Les islamistes kamikazes, le choix des mots

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Sous le titre de “Comment devient-on kamikaze au Maroc ?” le quotidien La Nouvelle Tribune a rapporté les propos du Dr Guessous Chakib expliquant le comment du pourquoi du revirement vers les extrêmes des jeunes Marocains. Tout au long de l’entretien ni le journaliste ni l’intellectuel spécialistes des questions religieuses, n’ont prononcé les mots : islamisme, islam politique, fondamentalisme, djihadisme… Comme si les cause qui amènent les musulmans à devenir kamikazes sont extra-religieuses et ne trouvent leurs racines que dans les conditions sociales, économiques et à un degré moindre, politiques de ses populations. L’intellectuel trouve même qu’il s’agit là d’un problème culturaliste lié à la langue, donc à l’identité de ces jeunes : “[Ce jeune ndlr]… s’exprime en arabe dialectal dans son foyer, en arabe classique à l’école et qui doit savoir s’exprimer convenablement en français pour communiquer avec son environnement et avoir une chance pour décrocher un emploi…”. Il en est quoi de leur religiosité, de l’islamisme, des prêcheurs de la mort, dans les mosquées de ces bidonvilles ? Ce discours est l’exemple-type de l’hypocrisie et de malhonnêteté intellectuelle de certains penseurs musulmans. Cette peur des mots entraîne le travesti des maux sociaux et par conséquence l’inadéquation des solutions proposées.

Le phénomène kamikaze islamiste est propre à l’islamisme politique, ils ont la même essence. Il constitue le moyen de la mouvance islamiste pour accéder au pouvoir, du moins à déstabiliser assez ceux en place, pour permettre aux intégristes dits modérés d’avancer leurs pions dans le cadre de la politique de l’entrisme. Par contre il n’est pas propre à une société, à un peuple ou à une région. A l’image du djihad décrété par la nébuleuse intégriste El Qaïda, il est global. Sa nature supra-nationale lui confère une forme de mondialisation de la terreur islamiste, qui s’imprègne des travers des société dans lesquelles il agit. Se borner à circoncire le phénomène à la périphérie des villes comme s’il existe un phénomène local, telle la délinquance des favelas brésiliennes liée à la drogue et à la misère sociale c’est omettre volontairement ces racines religieuses. Etudier séparément les comportements qui produisent des kamikazes islamistes dans les bidonvilles Sekouila de Casablanca au Maroc, de la Montagne sur les hauteurs d’Alger en Algérie, de la banlieue de Leeds en Angleterre ou de la Mosquée rouge au Pakistan, c’est courir le risque de sous-estimer les vraies causes au détriment des causes non religieuses.

Le kamikaze qui a sauté devant le siège du gouvernement à Alger n’a rien à voir avec ceux du bus et du métro londonien. Merouane est algérien originaire du bidonville de la Montagne, il passait ses journée à se morfondre sur sa situation de chômeur. Il passait ses soirées à boire de l’alcool et à fumer, portrait-type du paumé, ses recruteurs l’ont repéré par rapport à sa condition sociale, mais ils ont usé de subterfuges religieux pour l’amener à l’irréparable. Quant à ceux de Londres, ils sont Anglais intégrés issus dan leur majorité de la classe moyenne, donc sans difficultés financières.

A première vue rien n’est ne rapproche ces individus, hors que, il existe bien un dénominateur commun, le fondamentalisme islamiste. L’enquête a révélé le séjour des kamikazes de Londres au Pakistan pour suivre des cours de religion dans une école coranique. Pour Merouane l’Algérien issu d’un bidonville acquis dans sa majorité aux thèses du parti islamiste algérien FIS (Front islamique du salut) au début des années 90, avant de devenir le bastion des groupes islamistes armés.

Les kamikazes du cybercafé de Casablanca, cherchaient à accéder sur un site islamiste, avant de se venger sur la matériel informatique quand l’accès leur a été refusé par le logiciel de filtrage, la suite est connue. Le site en question est le même que les milliers qui pullulent sur la toile et qui sont alimentés par les étudiants extrémistes de la Mosquée rouge de Peshawar ou des télévisions confessionnelles émettant à partir des pays du Golfe. Plus explicite encore, le site Internet du Hamas palestinien qui propose le guide du bon kamikaze. Dans le cas de Nabil Belakacemi, le kamikaze qui s’est fait exploser dans la caserne des garde-côtes de Dellys en Kabylie, le constat est plus cinglant. Agé à peine d’une quinzaine d’années, ce fils de marin a dû sa perte à la fréquentation d’une mosquée située dans le quartier Apreval de Kouba. Le numéro 2 du FIS Ali Belhadj est considéré comme le guide spirituel, et il continue à diffuser sa pensée résolument djihadiste sur les ondes des médias, sans être inquiété. Nabil est comme tous les écoliers algérien, — hormis les enfants des dirigeants qui préfèrent les écoles occidentales — confronté à un système éducatif qui fait la part du lion au bourrage de crâne par des concepts religieux. La réforme de ce système s’est confrontée à l’intransigeance des milieux islamistes dits modérés. Si cet enfant s’est avéré une proie facile pour les prêcheurs islamistes, ce n’est nullement dû à sa condition sociale. Il habite un appartement dans une cité, celle des fonctionnaires son père marin arrive à subvenir aux besoins de sa famille peu nombreuse. L’école algérienne a livré cet enfant pieds et poings liés au fondamentalisme islamiste qui en a fait un kamikaze. Pour combattre efficacement les attentats kamikazes, il faut commencer par définir objectivement le fléau à combattre, l’islamisme politique. Cette doctrine est le fascisme vert du vingt et unième siècle qui pourvoie en idéologie de la haine le djihad, le terrorisme islamiste.

Zahir Boukhelifa, journaliste.

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