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«Cet album est un devoir de mémoire»

Après son dernier concert en 2004 et une absence de 8 années sur le marché, Djamel Allam revient avec un huitième album intitulé Les youyous des anges, une aventure qui aura duré trois années et aura nécessité le parrainage des institutions culturelles publiques rendant à l’occasion un vibrant hommage au chanteur châabi, feu Hachemi Guerrouabi.

La Dépêche de Kabylie : après une absence de huit années, vous revenez avec un nouvel album Les youyou des anges comment expliquez vous cela?

Djamel Allam : Vous savez, la production d’un album nécessite un travail colossal avec des moyens financiers énormes, là, je vous parle d’un travail bien fait dont lequel j’ai mis toute mon énergie et mon savoir-faire, de nos jours les gens sortent des albums tous les deux mois avec un travail médiocre, des paroles vulgaires qui portent atteinte à la crédibilité de l’artiste, c’est devenu un commerce, tout ce qui les intéresse, c’est faire des bénéfices. Aujourd’hui les studios d’enregistrement coûtent très cher et là est tout le problème.

L’album s’intitule Les youyous des anges d’où vient cette appellation ?

Rires. C’est tout le monde qui me pose cette question, le titre les youyous des anges est inspiré de A yemma de l’immense Farid Ali en me remémorant les anges qui survolent le monde pour mettre un peu de tendresse et les youyous symbole de bonheur et depuis je n’ai cessé d’ y penser en me promettant de nommer mon album ainsi et pour évoquer aussi la mémoire de Farid Ali ainsi que Allaoua Zerrouki.

Vous parlez de la nouvelle génération, comment trouvez-vous leur travail ?

A vrai dire, quand j’écoute leurs chansons je ne cesse de me poser la même question : où sont passées les valeurs d’autrefois, la crédibilité de l’artiste est bafouée. A ce jour je n’ai pas su apprécier le travail de la nouvelle génération il y a du chemin à parcourir car la qualité du produit est souvent médiocre.

Dans votre nouvel opus, vous rendez un vibrant hommage à feu Hachemi Guerrouabi, quelles étaient vos relations ?

Hachemi Guerouabi était un ami de longue date, on a partagé des moments très intenses et passés des nuits merveilleuses durant les années 70. Sa mort m’a beaucoup affectée et je n’ai pas pu assister à son enterrement tellement j’était proche de lui, cette chanson n’est qu’un recueillement devant cet immense ténor de la chanson châabie. Qui parmi nous, n’aime pas El-Hachemi qui a laissé la chanson algérienne orpheline, c’est une école et un modèle, je n’ai fait que mon devoir de mémoire.

Vous avez évoqué aussi un thème très sensible « Les harraga », comment analysez-vous ce phénomène qui ne cesse de prendre de l’ampleur ces dernières années ?

C’est vraiment malheureux de constater que des jeunes Algériens sont repêchés morts en tentant d’atteindre l’autre rive pour soi-disant une vie facile, ça m’écœure, nous aussi à 20 ans on n’avait ni travail ni argent, mais de là à tenter de nous jeter dans la gueule du loup, cela ne nous a même pas effleuré l’esprit, néanmoins il faut que les autorités prennent en charge cette frange de la société qui est la relève de l’Algerie de demain car c’est inadmissible de constater que le baril de pétrole a atteint les 126 dollars alors que la population algérienne est de plus en plus pauvre et démunie, c’est aberrant et il faut vite réagir.

Dans chacun de vos albums, vous évoquez la patrie, qu’est-ce que représente pour vous la terre-mère qui vous a vu naître et grandir ?

Pour moi, la patrie est quelque chose de sacré, durant les années noires je suis resté en Algérie malgré les menaces et le dangereux climat qui régnait à cette époque-là où j’ai perdu de grands amis tels Tahar Djaout et Azeddine Medjoubi, j’aime bien sentir l’odeur du pays, goûter aux plats traditionnels qui me renvoient des années en arrière pour me remémorer les délicieux moment que j’ai passé en compagnie de ceux que j’aime, me ressourcer dans ma Bougie natale et Yemma Gouraya qui représente beaucoup de choses pour moi et qui protége toute la Kabylie. Pour moi c’est ça la patrie, un mélange de chaleur, de goûts et de saveurs qui nous manquent tellement lorse que l’on se trouvé en exil.

Que pensez-vous du statut de l’artiste en Algerie ?

L’artiste en Algérie porte toujours la tenue de la victime, que ce soit financièrement ou socialement,il y a aussi un manque criant en matière d’infrastructures et de moyens pour que l’artiste évolue dans de bonnes conditions et ce, nonobstant les efforts des autorités à améliorer la condition des artistes, néanmoins il besoin d’une couverture sociale et d’une retraite pour vivre dignement,combien sont ceux qui nous ont quittés dans l’anonymat le plus total, il ne suffit pas de rendre hommage à tel ou à tel pour que tout s’arrange, il faut agir et rétablir les droits des artistes en Algerie.

Vous dénoncez aussi le piratage et la contrefaçon.

Absolument, aujourd’hui nos revenus sont de plus en plus limités car la piraterie a gagné du terrain, lorsque je me promène dans la rue j’aperçoit mes CD vendus à 60 DA à même le sol, c’est vraiment malheureux pour la culture algérienne, je dénonce haut et fort ces pratiques frauduleuses qui n’arrangent ni l’artiste ni le consommateur. Je saisis aussi l’occasion pour dénoncer le comportement de nos jeunes. Il y a quelques mois, j’ai été agressé en plein Didouche-Mourad et on m’a subtilisé mon portable.

Un dernier mot pour votre public.

Je vous remercie, vous les gens de la presse qui faites un travail énorme pour la culture en Algérie, je salue également toutes les personnes qui ont collaboré de près ou de loin pour que ce bébé voit le jour et j’espère que mon produit sera à la hauteur des espérances et des attentes de mon public car je suis ravi de le retrouver.

Propos recueillis par Merbouti Hacene

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