Après le hittisme… le harraguisme

Partager

Voilà ce que pense une grande partie de la population (des jeunes en particulier) qui s’est rendue compte de la morosité des jours qui se suivent et se rassemblent étrangement depuis le 5 juillet 1962.

Pourquoi cet exil volontaire ? C’est la question clé que doivent se poser justement nos instances dirigeantes qui semblent avoir l’esprit ailleurs… sûrement à l’horizon 2020. Cette fièvre du départ massif nous renseigne sur le fait que l’Algérie vit une profonde situation chaotique laquelle se lit sur le visage de cette jeunesse malheureuse désabusée et exclue des grands projets que connaît le pays, une jeunesse qui souffre en se sentant ignorée. L’exclusion !

Voilà justement ce que ressent le jeune algérien adossé au mur de l’indifférence, sans travail et sans ressources, sans loisir et sans aucune perspective d’avenir. Franchissant le cap de la trentaine d’années, un âge où il devait fonder un foyer, notre jeune a perdu la notion du temps et l’espoir avec. En fait, il n’espère plus rien depuis qu’il a a pris conscience de son existence vide. Ce jeune vit la misère du martyr et ne connaît aucune joie de celui qui vit. Donc, il a fait son mea culpa et n’attend plus rien. Par conséquent, il ne songe qu’à partir.

Partir n’importe où… même en enfer. Par le suicide. Et il pense effectivement que la vie en enfer est préférable à la vie en Algérie. Mais, comment sommes-nous donc arrivés à connaître ce chagrin à grande échelle justement au moment où l’économie nationale se porte bien grâce à une conjoncture favorable qui, hélas ! Ne saurait durer éternellement. Il paraît désormais que cette fortune subite ne fait pas le bonheur du peuple algérien puisque seuls les riches en profitent de l’aubaine… comme toujours d’ailleurs.

Pourtant, nos hittistes, devenus des harragistes, ne demandent qu’à vivre dignement sur leur terre natale, à la force de leurs bras et à la sueur de leurs fronts. Ils veulent que l’Etat jette un regard dans leur direction, qu’il s’occupe d’eux et qu’il prenne leurs doléances au sérieux en ne les obligeant pas à chercher sous d’autres cieux ce que leur pays leur refuse bêtement. Pour ces jeunes exclus, l’entrée de l’Algérie à l’OMC ne constitue pas une performance, s’offrir une place au Conseil de sécurité de l’ONU n’est pas un succès, l’horizon 2020 est extrêmement loin et que le 3e mandat n’est que la continuité de la misère pour eux.

Ces jeunes ne votent pourquoi devraient-ils se donner cette peine ? Que doivent-ils récolter en retour ? Ils se savent considérés comme la deuxième roue de la brouette. Voilà le mal qui ronge l’Algérie profonde… Cette Algérie que ne montre pas la télé.

Ces Algériens là savent parfaitement que “ces belles choses réalisées par des étrangers sont exclusivement réservées à ces mêmes étrangers qui viennent uniquement en Algérie pour reprendre leur argent et repartir ensuite.

Il s’en va dans la nuit noire, à bord d’une embarcation de fortune.

Il y a une grande part de vérité ici. Ces jeunes, quoique réduits à l’ignorance et à suivre les cours d’une école sinistrée, sont conscients des enjeux de l’heure. Ils sont issus d’un milieu révolutionnaire qui a combattu avec foi pour libérer le pays et ils n’hésiteront pas une seconde pour suivre le chemin de leurs aînés si la patrie est en danger. Ces harragistes ne détestent pas leur pays.

Qui est leur sang et leur chair… Et si aujourd’hui ils décident de le quitter, ils le font la mort dans l’âme. Ce jeune s’en va le cœur brisé et les larmes aux yeux en laissant derrière lui tous les êtres chers qu’il ne reverra sans doute plus jamais sur cette terre de misère. Il s’en va dans la nuit noire, à bord d’une embarcation de fortune, affronter la mer et ses vagues tumultueuses en priant le ciel que celle-ci ne chavire pas. ll jette un dernier regard vers les récifs, imaginant son enfant qui dort dans le berceau, le regard larmoyant de sa femme, de ses parents et des frères et sœurs.

N’est-ce pas cruel ? Si par malheur l’embarcation se retournait, il se retiendra de crier au secours, préférant mourir rapidement que d’être ramené sur la côte pour mourir lentement après avoir être jugé tel un criminel. N’est-ce pas injuste ?

Oui ! C’est injuste et pénible à la fois. Dans un pays où l’on applique une politique sociale équitable, l’Etat protège justement les couches les plus démunies, ainsi que les veuves et les orphelins en leur octroyant des avantages sociaux et c’est les couches aisées qui paient l’impôt sur la fortune. Malheureusement, nous sommes encore loin de ce niveau de civisme sachant toutefois que la justice sociale absolue n’existe nulle part en ce monde.

Si par malheur l’embarcation se retournait, il se retiendra de crier au secours.

Néanmoins, concernant notre pays, l’Etat devrait revoir sa copie sociale et d’y apporter des changements conséquents pour améliorer le niveau de vie des citoyens démunis en les exonérant par exemple de la facture d’électricité, d’accorder la gratuité du transport pour leurs enfants scolarisés, de leur venir en aide durant les périodes cruciales (Aïd, rentrée des classes…) sans oublier l’octroi des allocations familiales à tous les enfants algériens en âge de les percevoir.

Ceux-ci doivent être égaux en droit et en devoir. Il est clair que beaucoup d’Algériens vivent sous le seuil de la pauvreté et l’Etat se doit de leur venir en aide et de réparer cette injustice qui prend des proportions alarmantes. Sur un autre chapitre, des solutions existent pour redresser la situation. Il suffit d’y songer avec 2 milliards de dollars nous pouvons créer 250 000 emplois permanents, des emplois productifs et producteurs de richesses, loin de la méthode Ansej qui aura montré ses limites en favorisant surtout le fast-food, le taxiphone, travail individuel en passant par le cybercafé. Nous devons regarder la réalité en face pour comprendre que la mauvaise gouvernance a engendré une catastrophe énorme.

Donc, arrêtons les dégâts et investissons dans l’homme qui demeure véritablement l’outil le plus rentable et le plus sûr pour l’heure, il faut stopper le phénomène harraga, qui prend de l’ampleur, déjà qu’une partie de notre élite a décampé en laissant un vide effrayant. Retenons jeunes hittistes. Car semblable à une veine coupée, la nation se vide peu à peu de sa substance essentielle et de vitalité.

Mohand Arab Boughide, poète-écrivain.

Partager