“ Pourquoi se suicident-ils ? ”

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Misère, exclusion, dépression, autant de facteurs qui poussent l’individu au suicide. Ce dernier a pris ces derniers temps des proportions alarmantes. Des centaines de tentatives de suicide, dont plusieurs ont entraîné la mort ont été enregistré par la direction de la Protection civile. Une grande partie des suicidaires sont des jeunes filles et des garçons qui ont trouvé en ce moyen la seule issue. “On n’a plus la joie de vivre, nous sommes meurtris par la précarité et la routine, nous ne supportons plus notre quotidien”. Ce sont des propos qui reviennent à chaque fois sur les lèvres de certains rescapés que nous avons interrogés.

Effectivement, l’absence de perspectives, l’échec scolaire ou sentimental, la pauvreté sont les principales causes qui poussent des dizaines de personnes à travers le territoire national à choisir l’autre monde. Les méthodes que choisissent ces personnes pour passer à l’acte sont aussi diverses que nombreuses. Elles peuvent choisir la pendaison, se jeter dans le vide, prendre des produits toxiques ou se couper les veines, d’autres préfèrent d’autres moyens plus violents comme s’immoler par le feu, ainsi que des méthodes plus singulières. Pourquoi ces personnes ont-elles recours à ce moyen d’expression violent ?

Plusieurs personnes qui se sont suicidées font encore parler d’elles dans plusieurs communes de notre pays. Nous avons tenté de connaître les raisons de leurs actes. Nous nous sommes déplacés au service des urgences de l’hôpital Mustapha d’Alger, sur place le médecin N. B. nous dira “nous recevons presque quotidiennement des cas de tentatives de suicide. assez diverses mais un nouveau cas est apparu dans notre société, c’est l’immolation pour le feu”, elle nous dirige vers le service des brûlés, là nous avons vu une jeune fille brûlée au second degré. Le médecin nous explique son cas affreux, “elle a été promise de force à un cousin et après son échec au baccalauréat, elle a été forcée de rester à la maison et de se marier contre son gré, après une première tentative il y a deux mois en avalant un produit toxique, elle récidive avec un moyen encore plus violent”, sa mère restée à son chevet nous dit qu’elle n’y pouvait rien, c’est son père le responsable. Effectivement, dans plusieurs cas, l’autorité parentale est souvent citée comme cause principale du recours au suicide, en ce qui concerne en premier lieu le sexe féminin, d’un autre côté nous avons pu renconter sur place un rescapé qui nous racontera sans grande difficulté son histoire : “Je suis issu d’une famille de 9 personnes 2 garçons et 5 filles, ainsi que mon père et ma mère, mon père est retraité, il y a 2 ans j’ai trouvé un emploi dans une société comme agent de sécurité la nuit, car j’ai un niveau de 8e AF, tout allait bien “hamdoulillah” (Dieu merci), un jour on a découvert qu’il manquait un lot de marchandises au sein de la société, on nous a convoqué et traduit devant la justice sans une mise en garde préalable, on a écopé moi et les trois autres gardiens de nuit 2 mois de prison ferme avec une amende de 15 000 DA chacun. J’ai passé les 2 mois de prison et ma mère a fait une dépression. Etant licencié sans certificat de travail et avec un casier judiciaire, je ne trouvait plus de travail après ma sortie de prison. J’ai commencé à consommer de la drogue et petit à petit je devenais agressif et c’est là que je suis passé à l’action en me jetant du 2e étage. Malheureusement, cette fois ça n’a pas marché, “Dieu” n’a pas voulu,“el maktoub”, je m’en suis sorti avec deux côtes brisées, les jambes et les bras aussi, je suis ici depuis 2 mois et 15 jours car j’ai eu aussi un grand traumatisme crânien”. Ce jeune est l’exemple parmi d’autre de cas de suicidaires qui tentent chaque jour de mettre fin à leurs jours, les moyens sont divers mais l’intention reste toujours la même et varie des cas d’une désespérance plus ou moins profonde.

Même les vieux se suicident

Ce phénomène n’affecte pas uniquement les jeunes mais même les personnes du troisième âge, il y a quinze jours, une vieille dame a tenté de mettre fin à ses jours en se pendant dans la salle de bain de son appartement.

Sa fille raconte : “Après le décès de mon père, ma mère est devenu une autre personne, elle refusait de s’alimenter et ne reconnaît plus les personnes autour d’elle. Je me suis allongée un moment tout en surveillant ma mère, la sachant dépressive à un moment donné j’ai soupçonné quelque chose par le silence qui régnait dans la maison, je me suis dirigée vers la cuisine puis dans la salle de bain, là j’ai découvert ma mère agonisante, je l’ai sauvé de la mort in extremis, elle porte encore les séquelles de la corde autour du cou”.

Il y a quelques jours, un vieil homme s’est jeté du 5e étage de son immeuble, il est mort sur le coup, nous dira un des voisins de la victime.

“Ammi Rabah était un homme bien et généreux avec les autres, je ne comprens pas pourquoi il a fait ça”, il faut dire que l’homme était modeste et avait à sa charge cinq bouches à nourrir, il avait 74 ans. Questionné sur les vraies raisons qui poussent des milliers de personnes à tenter de se suicider, un psychologue nous dira : “Les rescapés refusent généralement de répondre à cette question, toutefois, j’ai pu tirer une conclusion, à travers certains témoignages, c’est la déprime et le mal-vivre”.

De plus en plus de suicides collectifs

Il y a une nouvelle pratique suicidaire dont on ne parle pas beaucoup dans notre société, c’est les suicides collectifs. Il y a trois mois, à l’intérieur du pays, une famille de 4 personnes s’est donné la mort par pendaison dans leur demeure, un élément de la Protection civile nous raconte : “Des voisins nous ont contactés vu que cette famille n’a manifesté aucun signe de vie durant deux jours, nous avons trouvé les quatre corps pendus, c’était l’hécatombe”. Presque le même cas a été enregistré dans une autre localité, mais cette fois-ci la méthode diffère, c’était un suicide à l’aide de produits toxiques ingurgités.

Par ailleurs, les régions les plus touchées par ce fléau sont Alger, Tiaret, Constantine, Tébessa et Tizi Ouzou. Le peuple algérien est meurtri dans son âme et sa chair, cela fait des années que le droit du citoyen algérien à la vie et la sécurité est bafoué : “L’Algérie est de plus en plus riche et le citoyen est de plus en plus pauvre, dans les années noires, la vie était meilleure, malgré l’insécurité, au moins on trouvait de quoi se nourrir, quand je me rends au marché, souvent je reviens le couffin vide, que voulez-vous les prix ont flambé”, nous confie un citoyen approché dans la rue.

Et comme si l’insécurité ne suffisait pas, le peuple algérien endure ces derniers temps la misère sociale et économique avec la flambée des prix de produits alimentaires de base, les bas salaires qui entraînent la dégringolade du pouvoir d’achat et surtout la hausse de l’euro.

Le citoyen algérien a été entraîné en un laps de temps vers les abysses de la pauvreté, ainsi l’ultime recours reste le suicide, la vie ne valant plus la peine d’être vécue. En Algérie, il n’y a pas que le terrorisme qui tue.

Merbouti Hacène

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