C’est un hold-up à l’américaine que celui qui a ciblé hier la poste du village d’Ikhelouyène, dans la commune de Aït Aïssa Mimoun.
A 8h 45, deux individus armés, agissant à visage découvert, font irruption dans la poste et somment les employés et les clients de leur remettre leurs portables et de se regrouper dans une seule pièce.
Les deux assaillants n’ont pas eu plus de trente minutes pour éxécuter leur plan et repartir avec la coquette somme de 400 millions de centimes. Il faut dire que la paisible bourgade d’Ikhelouyène, perchée sur l’une des nombreuses collines de Aït Aïssa Mimoun, est comme tous les villages environnants d’ailleurs, dépourvue de tout corps de sécurité.
Le choix de la cible est donc loin d’être fortuit. Mais ce qui est encore plus frappant à Ikhélouyene en ce jour pourtant pas tout à fait comme les autres, c’est l’incroyable indifférence qu’ont affichée les villageois vis-à-vis de ce qui vient de se produire.
La seule chose qui attire le regard et qui semble importuner la quiétude du hameau, c’est l’impressionnant renfort militaire qui s’est déployé autour de la poste. Les quelques personnes qu’on a tenté d’apostropher au sujet du hold-up ont juré par tous les saints qu’ils n’ont rien vu, rien entendu ! Un jeune s’est même permis de nous préciser qui ce que vient de se passer cette matinée ne l’intéresse même pas.
“Pourquoi vous m’interrogez ? Je ne suis ni l’auteur du forfait ni la victime, alors orientez-vous plutôt vers ce dernier. Le premier cité, je le sais, il vous sera très difficile de le trouver…”, nous lança-t-il, tout sourire. La réplique de ce jeune, loin d’être méchante, était éminemment utile, mais nous n’avions pas eu le temps de lui éxpliquer que c’était chose faite…
Hollywood s’invite à Ikhelouyène
Ce qui attire l’attention en arrivant à la poste du village, c’est l’impressionnant arsenal militaire qui l’entoure. Mais il n’y a pas que ça ! Nous étions très surpris que les militaires qui encerclaient l’enceinte sont venus du 43e bataillon des parachutistes basé à Tadmaït à 40 km plus à l’est et que l’enquête a été confiée à la brigade de gendarmerie de Sidi Naâmane, située à quelque 34 km. Après quelques palabres avec les militaires en faction, nous sommes autorisés à accéder à l’intérieur. La poste dévalisée est une construction vétuste d’à peine quelques mètres carrés. Un siège plus moderne et plus adéquat est en phase d’être achevé. Il est bâti juste en face. A l’intérieur, nous surprenons les inspecteurs des postes, les militaires, les gendarmes et les employés de la poste en pleine enquête. Tout ce beau monde coordonne ses efforts pour déterminer les circonstances exactes du hold-up, et surtout, la somme totale du butin. Nous sommes priés, avec beaucoup d’amabilité d’attendre à l’extérieur jusqu’à ce que l’enquête préliminaire soit bouclée.
Les premiers à quitter les lieux, peu avant 14h, étaient les employés de la poste. Encore bouleversés par ce qu’ils viennent de subir dans la matinée, ils ont tout de même eu la gentillesse de répondre à nos questions. Le témoignage du guichetier se passe de tout commentaire “ Il était 8h45 quand un homme s’est présenté à mon niveau pour me demander si les timbres postaux sont disponibles. Avant même que je réponde, il brandit dans ma direction sa kalachnikov et m’ordonne de lui remettre mon portable. Soudain, son accolyte fait irruption et somme l’ensemble des employées et les quelques clients présents de se débarrasser à leur tour, de leur mobiles. Ils paraissaient fatigués et très mal fringués. Leurs vêtements étaient usés et ils portaient des bottes en caoutchouc. L’un d’eux nous a gentiment “séquestrés” dans une pièce tandis que l’autre est allé demander au receveur de lui ouvrir le coffre-fort. Ils n’étaient ni nerveux, ni coléreux. Ils ont pris tout leur temps pour exécuter leur plan. Le type qui nous a enfermés a d’ailleurs eu toute la latitude de nous développer un gros discours sur les objectifs réels de cette opération, en précisant que la population civile ne sera jamais inquiétée. Quand son acolyte est revenu avec l’argent ils nous ont presque suppliés d’accepter les quelques billets qu’ils nous ont offerts. Un jeune client, qui venait de signer un chèque de 1 000 DA a été particulièrement pris à partir. L’un des terroristes lui a dit que si l’Etat lui donne ces modiques 1 000 DA, nous nous t’en donnons dix fois plus. Il a pris une liasse de billets et l’a mise dans les mains du jeune chômeur qui évidemment n’en revenait pas ! De fait, les deux assaillants se sont rapidement éclipsés. Personne ne sait excactement quelle direction ils ont pris.”
Après quoi, le guichetier s’est poliment excusé. La fatigue ajoutée au choc, un moment de repos lui était indispensable. Il fera toutefois remarquer que presque la totalité de la somme “distribuée” aux présents a été récupérée !
Ahmed B.