La Dépêche de Kabylie : Vous venez de tenir votre AGO. Tout s’est bien passé, vous en tirez une certaine réjouissance ?
Moh Cherif Hannachi : Quelque part oui. ça fait plaisir d’avoir affaire à une assemblée mûre. Cela a d’ailleurs toujours été le cas à la JSK, les assemblées se sont toujours déroulées dans un grand respect, beaucoup de dignité, et surtout empreintes d’un engagement à servir le club.
Les différentes interventions des présents ont été dans le sens à vous procurer réconfort et soutien ? Quel est votre sentiment ?
De ce côté je n’ai jamais douté, je savais que les gens sont proches de leur club, et le minimum qu’on pouvait leur accorder c’était d’ouvrir le débat pour les laisser dire ce qu’ils pensent. Il se peut qu’il y’ait des choses qui nous ont échappé, et c’était l’occasion d’entendre les voix qui pouvaient nous les rappeler. Les assemblées de la JSK ont de tout temps été sérieuses.
L’assistance a salué les performances de l’an dernier. Mais il se trouve que la JSK est déjà face à un autre destin. Du chemin a été parcouru dans l’exercice actuel. Vous en êtes satisfaits jusque-là ?
Je ne pense pas que cela soit encore le temps des bilans pour cet exercice mais disons que jusque-là on tire satisfaction de ce qui a été fait que ce soit à travers le parcours que, dans les changements opérés au niveau du staff technique, dans le collectif des joueurs ou encore dans le comité directeur.
Des gens compétents et responsables nous ont rejoints, et je suis vraiment à l’aise avec eux.
L’équipe est meilleure que l’an dernier, le staff technique me rassure, je pense qu’on tient la bonne route.
On a relevé la présence à l’AG de certains anciens membres notamment l’ex-avocat du club qui avaient quitté le bureau avec fracas à l’époque. Peut-on dire qu’il n’y a pas de place à la rancune malgré tout ?
Ecoutez ! j’ai fait en sorte à ce que les portes soient ouvertes pour tout le monde. On a laissé les gens parler librement, et il n’y a pas eu une seule voix discordante. C’est cela la JSK, une maison en verre. Celui qui a voulu parler, il l’a fait, on n’a empêché personne.
Dans votre discours, vous avez surtout mis l’accent sur le manque de contribution des industriels de la wilaya…
Nuance ! on n’est pas face à un manque mais il n’y a aucune contribution. Personne ne veut sortir un centime pour aider le club, c’est quand même grave !
Vous avez pourtant dit que la Kabylie regorge de grands hommes, à Beni Douala, Fort National, Azzefoun… Vous faisiez référence à Rebrab et Haddad vraisemblablement…
J’ai cité ces trois contrées parce que je ne peux citer tout le monde. Il y’a d’autres industriels qui ont les moyens, mais qui ne sont pas forcement de Beni Douala, de Fort National ou de Azzefoun.
Dans un passé récent, on vous a prêté des contacts avec le patron de Hunday-Algérie, Omar Rebrab en l’occurrence. Y’a-t-il un rapprochement en vue ?
Pour tout vous dire avec Omar, je n’ai aucun problème. On se retrouve parfois, et on s’embrasse amicalement mais pas plus. Avec son père aussi. Haddad de même : on se voit, on se fait la bise, mais pas plus non plus.
Vous n’avez jamais fait le pas pour leur faire une proposition ?
Je ne peux pas faire cela. Je ne peux pas leur demander de sponsoriser la JSK. C’est à eux de voir. Le Bon Dieu leur a bien souri, tant mieux pour eux. Mais je pense que la JSK mérite qu’on l’aide, et il n’y a pas beaucoup de monde qui le fait. En cinq ans, on n’a eu aucune subvention de l’APC de Tizi-Oouzou, c’est honteux quand même ! Je ne vais pas prononcer des noms ni ceux des partis politiques auxquels ils appartiennent mais je leur dirais que c’est grave ce que vous faites. Je sais que même au niveau de l’APW, il y’a des élus qui votent contre l’attribution de la subvention allouée à la JSK, même s’ils savent pertinemment que l’enveloppe va de toutes les façons passer. Mais pourquoi cette méchanceté des politiques, pourtant Kabyles, contre ce club ?
Vous vous sentez visé personnellement par cette attitude ?
Pourquoi devrais-je l’être ? Seraient-ils alors jaloux de Hannachi ? Mais moi je vais partir, ce club n’est pas mon bien, la JSK ne m’appartient pas. Je suis en train de souffrir, de remuer ciel et terre pour que ce club reste debout. C’est une question de nif qui me retient.
Vous avez tendance à faire la liaison entre la position des élus et celle des partis politiques auxquels ils appartiennent. Pensez-vous qu’ils obéissent à des instructions des états majors ?
Ce n’est pas ma propre conclusion et les faits sont têtus comme on dit. Elle est flagrante et grave la méchanceté des élus de la région envers la JSK.
Mais d’où ramène Hannachi l’argent qu’il utilise ?
Dieu merci ! J’ai beaucoup d’amis, et je me débrouille pour mener à bien ma mission même si elle n’est pas facile face à l’indifférence de ceux qui doivent être les premiers à s’en soucier. L’an dernier nous a coûté quelque 19 milliards. Cette année, on atteindra les 22, 23 milliards à peu près car on a démarré l’exercice avec les matches de Coupe d’Afrique, les recrutements, on a dépensé beaucoup d’argent dès le départ.
Que répondez-vous à ces voix qui réclament la structuration du club en une SPA ?
Tout simplement qu’on n’est pas encore prêt pour le faire. On n’a pas les moyens ni humains ni matériels d’une telle ambition. On n’a ni stade, ni centre de formation, pas de structures intermédiaires, pas d’encadreurs de haut niveau, on est encore loin du professionnalisme. Entre le vœu et la réalité, il y’a un grand effort qu’on ne peut dans l’immédiat consentir. Pour le moment, les clubs algériens vivent de l’assistanat des subventions et les aides des sponsors.
Venons-en au staff technique de l’équipe. Tout d’abord Benhamlat qui passe entraîneur adjoint, et soutient qu’il reste, en même temps, toujours manager au moment où des indiscrétions révèlent votre intention de supprimer ce poste cité en dernier de l’organigramme du club. Vous confirmez quelle version ?
Effectivement le poste de manager a été supprimé. Il n’était plus utile depuis la nomination de Amara en tant que président de section. De plus, on a aussi désigné un secrétaire de section. Avec moi, c’est largement suffisant pour la gestion, et les relations extérieures. Benhamlat a rejoint donc Saïb sur le terrain.
Vous avez toujours eu de bons rapports avec Nacer Bouiche qui s’est déclaré, il n’y a pas de cela vraiment longtemps, qu’il serait prêt à revenir au club pour occuper le poste de manager. Cette éventualité reste-t-elle possible ?
Je dois expliquer que si on a supprimé le poste de manager c’est parce qu’on ne peut pas se le permettre. Ce n’est pas possible de payer le manager au moment où le président de section est bénévole. Désormais, ne seront payés que le staff technique et les agents de l’administration.
On croit savoir que d’autres personnes ont rejoint le bureau. Est-il vrai qu’il y’a eu désignation d’un nouveau vice-président ?
Ce que je peux dire pour le moment, c’est qu’il y’a effectivement d’autres membres qui vont arriver. Aussi, il y’a d’autres, des étudiants dans le comité de supporters qui pourrait d’ores et déjà nous rejoindre pour profiter d’une petite formation avec nous sur la manière de gérer le club. On va les préparer pour l’avenir.
Il y’a des voix qui se sont élevées pour dénoncer votre déménagement à Alger. On a même dit que vous avez ouvert un bureau parallèle dans la capitale d’où vous gérez l’équipe à distance…
Mais l’ouverture d’un bureau à Alger est plus que nécessaire. D’ailleurs, on devrait le faire. Parce que l’argent se trouve à Alger, l’organisation se fait à Alger, il faut que la JSK ait son bureau à Alger. Ces gens qui me reprochent ma résidence à Alger n’ont qu’à venir prendre le club, le gérer et ramener l’argent qu’il faut pour. Me concernant il n’y a aucun problème, dès demain je peux partir, et rentrer chez moi. Moi, je dis que l’argent est à Alger et nous avons besoin d’une assise là-bas. Tous les grands clubs ont leurs bureaux dans les capitales de leurs pays. Bordeaux pour la citer comme exemple, a son bureau à Paris, Auxerre a son bureau à Paris. Serrar et l’ESSétif sont en train de monter un bureau à Alger parce que l’argent est dans la capitale.
Et cette histoire du groupe du Mercure ?
Et voilà qu’on y arrive ! Mais quel groupe de Mercure ? Je rencontre là bas les joueurs car l’établissement est très respectable et nous trouvons un cadre très respectueux pour recevoir ceux qu’on veut voir. Mais où voulez-vous que je négocie avec les joueurs ? Où les faire signer ? C’est cela le monde des affaires, tout est concentré à la capitale. Au Mercure, on a affaire à des employés kabyles qui nous respectent et aiment le club et mettent tout à notre disposition. Et Dieu merci, la JSK a des amis partout, et je m’interdis de faire la différence entre les supporters d’ici ou de là-bas.
Et si nous abordions maintenant le parcours de l’équipe ? Etes-vous satisfait du travail accompli jusque-là par le staff technique ?
Pas du tout, on va le renvoyer (rires) Non, je blague. Mais bien sûr que je suis satisfait. Physiquement, techniquement, et dans tous les domaines, l’équipe affiche une bonne santé. Je pense qu’il a démontré qu’il est un bon entraîneur. Il a aussi une grande maîtrise du groupe sur le plan disciplinaire et ça c’est primordial dans la gestion d’une équipe.
Franchement, vous envisagiez dès le départ lui laisser l’équipe et le garder comme entraîneur en chef?
C’est venu avec le départ de Moussa. Dans un premier temps, il ne voulait pas de cette mission mais moi, je voulais gagner du temps et voir un peu quelle sera la réaction de l’équipe et aussi la sienne. Je vous ferais aujourd’hui une confidence, à ce moment-là, je n’avais pas contacté réellement d’entraîneurs même si j’ai dû répéter que j’ai contacté tel ou tel coach étranger. Moi, en fait je gagnais du temps pour laisser Moussa prendre confiance en lui et finir par dire o.k., j’assume. Car au fond de moi, je savais qu’il a les potentialités qu’il faut, et je pense que je n’ai pas menti pour rien puisqu’on a réussi, et aujourd’hui l’équipe est entraînée par un enfant du club, de plus elle tourne bien. Je crois qu’il faut s’en féliciter. Et pas seulement pour ça. J’éprouve un grand plaisir à voir que dans le secrétariat du club comme à la tête de la section ce sont des enfants du club qui ont pris la relève. Sur le banc c’est la même chose avec Moussa et Benhamlat, c’est réjouissant et on doit en tirer une grande satisfaction.
En parlant de la rigueur dans la discipline instaurée par Saïb, ce dernier a prononcé plusieurs sanctions parfois au détriment de l’équipe. C’est une manière que vous appuyez ?
Justement, on vient de discuter du sujet car l’équipe ne tire pas du tout profit sur le terrain en se privant par exemple d’un Demba. Je pense que Moussa a été un peu trop vite sur ce cas, car déjà la veille lorsqu’on avait discuté en commission des cas de Hemani et Hamouda que les joueurs fautifs subiront désormais des sanctions financières. Demba aussi devait être sanctionné sur ce plan. L’équipe ne peut pas se permettre de tels sacrifices et puis c’est à celui qui a fauté de payer. Donc on a décidé de toucher à la poche et c’est là où ça fait plus mal. Voilà comment on a finalement repêché Demba pour le match du NAHD.
Le cas Wassiou et Traoré est du domaine public mais jusque-là vous concernant, on ne vous a pas trop entendu là-dessus. Vouliez-vous laisser passer la colère du coach à leur égard ?
C’est un problème qui a été réglé. Les deux joueurs sont passés en commission de discipline et ont demandé pardon. Depuis, tout est rentré dans l’ordre et ils ont repris les entraînements avec le groupe. Vous savez à la JSK même si un volcan venait à éclater pour de vrai, une heure après il se serait calmé. Mais c’est quoi deux joueurs qui s’accrochent, ça arrive dans tous les clubs, c’est des humains.
Saïb a clairement dit que Traoré avait refusé de jouer pour partir. Son départ est-il envisagé pour le prochain mercato?
Je ne peux rien vous confirmer aujourd’hui. Pas plus loin que tout à l’heure, on l’a appelé, il est toujours malade, et je le rencontrerais samedi ou dimanche pour en discuter. Maintenant, s’il veut partir parce qu’il ne joue pas, on va lui faciliter la tâche. Il n’y aura aucun problème : Traoré partira, un autre viendra. Comme Khalifa est parti, Aigle Azur est arrivé.
Et Wassiou ? Il semblerait que vous souhaitez retenir cet élément, c’est vrai ?
Franchement je n’ai pas envie de répondre à cette question avant de voir Saïb. On devra en discuter sur le sujet et le président de la section sera associé pour prendre une décision concertée. Je tiens à respecter les gens qui travaillent avec moi. D’ailleurs, on se réunira ce samedi pour arrêter les besoins de l’équipe et les éléments qu’on va laisser partir en décembre. Et je veux que ce soit une direction collégiale. De toutes les façons, tout ce qui se dit pour le moment n’est que spéculation. D’ailleurs même si on tranchera le sujet cette semaine on n’annoncera rien pour le moment.
Mais, il y’a certaines évidences comme celle ayant trait au côté gauche qui a besoin d’être renforcé avec le départ quasi certain de Bengorine…
Moi, je trouve que c’est le côté qui marche le plus en ce moment avec les Oussalah, Dehouche et Derrag. Ils ont d’ailleurs encore prouvé leur bonne santé face à l’ESSétif. Ce que je peux dire pour le moment pour en finir avec cette histoire de départs et arrivées, c’est que la JSK participera au mercato et on sera trois à décider : Amara, Saïb et moi.
La JSK à la première place, c’est une position qui fait penser au titre. C’est un objectif pour vous ?
Tout président qui se respecte doit se montrer respectueux envers les équipes adverses donc il doit se retenir d’anticiper sur ses ambitions. Et puis en foot, on ne peut jamais jurer de rien. De plus, ce n’est pas productif de mettre la pression sur les joueurs, des fois ça produit l’effet inverse. Rien nous presse, pour le moment, on préfère garder les pieds sur terre, quand on l’aura, on dira qu’on l’a eu.
Vous semblez peser vos propos. La JSK n’a quand même pas changé. Lorsqu’elle joue une compétition, c’est pour la gagner ?
ça c’est sûr qu’on joue toujours pour gagner; d’ailleurs, c’est pour cela que nos supporters ont toujours été derrière leur club. Parce qu’ils savent que l’équipe a toujours été honnête envers leurs attentes que ce soit en championnat, en Coupe d’Algérie ou en Coupe d’Afrique.
La Ligue des champions prend ces dernières années une attention particulière au club. Vous aspirez sans doute à améliorer le parcours de l’équipe dans cette compétition ?
Vous savez, je peux dire sans risque de me tromper que la JSK est mariée à la Coupe d’Afrique. On est à quelque 140 matches de Coupe d’Afrique. Du point de vue compétition si on n’est pas premier, on ne serait pas loin de l’être. C’est quelque chose ! Lors de la précédente édition, on a eu sept points, cette fois on essayera d’en avoir neuf ou dix.
C’est-à-dire aller en demi-finale ?
Oui, ça serait une bonne chose. J’ai confiance en cette équipe et on a devant nous le mercato et l’autre période des transferts en juin prochain pour se renforcer. Mais avant d’en arriver-là, j’en tire déjà une grande fierté d’entendre dire sur ART, le bouquet satellitaire arabe, » Chabibate El Qabaïl » (JSKabylie). Qu’on aime ou qu’on n’aime pas, toute l’Afrique entend parler de la JSKabylie.
ça aurait pu faire une belle conclusion à cet entretien mais on ne peut s’arrêter, sans savoir quelles sont vos intentions au-delà de votre actuel mandat qui expire avec la fin de la saison ?
Eh bien, je n’ai pas changé d’avis si la situation restera telle qu’elle l’est actuellement, je m’en irai. Je n’ai plus la santé qu’il faut pour diriger le club, surtout face à l’indifférence des siens. Il faut que les gens prennent conscience que ce club est notre porte-drapeau et on doit l’aider. Car ce n’est pas d’arriver en haut qui est difficile mais d’y rester.
Mais vous ne fermez pas totalement la porte à toutes ces marques de sympathie dont l’AG vous a fait preuve aujourd’hui…
Je les en remercie. On verra d’ici-là, si d’abord ma santé me le permettra. Mon vœu immédiat serait de réunir la grande famille de la JSK. L’idée a été annoncée lors de l’AG. En fait, j’y pensais déjà, et je crois que le chantier a été déjà entamé. Vous voyez qu’à tous les postes, ce sont des enfants du club qu’on retrouve. Et Incha Allah avant la fin de l’année, toute la famille de la JSK se réunira lors d’une grande rencontre que nous envisageons.
Entretien réalisé par Djaffar Chilab
