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Les dérives de l’Etat-providence

En 2007, il a été injecté dans la loi de finances quelque 700 milliards de dinars au titre des transferts sociaux, soit environ 6 milliards de dollars US.

En 2005, le grand argentier du pays, Abdellatif Benachenhou, avait évalué la valeur des transferts sociaux à 10 milliards de dollars au cours des derniers exercices budgétaires. En tout cas, l’un et l’autre chiffres ne manquent pas de donner le tournis à ceux-là même qui s’alarment et dégoisent interminablement devant ce qui est commodément appelé “la fin de l’Etat-providence”.

La gestion opaque de la rente pétrolière sous les régimes des années 70 et 1980 n’est pas faite pour nous éclairer sur la proportion des dépenses liées au volet social. Néanmoins, au vu de la gabegie charriée par l’économie “planifiée” sustentée par des ressources énergétiques considérables, la notion même d’économie avait perdu son sens.

La pléthore des personnels des entreprises publiques, les découverts bancaires perpétuellement absorbés par le Trésor public, l’inflation du personnel administratif, enfin, tous les travers d’une gestion dirigiste et rentière étaient intégrés dans une vision aberrante et calamiteuse du ‘’volet social’’.

Le plus grand chapitre des transferts sociaux de l’époque avait pour nom le soutien à la consommation, qui englobait pratiquement tous les produits alimentaires d’importation, l’énergie, et même des produits électroménagers et certains articles de fantaisie. L’État dispendieux et détenteur de monopole savait aussi organiser la pénurie dans le but de gérer et de soumettre la société selon ses desiderata.

Au bout de quelques années, les effets désastreux de la gestion de la rente sont venus à bout de tous les efforts et possibilités nationales de production.

Le soutien à la consommation se révéla une grande supercherie dont les véritables bénéficiaires étaient les producteurs européens, américains, australiens et néo-zélandais. On estima, au milieu des années 80, à cent mille le nombre de vaches laitières françaises qui avaient pour unique débouché le marché algérien du lait. Malgré l’ ‘’impopularité’’ de la libéralisation des prix enclenchée à partir du début des années 90, l’histoire économique du pays retiendra que c’est là une véritable révolution, une révolution des mentalités d’abord, pour amorcer le passage d’une économie rentière vers une économie de production.

Cette solution, il faut le noter, n’est pas sortie du ‘’génie’’ des pouvoirs publics de l’époque mais de la situation de cessation de payement qui avait mis à genoux l’économie algérienne.

Les transferts sociaux dont parlait M. Medelci en 2007 n’avaient évidemment rien à voir avec l’ancienne gestion de la rente. Hormis les pensions des handicapés, moudjahidine et certaines franges vulnérables de la société, le gros des dépenses était consacré au soutien de l’État aux activités productives et à l’investissement : aides aux agriculteurs, crédits bonifiés pour la création de micro-entreprises, dégrèvement fiscaux pour certaines activités stratégiques et créatrices d’emplois.

Ce qui a représenté quand même, pour l’année dernière, 11% du PIB et presque 19% du budget. Cette année, il se trouve que quelques réflexes anciens ont repris du poil de la bête suite à une véritable panique qui a gagné le gouvernement Belkhadem. Ainsi, pour certains produits alimentaires jugés stratégiques et touchés par de fortes hausses des prix, le gouvernement a pris la mesure de les soutenir une nouvelle fois au niveau du segment ‘’consommation’’. Il faut espérer que ce ne sont là que des mesures transitoires, lesquelles ne pourront jamais remplacer la stratégie sectorielle basée sur le soutien à l’investissement. S’il y a quelque chose à déplorer, comme a eu à le faire l’ancien argentier du pays, c’est la répartition aléatoire ou inique des fonds de soutien et les inévitables ‘’faux barrages’’ de corruption qui leur sont dressés en cours de route.

Les deux plus grands défis qui se poseront au rôle social de l’État dans les prochaines années sont, sans aucun doute, la provenance même des fonds qu’il y a lieu de tirer d’une plus-value sociale hors hydrocarbures et l’efficacité dans la gestion des ressources allouées de façon à les soustraire aux réseaux de corruption.

A.N.M.

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