Après vérification de notre identité, on traverse le poste de contrôle situé à proximité de la bâtisse du siège de l’ONU, beaucoup de curieux, l’air hagard et perdu, accourent vers la ruelle du bâtiment où un poste de contrôle est installé. Rien à faire, l’accès est filtré. On remarque la présence de la présidente de l’Association des victimes du terrorisme et de nombreux confrères. Trois personnes ramenant des vivres ressassent: “Ouellah ma tfout “, lance avec fermeté un policier à quelqu’ un qui voulait se faufiler entre quelques habitants des lieux.
On tente une percée de l’autre accès, même tpo: des mesures draconiennes sont prises à l’encontre des journalistes de la presse nationale, les conditions de travail sont très difficiles…Presque impossibles. Un groupe de femmes sort du lieu du drame, éplorées, silencieuses…elles semblent muettes. Un jeune de 23 ans, travaillant à l’Aurassi et qui habite dans le coin vient de sortir de la zone bouclée, blessé à la tête, lui aussi. “ Celle qui vient déjeuner avec nous,… celle à la coupe carrée est tirée des décombres morte,” lance-t-il la mine défaite. Sollicité pour nous en dire plus, “Excusez-moi, je n’ai pas le droit, on nous a donné des instructions,” nous rétorque t-il avec un air de désolation.
Retour vers le 1er accès. 12 h 45. Des engins sont toujours à l’œuvre, un camion chargé de décombres sort de la zone, un autre de grand tonnage sape le petit espace contenant la grande foule compacte, que se partagent les curieux, les journalistes et les services de sécurité.
Un jeune d’une trentaine d’années le regard aussi sombre que le ciel d’Alger en cette matinée d’hier.
Il attend des nouvelles de son frère chauffeur au siège de l’ONU, 42 ans, père de 4 enfants “ On n’a aucune nouvelle de lui, il nous ont laissés ici depuis trois heures du matin, ma famille et moi,” nous dit-il, visiblement épuisé et éreinté par la dure épreuve et d’ajouter: “ Il y’a encore cinq sous les décombres, ils ont tiré quatre hommes et une femme, depuis ce matin, c’est ce qui nous laisse espérer.” Son compagnon enchaîne “personne ne nous rassure, ghir li koulek bâad ou rouh.” Ils ont tiré à 3 h du matin, un chauffeur de 32 ans, c’est ce qui nous donne du courage et de l’espoir. Une voix féminine au téléphone du 1er, c’est la mère du du chauffeur qui appelle de chez elle, à Aîn Naâdja. “Ne t’inquiète pas maman, ils sont encore en train de creuser, je t’appellerai dès qu’il y aura du nouveau”, en tentant de la rassurer. Un confrère excédé par les mesures prises à l’encontre des journalistes marmonnait. “ Et pourtant Zerhouni a affirmé hier qu’on travaille normalement, les photographes, la presse nationale.” Cour suprême. Il est 14h. Seuls les tenants des commercants limitrophes et les habitants des environs immédiats sont autorisés à passer outre le périmètre de sécurité. Deux camions-citernes de Net Com nettoient encore les lieux de la déflagration. On tente notre chance pour entrer malgré le refus, “Talkie-wallkie à la main, après confirmation avec son vis à vis, on nous signifia le refus catégorique, malgré l’accès de deux confrères arabophones. Des curieux s’agglutinent en groupes, un Chinois de passage attire l’attention des présents… il s’évapore en un temps record, on quitte les lieux avec un sentiment de frustration. Plus tard vers 16 h, on apprend que le bilan s’est alourdi à 30 morts et que nos confrères ont pu accéder aux lieux des deux drames…. La voix de la mère du chauffeur du siège de l’ONU et celle de son fils tentant de la rassurer retentissent, sans toutefois avoir de nouvelles de leur sort.
Ahmed Kessi
