Après une situation de léthargie, qui a duré des mois, la Kabylie, qui a retrouvé sa sérénité, s’apprête à connaître une effervescence politique partisane, sans que cela n’ait de visées électorales, mais beaucoup plus dicté par cette volonté de renouer le contact avec les citoyens et ainsi réhabiliter la politique dans la région, jusque-là toujours considérée comme dépositaire des débats contradictoires, où la démocratie se pratique tant bien que mal, loin de toute ambiance de violence verbale ou physique. Les signes annonciateurs de cette reprise, sont ces virées répétées de chefs de partis et de cadres des directions nationales dans les QG locaux, pour redynamiser les structures et arrêter un programme de sorties publiques. Dès lors qu’aujourd’hui, il est clairement établi que la Kabylie est passée d’un cap d’agitation à celui de la consultation et du dialogue, pour enfin cogiter un plan Orsec, qui hisserait la région dans une lancée de développement. D’ores et déjà, la nouvelle configuration politique qui s’installe intègre, de facto, des acteurs politiques nouveaux, que l’opinion locale catalogue comme souffle nouveau non seulement d’espoir mais d’espérance. Le dénominateur commun de tous ces acteurs est cette volonté affichée, certains sournoisement et d’autres sincèrement, d’intervenir dans le règlement de la crise par l’apport de solutions au diapason de la demande.Toutes tendances confondues, les partis s’agitent et affûtent leurs armes pour se faire apprivoiser le mieux possible par les populations. Hormis le FFS et le RCD, trop connus et passés maintes fois à l’épreuve sans donner satisfaction, pis, ils ont déçu et démoralisé la population, le reste des forces disposent d’un bénéfice du doute politique et peuvent se targuer d’une compétition et d’une aisance dans leurs interventions. Depuis pratiquement la campagne électorale du 8 avril, l’ensemble des partis ont hiberné, laissant la nature du terrain dans un vide inquiétant, à croire que l’activité partisane ne vaut la peine d’être pratiquée qu’en période de joutes électorales.
Le RND se redéploieLe premier parti à revenir sur la scène, mais limité à d’importantes rencontres internes est le RND de Ahmed Ouyahia.Une manifestation publique s’est tenue le 8 avril à la Maison de la culture, pendant toute la journée, couronnée par une conférence des membres de la direction nationale, ayant drainé des centaines de citoyens, toujours prêts à “consommer” les discours politiques. De plus, le RND a procédé à l’installation de son représentant régional en la personne de M. Makeddem, qui, avec son staff, ont étoffé un programme de sorties publiques, car voulant à tout prix peser dans l’échiquier politique local. Pour la seule journée d’hier, Abdeslam Bouchouareb était en visite à Tizi Ouzou, pour donner une conférence de presse au siège de son parti, à travers laquelle il a développé l’option du RND sur l’urgence de s’occuper de la Kabylie en matière de relance économique, préalable à toute autre chose, non sans cacher l’intérêt qu’accorde le RND à vouloir devenir incontournable dans la décision politique locale, comme il a salué l’avancée considérable du dialogue entre le Mouvement citoyen et le chef du gouvernement. L’autre force, entrée en lice n’est autre que le FLN, malade organiquement et tiraillé par des luttes de clans, trouvera du mal à se mesurer sur le terrain, compte tenu surtout de son état éclaboussé, effet de la première déchirure entre Benflis et Belkhadem, aggravé ces derniers jours par les surprenantes sorties du secrétaire général. En dépit des tentatives de réconciliation mises en branle, le FLN donne l’impression de ne pas savoir ce qu’il veut, pris dans l’engrenage des dynamiques de clans et d’appareils, contractant même des alliances contre nature, et aura du mal à soudoyer ou à se faire écouter.
FFS-RCD, un binôme qui a fait son tempsLa participation aux élections de 2002 (locales et législatives) ne lui permettrait pas en Kabylie d’agir dans la sérénité et la certitude. Rafler les 9 sièges des députés dans des conditions de guerre, à l’époque en Kabylie, ne sera pas un fait effaçable facilement dans la mémoire collective. Le binôme FFS-RCD, est plus que jamais menacé par l’extinction politique. Le FFS, à un degré moindre, dispose en dépit d’une dérive endogène et exogène, de ressorts pour rebondir.Le parti de Hocine Aït Ahmed, majoritaire dans la plupart des assemblées qu’il dévient (30 APC et APW), nonobstant certains retraits de confiance à quelques élus, a la marge de manœuvre pour signer une reprise en force.Doté d’un ancrage de masse, le FFS continuera à être la force de décision en Kabylie, et doit cet atout à la figure emblématique de Hocine Aït Ahmed. Toutefois, ce parti est traversé par d’importantes turbulences internes, l’ayant estropié et affaibli organiquement, avec en prime, un déficit criant en cadres, alors qu’il en était un réservoir.C’est en ce sens que des menaces pèsent sur sa capacité à drainer des foules ou à s’imposer démocratiquement.Ces trois dernières années, une terrible dualité l’a opposé au Mouvement citoyen, ne pouvant l’épargner de stigmates qui le fragiliseront.A la décision du chef du gouvernement de dissoudre les assemblées locales de Kabylie, la riposte pendant des semaines a été exclusivement l’œuvre des élus eux-mêmes, jusqu’à susciter le soupçon que la direction nationale du parti les a lachés.C’est du moins le sentiment de tous les élus FFS. C’est en retard que le parti a décidé d’investir le terrain en organisant à la hussarde des meetings où il est enregistré une appréciable participation des citoyens, occasion aux militants de se rassurer un tant soit peu qu’il est possible de rebondir. Le parti de Saïd Sadi, en dehors des militants qui lui restent acquis, a connu aussi une saignée de démissions, et d’échecs. Après avoir été dupé dans une alliance impensée et impensable, le leader du RCD a miroité une victoire à l’opinion avérée par la suite comme une supercherie politique et un leurre. Depuis, c’est l’éclipse qui est retenue comme solution sans le microcosme politique local, les partis islamistes ne peuvent entrer en ligne de compte, leur poids est incertain, voire faible, pour en être des acteurs décisifs.
Enfin, “la politique, autrement”Par contre, l’opinion en Kabylie braque ses regards sur l’UDR (Union démocratique pour la République) de Amara Benyounès.Le secrétaire général de l’UDR vient de sillonner le territoire national, à travers lequel il a réussi l’installation des bureaux régionaux, y compris dans l’émigration.La population de Kabylie focalise tout son espoir sur ce parti qui en un temps record, a capté l’intérêt des citoyens, en matière de demande politique. Plus que cela, en étant l’une des premières personnalités politiques nationales à juger de l’urgence de la relance économique en Kabylie et surtout à encourager l’entreprise de dialogue responsable et porteur entre le chef du gouvernement et le Mouvement citoyen, démarche à même de stopper la violence et de réussir des acquis pour la région.En dépit du désintérêt que pourrait avoir l’UDR dans les élections pour une raison ou pour une autre, le parti d’Amara Benyounès a toutes les compétences et le savoir-faire de la politique pour qu’il soit une formation incontournable et déterminante dans la nouvelle architecture politique locale que nationale. Les militants de l’UDR se déploient pêle-mêle pour asseoir des assises organiques solides et sont en passe de confectionner un programme d’activités à travers l’étendue de la wilaya. La Kabylie qui gagne petit à petit sa stabilité, réapprend à vivre la politique partisane avec de nouveaux acteurs, de nouveaux discours, que seules les visions constructives sont audibles.
Khaled Zahem
