“Ce qui a été planifié à Tizi-Ouzou ne suffit pas”

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D.D.K.: Faites-nous un petit historique sur cette société

La SAETI est un bureau d’étude mixte algéro-allemand créé en 1974 et dont les parts ont été partagées entre le CNERU et la Dorch Consult. Au début, les premiers projets de la SAETI consistaient en l’étude de la Transsaharienne. Et vu le besoin qui se faisait sentir plus précisément dans les zones urbaines, les rocades, on a commencé par la réalisation de la Rocade 1 qui à ce moment-là a été réalisée par la société espagnole Dragados, tronçon entre Beni Amrane et le Hamiz ainsi que du Hamiz jusqu’à presque la cité Malki, ceci pour la Rocade 3, et la 4 c’est entre Ben Aknoun et Zéralda ; ceci en plus des autres projets réalisés entre autres à Oran,Mascara, Constantine, Annaba, etc.

Parmi les prouesses réalisées à l’époque c’est l’étude de la fameuse autoroute de l’est d’Alger, entre les viaducs et autres, la fameuse route moutonnière qui avait été transformée en quatre voies.

La SAETI est-elle une société chargée de faire des études de projets sur le territoire national seulement ou a-t-elle fait des études de projets dans des pays autres que l’Algérie ?

En 1987/88, le plan de charge nous permettait de couvrir le territoire national. On était submergé de travail : c’étaient les années fastes, la manne pétrolière de l’époque ; il fallait réaliser le maximum d’infrastructures en Algérie en l’occurrence tous les aéroports à l’exemple de celui de Sénia, à Oran. Comme la SAETI s’est aussi occupé de réaliser des études sur les lignes ferroviaires et aussi portuaires. En 1989, les ambassades avaient fait appel à leurs ressortissants en Algérie pour rentrer dans leurs pays respectifs et la Dorch Consult avait aussi rapatrié ses coopérants vu la situation sécuritaire qui régnait en Algérie à partir de 1990. Pour éviter le goulot économique et financier la SAETI, suite à cela, notre DG de l’époque, M. Ayad, avait pris la décision de s’impliquer à l’étranger afin de prendre des projets d’études autres que ceux en Algérie de manière à faire ainsi rentrer de l’argent dans les caisses de la société. Le 1er projet réalisé à l’époque c’était au Rwanda suite à cela, il y a eu d’autres projets au Cameroun, en Mauritanie et il y avait aussi des projets en Tunisie, à l’exemple des travaux d’ouvrage au complexe de Kairouan. Et jusqu’à présent, on suit des projet à l’export.

Ne vaudrait-il pas mieux pour l’Algérie engager des projets pour lesquels les moyens financiers existent et ne pas engager justement d’énormes projets que nous ne pouvons pas financer ?

Personnellement, je tire chapeau à nos responsables qui se situent à un très haut niveau; le fait de lancer des projets est un grand courage en Algérie. Notre pays est très riche et l’on n’a pas peur de lancer des projets; et si un projet s’arrête pour une raison ou une autre, notre pays est riche et en a les moyens, donc je me dis qu’on peut le reprendre à tout moment. Donc ce n’est qu’une question de temps et pas plus.

En faisant maintenant la comparaison avec d’autres pays voisins, vous savez que la plupart des projets de ces pays sont subventionnés par d’autres états. Il n’y a rien à cacher et les médias lourds en ont parlé ces dernières semaines. Si on cite le Maroc, le TGV est financé par la France; c’est pour cela que ces pays se lancent dans de grands projets mais financés par d’autres Etats. Si l’on compare notre pays à des pays avancés, ce qui nous manque c’est la clarification. Nous avons tout, on est riche, que ce soit sur le plan matériel ou humain, mais ce qui nous manque c’est la gestion. On n’a pas beaucoup d’experts dans la gestion : on est né seulement en 1962.

Comment avez-vous atterri ici à Tizi Ouzou ?

J’étais directeur central à la SAETI d’Alger et en 1999/2000 il y avait la chute du plan de charge à Alger et il fallait absolument soulager la direction centrale d’Alger, et la meilleure manière de la soulager était de créer des franges et personne ne pensait ou ne croyait à ce moment à la création d’un bureau de liaison et l’on a fait appel à moi à Tizi Ouzou pour une quinzaine de jours afin de débloquer le projet de la trémie de la gare routière de Tizi Ouzou, et après avoir débloqué ce projet je devais repartir à Alger car j’avais beaucoup à faire. Comme aussi j’étais en train de faire l’étude d’un des ouvrages (pont) de Taksebt, je me suis dit : “Partir pour partir pourquoi ne pas prendre ce projet qui était bloqué, avec l’ENGOA et rester à Tizi Ouzou au lieu de venir d’Alger deux fois par semaine ou chaque jour.

On a donc débloqué la situation avec M. Birem qui est toujours P-DG de l’ENGOA et il y avait aussi M. Bouziane qui était DTP et camarade de promotion; ils ont voulu me maintenir donc maintenir la SAETI. Comme il y avait aussi M. le wali Ouadah qui nous avait donné un plan de charge ici, à Tizi-Ouzou, à titre d’exemple prendre en charge la rocade sud de Tizi Ouzou, la route qui mène de Chaïb, Mekla jusqu’à Aïn El Hammam, la route de Tizi Ouzou vers Ouadhias, passant par Beni Douala, le projet de Tamda qui prenait naissance du pont de Bougie, et tout cela a fait qu’on a créé un plan de charge à travers lequel on a créé de l’emploi, plus d’une soixantaine de postes emploi. C’est suite à ça qu’il y a eu création de la direction régionale, et d’autres directions régionales ont suivi, à l’exemple de celle d’Oran de l’Ouest installée à partir de juillet 2006.

Vous aviez tout à l’heure évoqué le barrage de Taksebt. Avez-vous réalisé l’étude pour la déviation de la RN 30 B qui connaît depuis sa mise en service des affaissements et des perturbations.

L’étude de la RN30 B a été entamée en 1987, lorsque l’assiette du barrage avait été choisi, et la SAETI avait même participé au choix avec même les Allemands qui n’étaient pas parti à cette époque-là, pour les études d’avant-projet bien sûr. Mais pour la route, l’étude des variantes avait été entamée pratiquement en 1987 par la SAETI. L’ANB (Agence nationale des barrages) en 1996/97 en voulant lancer la réalisation de cette route avec les ouvrages, et c’était moi-même en tant que directeur des ouvrages d’arts à l’époque qui avait pris en charge le dossier ouvrages d’arts.

La SAETI avait proposé des variantes (trois tracés) et le maître de l’ouvrage, l’ANB, pouvait choisir le meilleur des tracé qui pouvait coûter 100 fois plus que celui qui a été réalisé ; c’est pour cela que l’ANB a choisi le tracé optimal qui a évité des désagréments pour certains villages qui devaient être expropriés et avec la situation et perturbation qu’avait subi cette région il fallait impérativement choisir un moyen ou une solution qui arrangeait tout le monde sans pour autant perdre de vue la qualité du tracé et de la réalisation. Et sincèrement, pour réaliser ce tracé ce n’était pas très facile parce qu’il était plus facile de réaliser ce barrage dans la sécurité totale ; on avait des gendarmes qui surveillait à la fois l’assiette du barrage et les étrangers qui y travaillaient mais on n’avait pas la sécurité sur le tracé entre oued Aïssi et la limite du barrage.

On peut comprendre alors que si ce tracé, dont des endroits s’affaissent à chaque fois et qui nécessite des réparations donc des dépenses à chaque fois, a été choisi sur les trois variantes proposées par rapport à la sécurité !

Il n’y a pas seulement la sécurité qui a conduit au choix de ce tracé. Vous m’avez évoqué certaines déflections, anomalies ou certaines zones qui subissent jusqu’à présents des déstabilisations ; vous savez que pour faire un bon travail il faut faire un bon suivi aussi et pour faire un bon suivi il faut être là et pour être là il faut se sentir sécurisé.

Quand on n’ a pas la sécurité on ne peut pas être là tous les jours, donc au lieu de passer six ou huit heures de temps sur le projet, quand on n’a pas la sécurité,on ne passe que deux heures et cela ce n’est pas toute la semaine.

En ce temps, les ingénieurs ne venaient pas avec les véhicules qui portaient les logos des sociétés, on venait avec des véhicules banalisés et tout cela moi, personnellement, je l’ai vécu quand je faisais le suivi des ouvrages sur le projet de Taksebt.

Qu’en est-il du marché de l’emploi pour la SAETI à Tizi Ouzou actuelle ?

Lorsque la wilaya de Tizi Ouzou avait connu des turbulences et des moments très difficiles, nous étions pratiquement le seul bureau d’étude national qui était là contre vents et marées à intervenir sur l’ensemble des projets. Actuellement, les projets suivis par la SAETI ne sont pas nombreux.

Chez la vox populi, dès qu’on parle projets, sommes faramineuses, bureau d’étude on les associe au mot corruption. Un commentaire ?

Cette liberté de nous exprimer on la doit à tous ces gens qui sont morts avant 1962 et durant la décennie noire. Nous à la SAETI, on a emprunté cette culture aux allemands, « Un bien mal acquit ne profite jamais. » à la SAETI, ce sont des intellectuels, des ingénieurs, ce sont des universitaires pour la majorité d’entre nous, et ce germe-là ( la corruption), dès qu’il y a eu un semblant de tentation, chez nous lorsqu’on le détecte on le pulvérise immédiatement, et à la SAETI je défie quiconque; tout ce qui est flou n’existe pas chez nous, à la SAETI. Chez nous tout est clair comme de l’eau de roche.

Quelle est votre vision en tant que technicien sur le plan de développement de la wilaya de Tizi Ouzou ?

Tout ce qui a été réalisé a été planifié durant les années fastes; pour ce qui est des projets lancés actuellement ou en cours de lancement, c’est ce qu’on appelle des projets-clés pour la wilaya. Je dirais qu’ils ont été planifiés pour n’être supportés en partie que par cette wilaya.

A l’époque, on était dans une gestion dirigée, maintenant on est dans une gestion planifiée; et avec la démographie galopante et l’ouverture, on se rend compte que tout ce qui a été planifié ne suffit pas et ne va pas suffire.

A titre d’exemple, on est en train de procéder aux désenclavements des axes principaux si je parle seulement des infrastructures routières et ferroviaires.

L’infrastructure routière est un moyen de développement et de communication; et si l’on regarde le maillage, c’est-à-dire la toile d’araignée dans la wilaya de Tizi Ouzou, il y a beaucoup de choses à entreprendre. Actuellement on est en train de conforter seulement la structure routière, ce ne sont que de petits aménagements, autrement on peut améliorer le tracé et le confort dynamique de toutes ces routes.

C’est un problème de compétence et toutes les compétences de la wilaya de Tizi Ouzou travaillent dans d’autres wilaya car c’est là qu’elles se sentent plus à l’aise, et personnellement je suis en train de réfléchir sur la proposition d’installer la direction régionale à Sétif, Annaba ou Constantine, c’est-à-dire quitter Tizi, ceci pour être plus à l’aise dans mon travail. On a ici le génie de transformer « la mise de bâtons dans les roues pour ceux qui travaillent correctement et conscieusement » en éloge.

Entretien réalisé par M’hanna B.

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