de fossés ont été entretenus (curage, réouverture, construction) et 832 ouvrages d’assainissement ont été traités (réparation et curage). » des missions réalisées par 20 camions bennes, 11 citernes et 14 tracteurs qui forment le parc matériel de la DTP et menées par 300 ouvriers que compte la régie du secteur.
Sauf que les 174 ml de pluies enregistrées durant les mercredi, jeudi et vendredi derniers ont démontré que les travaux et actions menées par la DTP et les autres services ont généré des affaissements de terrains, des crues des cours d’eau et des coupures de routes. A titre illustratif, les usagers du trajet Fréha-Tizi-Ouzou ont mis 4 heures de temps pour le parcourir le jeudi et vendredi derniers au lieu des 30 à 35 minutes habituelles. Même si la situation s’est nettement améliorée, il reste que le même parcours nécessite pas moins de 50 minutes durant ces trois derniers jours. Le gros du temps que perdent les usagers de cette route est localisé sur le tronçon de Oued-Aissi- Tizi-Ouzou et à la bifurcation de Tamda.
Et pour mieux illustrer encore la défaillance du département des travaux publics, des voyageurs de provenance d’Alger, jeudi dernier, ont mis sans la moindre exagération, 7 heures et quelques dizaines de minutes pour rallier la ville de Tizi-ouzou ( 100 km d’autoroute), soit une heure de plus que le trajet Alger-Québec par avion !
Encore faut-il signaler la démission à tous les niveaux du personnel chargé de la sécurité et d’orientation des citoyens pris par le piège des intempéries de jeudi dernier. des voyageurs qui sont arrivés à 22 :30 à la ville de Tizi-Ouzou à bord des bus ayant fait leur départ à 14 :45 de la gare routière d’Alger, nous ont témoigné leur colère pour y être livrés à eux-même sans la moindre prise en charge. » Nous avons vu des policiers patrouillé à bord de leurs voitures tout terrain, dans la ville des Genêts, mais point de présence des agents des services de sécurité dans les endroits où les routes ont été coupées à la circulation, notamment du coté est de la ville », nous ont-ils témoigné et de préciser qu’ils n’auraient dù leur salut que grâce à la présence des jeunes des localités sinistrées qui les ont guidé et leur ont proposé des gîtes.
Aujourd’hui, le wali de Tizi-Ouzou, M. Mazouz, devra effectuer une sortie d’inspection au village Boukhalfa, banlieue ouest de la ville, pour constater les dégâts occasionnés par les inondations de la fin de la semaine dernière. Une visite qui intervient trois jours après que les citoyens de cette bourgade aient manifesté leur colère pour avoir été abandonnés à leur sort, par la fermeture de la RN 12. Cette action avait été accueillie par la mobilisation des forces anti- émeutes stationnées au commissariat central, prés à intervenir. La levée des barricades a été rendue possible grâce à l’intervention du directeur de la culture, M. Ould Ali El Hadi, au moment où le wali effectuait une visite d’inspection au port de pêche d’Azeffoun en compagnie du ministre de la Pêche.
Autant dire que le conseil de wilaya d’hier sur le bilan des intempéries de la fin de la semaine dernière sonne comme une action de figuration administrative, prenant les représentants des médias comme témoins sur la » bonne gouvernance « .
M.A.T.
