Le chef du groupement de gendarmerie de la wilaya de Béjaïa a convoqué, mercredi, la presse, pour proclamer la même intention que son homologue de Tizi-Ouzou, Rouari Si Hamdi : la Gendarmerie nationale envisage de se redéployer à travers d’autres portions territoriales de la Kabylie. Cette conférence de presse prévue initialement, pour il y a une semaine, a été reportée inexplicablement. Parce que Tizi-Ouzou offre un meilleur « effet de scène » que Béjaïa ?
Se « redéployer » ? Le colonel Mohamed Deramchia n’aime pas trop cette formulation connotée. Il considère que la gendarmerie n’est plus dans le schéma des années passées, qu’elle est désormais un corps de sécurité qui agit partout où les exigences de sécurité l’appellent sans entrave aucune.
« Nous n’avons pas le moindre problème avec la population, nous assumons nos missions républicaines dans une parfaite normalité», assure le chef de la gendarmerie. Il récuse les références au passif du Printemps noir qu’il considère, implicitement, comme étant des préoccupations d’arrière-garde. « Vous auriez soulevé ce genre de préoccupations il ya deux ou trois ans, je vous aurez suivi, mais aujourd’hui nous sommes dans une toute autre phase », rétorque le colonel Derramchia.
La gendarmerie envisage ainsi d’ouvrir seize nouvelles unités dans la wilaya de Béjaïa qui viendront s’ajouter au vingt-cinq existantes actuellement. L’annonce n’en est cependant pas une. Il est déjà arrivé au chef de la gendarmerie de Béjaïa d’annoncer des projets de « redéploiement ». Or, hormis l’ouverture d’une unité de sécurité routière, rien n’est venu modifier le statu quo en vigueur depuis la fermeture d’un certain nombre de brigades dans le sillage des évènements du Printemps-noir. La gendarmerie peine ainsi à glisser des réalités les mots. « Il est difficile de trouver des assiettes foncières », se désole le colonel Derramchia.. Même si le problème du foncier tend effectivement à devenir un élément consubstantiel de la réalité de la wilaya, l’explication peut cependant paraître un peu courte.
Par un effet d’usure, somme toute naturel, les populations manifestent de moins en moins de défiance à l’endroit d’une gendarmerie vouée aux gémonies à la faveur des sanglants évènements de 2001. En bon élève de l’histoire, celle-ci se fraye de plus en plus du chemin sur la scène sécuritaire locale grâce à une perceptible amélioration de la qualité des interventions de ses agents lesquels semblent être désormais soumis à plus rude école que leurs devanciers. Le tout soutenu par un très gros effort de communication précisément par son chef de groupement, devenu par la force des choses une véritable vedette médiatique locale.
Mais l’heure de la moisson a-t-elle véritablement sonné ? Ce n’est pas si sûr. Car d’une part la gendarmerie qui a reconquis le droit d’être visible en Kabylie n’a, à la rigueur, pas vraiment besoin d’ouvrir de nouvelles unités étant donné que les compétences territoriales de celles-ci n’épousent pas nécessairement celles des municipalités administratives. La criminalité, les chiffres de la gendarmerie que ceux la police, est, d’autre part, en baisse constante dans la wilaya. Et par ailleurs, parce que s’agissant d’un corps militaire, il est connu que cette catégorie fait plus qu’elle ne dit. C’est-à-dire que le verbe ne sert qu’à compenser les limites de l’action. C’est pour ces raisons qu’une impression de « ballon-sonde » accompagne les interventions relatives aux projets de redéploiement de la gendarmerie en Kabylie.
M. Bessa
