Besoin réel ou métier ?

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La pauvreté rampante et son corollaire la misère ont atteint ces dernières années leur paroxysme à telle enseigne que les trottoirs sont pris quotidiennement d’assaut par des mendiants tout âge confondu. Dès le lever du jour, ils arrivent de la périphérie et des villages de la wilaya pour s’allonger de tout leur corps sur les trottoirs. Il n’échappe à personne de voir ce décor désolant empli de toutes ces formes vêtues d’habits crasseux généralement en lambeaux. Les raisons de ce phénomène qui prend de l’ampleur sont multiples. Si dans le passé, les Kabyles ne ouvaient laisser un des leurs mendier, aujourd’hui avec le démembrement de la société, ceux qui sont dans le besoin n’hésitent pas à s’exposer devant les yeux des passants. Les problèmes conjugaux ont accentué ce phénomène. Il n’échappe aussi à personne que la quasi-totalité des entreprises économiques sont fermées. Alors, chaque jour que le Bon Dieu fait ramène dans cette arène d’autres personnes. Vieux, vieilles, femmes et enfants s’allongent de tout leur corps sur les trottoirs. Dans une petite enquête, nous avons tout de même pu leur arracher quelques confidences. Une chose est sûre : il y a ceux qui mendient par besoin et d’autres pratiquent la mendicité comme métier. C’est ce qui fait dire aux passants qu’il est difficile de séparer le bon grain de l’ivraie. “Depuis des années, j’exerce ce métier. Même si on me donnait un job, je ne pourrait plus travailler”, a confirmé l’un d’eux.

Plus loin, une jeune femme qui ne dépassait pas la trentaine, ne cessait d’embarrasser les passants avec ses supplications. Elle tenait un nourrisson dans ses bras. Elle nous a confié qu’elle a été renvoyée par son mari après sa première grossesse et que ses parents ne voulaient plus d’elle. Cependant, ceux qui connaissent bien ce milieu affirment que certaines femmes exhibent ces

enfants—, qui, parfois, ne sont pas les leurs — que pour séduire les passants. Il est peut être impossible de croire cette version. Mais, des cas pareils se sont déjà produits. Selon un commerçant, ces femmes arrivent chaque matin des habitations précaires pour ne rentrer que tard chez elles. Ces petits potaches sont utilisés pour attirer la pitié des passants. Sauf certaines d’entre elles qui sont des femmes victimes de violences conjugales, puis répudiées. Celles-ci recourent à la mendicité pour nourrir ces petites bouches. Ce qui touche le plus c’est lorsque ces mendiants montrent des ordonnances. “Aidez-moi à acheter des médicaments à mon fils ou à ma fille Ya khaouti, ô mes frères”, telles sont les mots accompagnant cette catégorie de mendiants. Devant de telles situations, la sensibilité des uns et des autres est heurtée, alors ils ne peuvent rester sur place sans mettre la main à la poche en vue de sauver ces misérables. Avec cette prolifération, les Tizi Ouzéens se posent beaucoup de questions : “D’où viennent-ils ? Qui sont-ils ? Où vont-ils tous les soirs ? Même si les subterfuges sont différents, il ne faut pas croire que toutes ces personnes mendient par “vice”, mais il y a des gens qui sont dans le besoin le plus absolu. Au bout de compte, il y a lieu de dire que les espaces réservés à cette catégorie de citoyens sont inexistants. Les asiles pour ces personnes se comptent sur le bout des doigts à l’échelle nationale. Les actions sociales en direction de ces personnes ne sont que sporadiques notamment durant le mois de ramadhan comme si les pauvres n’ont besoin de manger qu’un seul mois par an. Au moment où sous d’autres cieux, le problème lié à cette catégorie de personnes est discuté au niveau des hautes sphères de l’Etat, chez nous, elles sont marginalisées pour terminer un jour dans les mailles de la toxicomanie, de la drogue et du suicide.

Amar Ouramdane

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