La philatélie, une passion dévorante

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Abderrahmane Berraki est, à proprement parler, possédé par le démon de la philatélie. “C’est, note-t-il, un art et une science, une activité culturelle et éducative… C’est aussi le seul art où l’âge n’a pas de prix”. Voilà plus de quarante ans que l’entichement de cet ex-postier, aujourd’hui à la retraite, pour les timbres postes et les marques d’affranchissement a vu le jour.

De fil en aiguille, il a fatalement fini par convoler avec un art devenu si accaparant qu’il ne vit aujourd’hui pratiquement que pour lui : “Il m’arrive souvent de me priver d’une paire de chaussures au profit d’une émission de timbres exceptionnelle”, nous révèle-t-il.

Quand il parle de sa collection riche de dizaines de milliers de pièces, on le sent plein de vie et de vivacité, tant cet univers d’images et de couleurs le stimule. Il y a, en tout cas, quelque chose de magique à feuilleter ces merveilles, à humer le parfum particulier de ces vieux objets.

A chaque pièce exhibée, notre philatéliste associe une anecdote chargée de relents nostalgiques. Anecdotes qui sont autant de belles leçons d’histoire ! “Toutes les connaissances que j’ai acquises en philatélie, je les dois à mon correspondant suisse lequel est une personnalité de premier plan en philatélie”, reconnaît-il.

Les spécialités de Berraki sont la France et la Suisse “deux pays les plus sérieux au monde dans le domaine”, selon lui et bien entendu, l’Algérie dont il possède toute la collection, hormis la première vignette adhésive post-indépendance, typiquement algérienne, dessinée, gravée et imprimée localement.

C’est le fameux timbre “1+9 DA” de valeur faciale, la surtaxe de 9 DA étant destinée aux enfants de chouhada. Ce timbre pour le 1er Novembre 1962 a mis fin de facto aux vignettes françaises estampillées “EA” (Etat algérien) en surcharge.

Ces derniers ont succédé à leur tour aux premiers timbres en circulation en Algérie depuis 1924, portant en bas et à droite la mention “RF” et surchargés d’une griffe “Algérie”. Pour la petite histoire, le premier timbre émis dans le monde date de 1840.

Le timbre est sorti en Angleterre et est frappé de l’effigie de la reine Victoria. Par respect à sa majesté, les Anglais n’osaient pas jeter les enveloppes qui portaient son timbre, même oblitéré et sont ainsi devenus, à leur insu, des collectionneurs.

La collection de Berraki, par delà son volume, recèle des pièces d’une grande valeur marchande, autant qu’affective. Inutile de vous dire qu’il y tient comme à la prunelle de ses yeux !

Parmi ces pièces rarissimes, bien cotées sur le marché, on peut citer 8 timbres de Napoléon III, “variétés” représentant Alger avant 1830 et le Musée saharien de Ouargla (recto-verso) avec double piquage déplacé, à cheval ou en diagonale… Des joyaux inestimables exposés à maintes reprises depuis 1976 aussi bien à Bgayet qu’à Alger, Sétif, Bouira ou encore Ghardaïa. Mais, contre toute attente, le fruit de ses sacrifices Berraki l’a cueilli en… France. Précisément à Courtenay dans le département du Loiret, à l’occasion d’une exposition organisée en 1989, en hommage au chanteur Bruant. Une médaille de bronze à l’effigie de Cérès, déesse des moissons.

Cerise sur le gâteau, notre philatéliste a eu l’insigne honneur de recevoir une lettre de félicitations adressé au début de l’année 1990 par le ministre des PTT de l’époque, en l’occurrence Mohamed Derradj. Aujourd’hui, Abderrahmane Berraki vit à Ighzer Amokrane, sa ville natale. Bientôt 68 printemps au compteur et toujours bon pied bon œil. Son amour pour la philatélie n’a pas pris, lui non plus, une seule ride. “Je continuerai jusqu’à ma mort”, nous lancera-t-il.

En effet, quand on est si pleinement immergé, si intimement lié à un activité pendant près d’un demi-siècle, peut-on se résoudre à l’idée de s’en départir un jour ?

N. M.

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