Le plus grand diviseur commun

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Dès l’entame de la campagne électorale qui a vu les candidats partir en pèlerinage à travers les quartiers et villages dans un louable souci de « proximité », Amizour semble tomber sous le charme de ses saints conjoncturels. Une campagne abordée timidement mais avec une certaine anxiété, car il s’agit d’une élection à haut risque qui ne ressemble guère aux précédentes et qui revêt une importance toute particulière dans cette commune toujours en ébullition. D’abord, parce que le nombre de listes en course est important : quatre listes indépendantes à côté de celles des cinq formations politiques que sont les FFS, RCD, FLN, MEN et RND.

Le passage du RCD, du FFS et du FLN à cette APC n’a pas été sans dégâts. Les têtes de listes de « Fidélité », « Transparence », « Espoir » et « Crédibilité » – ainsi sont baptisées ces listes d’indépendants- ont accédé dans le passé à l’assemblée de cette commune sous la casquette de ces mêmes partis.

La présence de deux ex-P/APC sous les couleurs du RCD et du FFS, aujourd’hui têtes de listes à « Fidélité » et « Espoir », sont en outre un signe fort d’une compétition trop serrée et surtout de divergences à l’intérieur même de ces formations qui ont pris par alternative les commandes de la commune depuis prés de deux décennies.

Ensuite, parce que des inconnues économiques rendent l’ avenir incertain dans la région. Il faut rappeler qu’une polémique ayant fait rage sur certains projets industriels tels que celui d’ALEXO et de la zone d’activité en hibernation et, aujourd’hui, de la gigantesque mine de zinc et plomb, ont fait que le contexte de ce scrutin n’aura jamais été aussi explosif. A vrai dire, deux caractéristiques, qui répondent confortablement à une logique mathématique du « plus petit commun multiple » au « plus grand diviseur commun », dessinent le nouveau visage électoral à Amizour. Donc, outre la classique guerre des partis pour mesurer chacun son rapport de force une confrontation sur le fond qui se dessine en filigrane divisera davantage les tenants et les adversaires de certains de ces dossiers, à l’image de l’unité de profilage d’aluminium dont l’implantation a soulevé le courroux des élus de l’APC sortante à majorité RCD. En effet, l’opposition unanime des onze élus sortants face au projet ALEXO n’a pas trouvé d’écho escompté chez les directions des partis, excepté le FFS qui a fait dans la prudence de dénoncer tous les tenants et aboutissants de cette affaire suivant ainsi la ligne de ses élus. Si le FLN et le MEN se sont contentés de rendre publique leur soutien à ce projet controversé, le parti de Saïd Saadi par contre a poussé le bouchon jusqu’à exclure le P/APC, une situation qui a provoqué la démission de tous les élus RCD.

L’effet « Alexo » a continué pour pousser l’ex-parti unique à lâcher à son tour ses deux élus en fin du mandat Alors que l’usine est donnée comme opérationnelle, le bras de fer qui n’a pas connu à ce jour son dénouement pourrait accentuer les courants contraires ayant traversé certains de ces partis. La bataille ne sera que rude et l’on se pose dores et déjà des questions sur les positions de ces candidats vis-à-vis d’un autre sujet qui commence à faire grand bruit dans toute la région de la Soummam.

Il s’agit du gisement de zinc et plomb de réputation mondiale que certaines mauvaises langues qualifient de « désastre » écologique et de « menace » qui guette une dizaine de villages parsemant les monts d’Azru N’Bechar.

Si les participants à la course électorale du 29 avril, qui, par habitude ou méfiance, se sont contentés de répondre aux préoccupations classiques des citoyens lors de ces premiers contacts, ils ne pourront échapper au défi du phénomène du chômage, vrai désastre celui-là.

Chacun des neuf partis et regroupements indépendants a son propre programme électoral ficelé dans la mesure de convaincre les électeurs ayant affiché dans un passé récent leur réticence à ces échéances. Le tissu industriel devenu presque le mal aimé à Amizour est-il le seul moyen pour donner le déclic à cette commune que l’on a forcé à une seule vocation misérable, celle de l’agriculture. C’est par cet angle que les candidats débattront de ce volet économique pour dévoiler leurs recommandations dans l’espoir de mettre fin au statu quo qui étrangle la commune et la pousse quelques fois au pire.Pour ceux des candidats que nous avons interrogés sur ces sujets encombrants, le « oui, mais » est revenu comme un leitmotiv pour se positionner sans faire trop de casse. Outre donc l’affaire d’Alexo, de la zone d’activité et de la mine de Merdj-Ouamane, la liste des problèmes, à l’origine d’un bourbier, est longue.

Un environnement en dégradation avancé, un chef-lieu pollué et saturé, un oued menaçant et des dizaines de villages en expectative. Même le cancer, devenu grande cause de mortalités, commence à faire parler de lui dans cette région paradisiaque où l’on dit qu’il est en recrudescence effrayante sans pour autant connaître les causes.

Compte tenu des risques d’insalubrités susnommés, Amizour fait partie des communes en proie à des problèmes de santé publique et d’autres. Du pain sur la planche aux futurs candidats de l’assemblée pour y faire face, mais le grand travail s’avère être durant cette campagne que certains des listes ont déjà pris soin de tout miser sur le choix des hommes capables de faire de cette commune un tremplin de la modernité.

Même si la population craint que cette commune tombe dans l’impasse après ces élections, il n’en demeure pas moins qu’un certain consensus entre partis en lice commence à se faire sentir, et que les divergences entre hommes de ce même sol n’ont fait qu’engendrer un sentiment de concurrence. C’est le bienvenu si cela serve à mettre fin à cette espèce d’ « exception amizourienne », une ville où seules les cigognes, qui élisent domicile sur les pylônes électriques, semblent trouver leur comptes.

K.C.

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