Rechristianisation et messe basse

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A la faveur de la suppression de la filière des sciences islamiques dans l’enseignement secondaire, les arabo-islamistes de tous poils, s’agitent, occupent le terrain avec pour cheval des batailles le danger imminent d’une rechristianisation de la région, cadeau empoisonné caché dans le double fond des valises de la mondialisation !La tribune permanente du vendredi, ouverte dans les mosquées 52 fois par an, où des imams virulents, dont les prêches incendiaires mettent à mal la religion musulmane depuis le fameux 11 septembre qui a mis à nu les velléités hégémonistes islamistes, ne semble pas suffisante. Les militants de la mouvance intégriste travaillent la société au corps, investissant dans les peurs irrationnelles, les faiblesses du citoyen terrassé par la crise sociale et la perte des repères identitaires. Tous les espaces sont bons à prendre, des marchés hebdomadaires, aux chaînes orientales câblées et aux larges colonnes de la presse arabophone à sensation qui a trouvé dans “la phobie du chrétien” un bon créneau commercial ! Les concessions faites à l’Occident par l’islamisme, après la tragédie du 11 septembre, sont vite rattrapées sur le dos du citoyen algérien, vertement apostrophé, accusé d’hérésie et d’abandon de sa religion “naturelle”. Le citoyen de Kabylie a, aux yeux des islamistes, le lourd passif d’être démocrate pro-occidental et de lutter de toutes ses forces contre leurs idées intégristes. En plus de ces tares impardonnables, voilà qu’il s’acoquine avec les chrétiens ! C’est assez pour sortir sur le terrain et donner le dernier avertissement avant la chasse aux sorcières !Depuis que le Mouvement culturel berbère (MCB) a par ses luttes dépoussiéré notre histoire et réhabilité les racines profondes de notre civilisation millénaire, les origines lointaines et sûres de notre peuple, les oripeaux de l’arabo-baâthisme et de l’islamisme se sont effrités les uns après les autres à l’intérieur de notre société. Le recours à la violence, au crime organisé, au terrorisme, pour imposer un idéal de société théocratique primitive a édifié le citoyen sur les dérives que peuvent générer les multiples interprétations de l’Islam et les valeurs d’intolérance qui sous-tendent cet idéal. Les changements intervenus dans la vision occidentale par rapport à l’islamisme depuis la déflagration du 11 septembre ont, comme une lame de fond, emporté les dernières illusions des tenants du projet de société théocratique. Aussi, ces derniers se sont-ils mis à faire de la résistance contre toute nouveauté, tout changement qui interviendra dans ce qu’ils appellent “les constantes nationales”, développant un discours a-historique truffé de contrevérités facilement démontables qui ne résistent à aucune lecture, même sommaire, de l’histoire.Les prêches intégristes affirment dans leur totalité que “le catholicisme a fait son entrée en Algérie avec les premiers colons au lendemain de 1830”. C’est donc un héritage de la colonisation française qu’il faudra combattre et réduire à néant au même titre que sa langue, outil par lequel le colonisateur maintient sa présence et son influence. Rien n’est moins faux. Comme l’Islam, le christianisme est venu de l’Orient et non de l’Occident. Il s’était greffé sur le judaïsme qui l’avait précédé. Les persécutions exercées par les Carthaginois, de religion païenne, sur la plèbe berbère, avaient alors donné un essor remarquable au catholicisme qui prit un cachet local au point de rentrer en dissidence permanente avec l’église de Rome durant les quatre siècles que dura l’occupation romaine de la Numidie !

Cinq siècles de christianismeAu début du Ve siècle, l’église nord-africaine comptait 600 évêchés ! La religion chrétienne avait constitué le ciment de la contestation contre l’occupation romaine comme l’a été la religion musulmane contre l’occupation française 16 siècles plus tard. Des schismes célèbres avaient opposé l’église de Berbérie à celle de Rome, le Donatisme n’était pas des moindres !Asservie par les colons romains, écrasée par les légions, la plèbe berbère avait trouvé dans le schisme donatiste un espace de mobilisation contre la romanité et un mouvement d’affirmation de l’identité berbère par le canal religieux.Notre terre et notre peuple ont été chrétiens pendant cinq siècles. La conquête arabe n’a duré qu’une cinquantaine d’années, mais la déchristianisation s’est étalée sur plus de quatre siècles durant lesquels l’Islam a réussi à unifier les différents éléments de la population. Les derniers chrétiens ont connu une période de tolérance sous le règne du sultan Hammadite Ennaceur de Bougie qui demanda en 1076 au pape de nommer un représentant pour la communauté chrétienne. Servandus fut le dernier au siège épiscopal de Naciria.La tolérance de l’Islam avait cessé sous le règne de Abdel Moumen. Les derniers chrétiens devaient choisir entre la conversion à l’Islam ou la mort ! Décidément l’intégrisme islamique a des racines lointaines. C’est à se demander si à travers l’histoire, cette religion n’a jamais connu l’application des valeurs de tolérance conformes à son esprit ! L’Islam a utilisé la force pour effacer les dernières traces du christianisme et ses multiples schismes qui avaient empêché la romanisation de l’Afrique du Nord. Comme l’Islam, le christianisme fait partie de notre fond identitaire. A l’heure où les décideurs qui tiennent le gouvernail du “bateau-Algérie” prônent la réconciliation nationale, martelant que celle-ci commence d’abord par la réconciliation avec nous-mêmes, avec notre histoire, les intégristes islamistes se déploient sur le terrain avec un discours haineux envers la chrétienté en général et les groupuscules catholiques en particulier. Ceux-ci se constituent ça et là dans toute l’Algérie, sur les Hauts-Plateaux, dans les oasis, les grandes villes de l’Est et de l’Ouest et pas seulement en Kabylie. Les causes profondes de la résurgence de cette religion, underground, sont mal définies à défaut d’enquête sérieuse et suivie dans les milieux de jeunes qui pratiquent le catholicisme. Les islamistes sont inquiets ! Après le partage du pouvoir qu’ils croyaient prendre tout seul, voilà que sonne l’heure de céder le monopole des croyances. Pourvu que l’Islam demeure religion d’Etat, ça rapporte tellement !Dans un contexte de crise sociale, le jeune Algérien pris dans l’étau des multiples privations, dont la frustration sexuelle n’est pas des moindres, cherche des repères pour donner un sens à sa vie. Au bout de la quête vaine certains se suicident, d’autres très nombreux préfèrent la fuite vers des horizons plus cléments. Beaucoup entrent en religion. Des réponses au besoin de spiritualité des jeunes les trouvent dans l’Islam, d’autres se penchent vers une autre religion : le christianisme. Au nom de quoi sont-ils condamnables ?

R. O.

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