Le pénitencier de la colère

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Pour s’opposer à l’implantation d’un pénitencier sur 10 hectares à Oued Ghir, un sit-in organisé par le collectif des associations de cette commune a eu lieu dans la matinée de jeudi dernier sur le site du projet. Un meeting a été organisé, où différents intervenants ont fustigé l’Etat en argumentant de façon convaincante et en appelant la population de Oued Ghir à ne pas cesser de se mobiliser.

Hafid Derradji, membre du collectif organisateur, a déclaré que depuis 40 ans, Oued Ghir n’a bénéficié d’un projet porteur d’emplois, et aujourd’hui tout ce que l’Etat “impose” à cette commune située aux portes du chef-lieu de wilaya c’est un pénitencier de 1 000 places !

Le P/APC de Oued Ghir, Boualem Ayad, a, de son côté, prouvé qu’il est un élu du peuple en appelant la population à continuer à se mobiliser et à s’organiser avant de faire un petit historique de toutes les tentatives de faire de Oued Ghir… une poubelle ? En effet, ce n’est que grâce à la mobilisation des citoyens de Oued Ghir que le projet du CET (décharge) a été annulé ; le pire dans cette histoire, c’est que ce CET “doit” être implanté sur un cimetière de chouhada. Le P/APC a déclaré : “Si c’est ce que méritent les valeureux martyrs de Oued Ghir que restera-t-il aux autres ?” Il y a eu auparavant un autre projet dangereux pour la santé des populations des villages de la commune de Oued Ghir : une usine de fabrication de ciment. C’est encore l’opposition de la population qui a annulé ce projet. Avant de terminer son intervention, Boualem Ayad a déclaré : “Nous ne sommes pas contre l’implantation des institutions de l’Etat, mais dans des endroits adéquats”. Puis poursuivit: “A quoi sert un Etat s’il n’est pas attentif aux doléances des citoyens? C’est ça le drame de l’Algérie”. Enfin, le président de l’APC de Oued Ghir a affirmé que “tout s’arrache, c’est pour cela que la mobilisation doit continuer jusqu’au recul de l’Etat”.

De son côté, Hamid Ferhat, le président de l’APW, a fait une intervention musclée en fustigeant le ministère de la Justice qui aurait choisi ce terrain avec la complicité du wali de Béjaïa et du procureur général de la République en déclarant aux présents durant ce sit-in : “Ne soyez pas surpris, nous avons affaire à un régime maffieux”. Ensuite, Hamid Ferhat s’est engagé à accompagner une délégation de la population de Oued Ghir, s’ils le veulent, à Alger où le ministère de la Justice ne pourra pas refuser de les recevoir, tout en lançant cet appel : Mobilisez-vous, organisez-vous, nous sommes avec vous”, “nous gagnerons !” Il propose à l’Etat algérien de mettre à sa disposition un terrain adéquat pour implanter un pénitencier.

L’élu RCD à l’APW, Mohand Saddek Khelladi, lui, ne parle même pas d’implantation d’un pénitencier, mais d’une “véritable université du crime”. Tout en appuyant le président de l’APW FFS, il se déclare être prêt, lui aussi, à monter à Alger. Pour Kamel Aïssat, membre du secrétariat national du PST, en Algérie, il y a une politique au service des USA et de la corruption plutôt que de travailler pour le peuple. Il a surtout tenu à saluer l’organisation de la population de Oued Ghir tout en rappelant les victoires arrachées telles que l’annulation du projet de construction d’une usine de fabrication de ciment et de l’implantation d’un CET. Pour argumenter l’opposition de ce nouveau projet, Kamel Aïssat a déclaré qu’on devrait plutôt “embellir” notre wilaya à vocation touristique en rappelant que Oued Ghir est une commune agricole. Imaginez ce que peut représenter 10 ha de béton sur l’un des derniers terrains agricoles d’une commune. Ensuite, des délégations, à l’instar de celle de l’APC de Barbacha, ont exprimé leur soutien à la population en généralisant le problème de toutes les populations que l’Etat n’associe jamais aux projets sans manquer de faire remarque que si la population de Oued Ghir avait demandé un CHU, plutôt qu’un pénitencier, il n’aurait pas été accepté.

A la fin du sit-in, nous nous sommes rapprochés des membres du collectif des associations de la commune de Oued Ghir pour en savoir plus. L’un d’entre eux nous confirme leur refus de transformer leur commune en “poubelle”. De plus, ce pénitencier de 10 ha se construit (car les travaux confiés aux Chinois ont déjà commencé) sur l’un des derniers terrains de la commune de Oued Ghir. Autre argument : tout le monde est d’accord pour dire que ce n’est pas de cette façon qu’on donnera une bonne image aux “touristes”, en les “accueillant” à la porte de “Yemma Gouraya” avec ce spectacle : un pénitencier sur la route nationale ! Concernant l’endroit qualifié d’“inadéquat”, l’allusion est faite au voisinage peuplé aux alentours. Enfin, les citoyens de Oued Ghir reconnaissent surtout qu’ils ne sont pas contre l’implantation des institutions de l’Etat.

Tarik Amirouchen

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