La politique US sous le microscope

Partager

Encore une fois, Robert Redford ne déçoit pas. Réalisateur et acteur fusionnent et se fertilisent pour accomplir l’une des plus belles carrières cinématographiques de Hollywood. Ce film qui réunit trois figures emblématiques du cinéma américain: Robert Redford, Meryl Streep et Tom Cruise, jette un regard critique et, globalement, réprobateur de la politique de guerre américaine, particulièrement celle de la lutte contre le terrorisme. Meryl Streep, journaliste quinquagénaire reconnue dans le monde de la presse, interviewe un sénateur incarné par Tom Cruise sur la nouvelle stratégie de guerre en Afghanistan. De l’autre côté, Robert Redford, professeur d’université, polémique avec un étudiant brillant et politiquement éveillé, sur la légitimité de la lutte américaine contre le terrorisme. Dans un troisième plan, la réalité cingle dans son plus simple appareil, celle de la guerre en Afghanistan où des soldats tuent et meurent au moment même où le sénateur explique à la journaliste la perfection de la nouvelle stratégie. Le film ne dure qu’une heure trente minutes et s’avère une concentration réussie aussi bien sur le plan technique qu’esthétique. Les trois parties du film, d’apparence, détachées l’une de l’autre, versent dans une vision sceptique, néanmoins, objective, de la guerre en Afghanistan et en Irak. Le style de Robert Redford, réalisateur, s’inscrit dans la nouvelle tendance de mise en scène cinématographique, dont les principaux caractéristiques sont : primo, la densité et non la longueur ; secundo, l’expressivité et l’intensité des dialogues ; et ultimo, assurer la transmission de l’idée essentielle sans verser dans le réchauffé ou le sensationnel. Réalisation sobre et dialogues éloquents, Lions et agneaux n’a peut-être pas eu un soutien inconditionnel de la critique par rapport aux autres films de Robert Redford, mais on ne peut certainement ignorer la force et la consistance de l’interprétation de chaque personnage.

Tom Cruise résume ainsi, dans son discours pro-Bush, l’avidité aveugle d’une victoire sans triomphe et l’acharnement déchaîné à imposer l’idéologie américaine sur l’opinion publique, représentée par la journaliste redoutée qui incarne le scepticisme ambiant face à cette même politique devenant, avec le temps, extrêmement impopulaire. De l’autre côté du drame, Robert Redford, professeur d’université, essaie de convaincre un étudiant brillant et blasé de la nécessité de jouer un rôle dans l’actualité fut-elle décevante et sans repères. En Afghanistan, loin des slogans, des discours et des théories utopiques, deux soldats américains, anciens étudiants de Robert Redford, qui se sont faits enrôler par convictions dans l’armée américaine, se battent seulement pour survivre après avoir découvert l’effroyable bluff dont ils ont été victimes.

Le film se termine par une scène assez expressive, silencieuse et imposante: l’étudiant qui vient de se faire sermonner par son professeur apprend dans un flash d’information à la télévision que les deux étudiants viennent de mourir au champ du déshonneur !

Lions et agneaux est loin d’être un film de propagande ou de morale, bien que certains le trouvent sec et trop sobre. Ce n’est qu’une autocritique sincère et objective, un état d’éveil un peu brutal face à un idéal qui s’effondre et une politique, qui loin de représenter une justice, devient criminelle et dépourvue de légitimité.

Sarah Haidar

Partager