Ils seraient près de cinq mille handicapés moteurs à travers la wilaya de Bouira. En comptabilisant les non-voyants, les sourds-muets et les handicapés mentaux, le chiffre avoisinerait les 10 000. Un chiffre qui n’est pas encore définitif puisque de nombreux parents n’ont toujours pas contactés les services de la Direction de l’aide sociale pour différentes raisons.
Au moment exact où les autorités locales célébraient cette journée à leur manière, c’est-à-dire, avec le folklore de circonstance autour d’une collation, et de la remise de 3 tricycles, 10 fauteuils roulants et divers cadeaux au profits des invalides, d’autres handicapés s’étaient rassemblés au siège de l’Union des handicapés moteurs de la wilaya de Bouira. C’est justement avec ces personnes que nous avons décidé de nous entretenir sur les problèmes qu’ils endurent au quotidien. Interrogé sur le pourquoi de leur absence au niveau de l’Ecole des sourds muets du chef-lieu de wilaya, lieu où se déroulaient les festivités en leur honneur, ils et elles étaient unanimes à décrier cette manifestation. Pour eux, il s’agit d’un rituel folklorique qui ne règle aucun problème, même si quelques handicapés bénéficieront de fauteuils roulants, les obstacles demeurent multiples. Premier problème abordé, celui du logement qui reste inaccessible pour eux. Le cas cité parmi tant d’autre est celui d’une dame handicapée exerçant dans une institution publique. « On m’a attribué un logement de fonction à titre temporaire, il est situé au 5e étage et c’est mon mari qui me porte dans ses bras chaque matin et chaque soir pour que je puisse me rendre à mon travail.» Une galère quotidienne que le couple endure depuis son mariage. Autre exemple qui illustre la négligence des autorités, le cas d’une jeune fille handicapée, auquel le directeur de l’établissement refuse la scolarité à cause de son handicap. La mère de l’enfant qui avait vu le secrétaire général de l’Académie s’était vu remettre par le responsable un arrêté pour que sa fille soit scolarisée dans l’établissement mais le directeur a eu gain de cause, et la fille demeure cloîtrée chez elle. Pour les membres de l’Union des handicapés moteurs de la wilaya de Bouira, le wali n’est pas conscient des problèmes qu’il peut régler pour faciliter le quotidien des handicapés. Selon la présidente de l’Union, plusieurs demandes d’audience lui ont été adressées, mais sans réponses à ce jour. «Nous fonctionnons avec un budget de 100 000 cap par an, comment nous rendre au chevet des handicapés se trouvant au niveau des 45 communes de la wilaya ? En plus nous ne possédons même pas de véhicule. Les handicapés qui seront aujourd’hui devant le wali sont des personnes plus ou moins valides qui ont réussi à faire le déplacement au chef-lieu de wilaya, mais combien sont-elles ces personnes invalides que nous n’avons toujours pas recensées faute de moyens ? Je n’aime pas attendre dans mon bureau que des personnes viennent me soumettre leurs problèmes, je préfère aller chez eux pour constater et régler les différents problèmes relatifs à leurs handicaps. » Pour information, la présidente de l’Union des handicapés moteurs de la wilaya nous rappellera que pour un handicapé résidant à Takerboust, commune d’Aghbalou située 60 km à l’est du chef-lieu de wilaya, la location d’un véhicule revient à 1 500 cap, alors que sa pension varie de 1000 à 4 000 cap. « Comment fait cette personne si elle se déplace à l’Onaph, ou à la D.A.S deux à trois fois dans le mois pour intervenir sur des problèmes qui ne se résoudront pas, en plus des frais de son traitement, soins et autres médicaments ?» s’interrogera-t-elle. Ammi Moussa, amputé des deux jambes nous questionnera également « Nos responsables, nos élus sont-ils à l’abri d’un quelconque accident pouvant les rendre handicapés à vie ? Assurément non, alors pourquoi faire des lois qui nous handicapent plus que nous le sommes déjà? » Notre interlocuteur nous montrera la notification de rejet qui lui a été signifiée concernant sa demande d’attribution pour une voiturette à moteur et ce pour les motifs suivants soulignés dans un document officiel: « Les tricycles à moteurs sont attribués aux personnes présentant un handicap lourd des membres inférieurs et qui sont actifs ou étudiants, conformément à la note 157 du 19 avril 1992 émanant du ministère de la Santé publique. » Toutefois la notification de rejet mentionne que si « cette décision est contestée, il existe une possibilité de recours préalable siégeant auprès de l’agence par lettre recommandée avec avis de réception dans les deux mois à compter de la réception de la présente notification. » Une aberration qui vient s’ajouter à toutes les lois farfelues censées protéger les handicapés. Plus que le handicap de personnes invalides, les lois algériennes sont plus handicapées que ces marginalisés qui les endurent à longueur d’existence. Nos interlocuteurs et interlocutrices sont unanimes pour réclamer de meilleures conditions de vie et surtout d’être entendus auprès des élus locaux et des autres responsables pour que leurs revendications aboutissent.
Hafidh B.