Dans l’intimité de Idir

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Reportage de notre envoyé spécial à Paris, Djaffar Chilab

Idir n’habite pas le centre de Paris, ni Paris d’ailleurs. Il évolue en retrait du grand mouvement de la capitale française. Il aime le calme. Pas du tout brouillon même dans sa vie de tous les jours. En fait, sa musique est le prolongement de tout lui au naturel. La rue de sa demeure a pour nom… rue des Oiseaux. C’est dans un village complètement retiré du décor urbain de la grande France. A près d’une quarantaine de kilomètres de Paris. Du côté de Cergy, à Vauréal, un département du Nord. Le village paraît mignon comme tout avec ses petites ruelles. Les lieux inspirent dès le premier regard la confiance, la sécurité. Les portails des demeures sont ouverts. Des poussettes de bébés, se voient devant les portes… Il était pourtant dix-huit heures passées quand on a pointé sur place. C’est en compagnie de M. Saadi, le patron de BRTV, un ami, un frère avec lequel il a plein de projets professionnels et pour la cause berbère, et Kamel Tarwihth qu’on a fait le déplacement. Il faisait frais. Un peu trop même. Très hospitalier, Idir était là pour l’accueil, devant sa porte. Avant sa sortie à notre rencontre, le bruit du moteur nous avait déjà annoncés. Ses deux caniches, un blanc et un noir l’avaient prévenu avant qu’on actionne la sonnette. Ils nous ont souhaité la bienvenue à leur manière… Dans la discussion, il dira que c’est aux enfants, et que les animaux ce n’est pas du tout son truc. Idir a fait son apparition dans un jogging discret. Il est toujours fidèle à sa coupe de cheveux, à sa paire de lunettes. Il ne le fait sans doute pas exprès, mais c’est bien son look à lui. Depuis toujours. Il n’a pas changé. Sur les hauteurs de sa maison, c’est une dense forêt. Le village est à ses pieds. A l’intérieur, une modeste cuisine et un vaste et simple salon nous accueillent. Ce n’est pas compliqué ni trop chargé. C’est un univers simple dans lequel se retrouve l’artiste. Juste ce qu’il faut dans la cuisine dans le salon des fauteuils très reposants, deux pianos, une cheminée soigneusement décorée à la brique pleine, et un tas de trophées pour sa riche carrière : Des disques d’Or, plusieurs sigles berbères, des portraits defamille, quelques tableaux originaux dont celui de…Matoub, de son village Ath Lahcène, et beaucoup d’autres titres et cadeaux. Il en a reçu des Marocains, des Libyens… La légion d’honneur que lui avait décerné Chirac, il la gardait en haut, au premier, dans sa chambre.

C’est pour ma mère que je me suis installé à Cergy

Mais comment s’est-il retrouvé à Cergy ? «C’est ma mère ! Dès qu’elle a découvert les lieux, elle est tombée sous le charme.» Idir n’est pas du tout quelqu’un qui ressemblerait à un oiseau migrateur même s’il passe le clair de son temps dans les avions, dans un TGV, sur différentes scènes du monde… «J’habite ici depuis 1981. Auparavant, j’ai été pendant cinq ans à Drancy mais, sinon, je ne suis pas quelqu’un qui aime trop changer de nid. » L’acquisition de sa maison est une histoire un peu spéciale. Il l’a achetée à 66 000 francs de l’époque. « Elle était mise en adjudication à 65 000, c’est un intermédiaire qui m’en avait fait part. Le jour de la vente, je me suis donc présenté.

Je tenais à faire un effort particulièrement pour ma mère qui a été frappée par les lieux dès notre première visite. A l’ouverture des enchères, personne ne s’est présenté. Bizarre ! Le commissaire-priseur est alors venu me voir et me demander si ça ne me dérangeait pas de patienter un peu… Mais personne ne pointera. J’étais donc seul à prétendre. Mais j’ai rajouté quand même 1 000 FF. C’est ça les Kabyles… », raconte Idir avec le sourire avec un air de quelqu’un qui est pris quelque peu dans sa pensée. Sa fille est encore dehors. «Elle est au théâtre ! C’est juste à côté, je la ramène, et je reviens.» Son autre fils est beaucoup plus loin. Il est allé s’installer en Australie, à Sidney. Et puis, il y a sa charmante maman à laquelle il tient. «Je suis quasiment chaque matin avec elle jusqu’à treize heures.» Elle fait partie de son quotidien intime. Elle en prend même une place très importante. En dehors de son programme chargé, Idir dit qu’il ne s’impose jamais un emploi du temps pour créer. «Je ne me suis jamais dit : Allez je me mets à table pour composer. Je ne m’asseye que quand ça vient… Dès fois j’ai une touche musicale, dès fois je me rappelle un mot, une idée me vient comme ça, comme il se peut que ça tombe à la fois : le chant et les mots.» Ainsi parle t-il de son travail. «Il y a où on répète, j’évite de ne pas le faire à la maison juste pour ne pas déranger les autres mais sinon ici, tu fais ce que tu veux chez toi.» «Oui ça m’arrive de faire autre chose… » En fait Idir est un accro des jeux vidéo. «Oui, j’adore faire ça, j’aime bien, ça me destresse.» Il dit qu’il se soulage aussi à écouter «Les incontournables.» Quand il les nomme, il cite Cheikh Arav, H’cène Mezani, Slimane Azem, Matoub, Aït Menguelet… La dernière chanson qu’il venait d’écouter en ramenant sa fille à la maison c’est Ah Ya Dini de Amour Abdenou. “Je le trouve sublime le « Ah Ya Dini ». « J’aime bien aussi le jeune Allaoua. Il a une belle voix ». Idir est aussi très au courant du monde sportif. «La JSK, c’est mon club de toujours. J’en suis un supporter, comme je ne peux rester indifférent vis-à-vis des deux équipes de Béjaia : La JSMB, et le MOB.» Mais cela fait quand même longtemps qu’il n’a pas mis les pieds dans un stade en Algérie.

«Le dernier match que j’ai vu, c’était en 1982 au stade de Tizi-Ouzou. C’était JSK – Mouloudia, je me rappelle que Fergani était sur le terrain, il jouait encore. J’ai été avec Amar Azouz qui reste un bon ami à moi. »

La JSK, le couscous, le ski, « Les incontournables », et Ah Ya dini…

Idir se révèle aussi un grand sportif pratiquant à son rythme. « Quand je vais en vacances, c’est pour faire du ski. C’est d’abord un environnement propre que j’aime, tout est nickel, blanc, l’air est frais et agréable. Et le ski, j’aime bien aussi. Je pratique mais pas comme le font les enfants. On y va généralement ensemble.» «Aujourd’hui on va skier sur…couscous», enchaînait Kamel Tarwihth… La transition est faite : Idir nous conviait à un bon couscous, peut-être meilleur de ce qui se fait en Kabylie. Un plat bien garni de haricots «kabyles», de carottes, de pois chiches… Le tout accompagné au choix: piments, viande de poulet ou rouge. « Ce n’est pas parce que vous êtes là, chez moi, je mange toujours…kabyle. Nos plats ont toujours été ceux de la Kabylie.

J ’y suis très attaché», dit-il. En mangeant on a discuté de tout et de rien, et la tchatche était franchement agréable. Entre-temps, on avait tous terminé tout ce qu’il y avait dans nos assiette.

Et à Idir de nous inviter à sa manière pour en prendre davantage: «Vous pouvez terminer le plat, c’est la part des mômes… » Il est aussi plein d’humour l’homme ! On ne voyait pas le temps passé. On l’a quitté à deux heures du matin passées.

D. C.

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