La mairie de Tizi-Ouzou est devenue un fourre-tout et s’adjuge, depuis des années, tous les sobriquets possibles dès lors qu’elle constitue le terrain de prédilection de tous les marginaux de Tizi-Ouzou. Ceux qui payent les frais de cette déliquescence outrageuse ne sont autres que les humbles citoyens, les pères de famille, les nécessiteux, les chômeurs toutes catégories confondues.
2000 fonctionnaires, qui dit mieux ?
La municipalité de Tizi-Ouzou emploie à travers les six antennes administratives (Boukhalfa, Redjaouna, Tala Athmane, Hasnaoua, Betrouna, Nouvelle-Ville) avec le siège de l’APC plus de 2 000 fonctionnaires.
Pour le seul siège du centre-ville, plus de 800 employés y travaillent, sans que cela n’apporte une amélioration dans le fonctionnement des différents services, souvent désertés et à portes fermées.
Le personnel censé servir et faciliter les tâches de centaines de citoyens qui s’y présentent chaque jour est entièrement démissionnaire, il se trouve soit noyé dans la foule à l’intérieur de l’APC ou bien quittant carrément les lieux en s’affairant à régler des questions personnelles à l’extérieur.
Dans le passé, une tentative d’assainir le personnel de l’APC de Tizi-Ouzou a fait face à de sérieuses résistances, en dépit de l’instruction ferme faite à l’espace par l’ex-wali de Tizi-Ouzou, qui avait qualifié de “salaires de cosmétiques” les mensualités de quelque 600 femmes qui travaillaient à l’APC de Tizi-Ouzou. L’ex-maire n’est pas allé au bout de l’exécution de l’instruction, une grève avait paralysé l’institution jusqu’à retirer le plan de redressement programmé. Cela dit, les bonnes volontés continuent d’exercer scrupuleusement leur travail au niveau de l’APC de Tizi-Ouzou, mais elles sont rares et parfois même isolées. Toutes les équipes dirigeantes de l’APC et quelle qu’en soit la majorité politique, n’ont, à ce jour, réussi à désengorger cette institution pour la faire sortir de l’imbroglio dans laquelle elle est plongée. Pire que cela, les causes principales, dans certaines situations, émanent de la façon par laquelle la gouvernance se pratique. L’absence de cohésion politique des différents exécutifs, la non-convergence de vues sur l’intérêt de la collectivité, pousse à des situations de crise et de blocage dont le premier effet est le pourrissement et le laisser-aller. Inutile de nous avancer sur les dettes qu’endosse l’APC de Tizi-Ouzou vis-à-vis seulement d’organismes publics telles la Sonelgaz, l’ADE, Algérie Télécom, qui s’élévent à des milliards et à ce jour restent impayées, sans évoquer les dizaines d’entrepreneurs qui ont fait des réalisations réceptionnées, mais dont les factures restent en instance de payement au niveau de la régie communale.
Tout cela met l’APC de Tizi-Ouzou dans une véritable impasse, où rien d’utile ne se fait et c’est dans ces conditions que tout peut se pratiquer. L’urgence d’une véritable politique de décentralisation se confirme de jour en jour, il est quasiment impossible de faire des 200 000 habitants une population d’une seule commune. Cela ne répond guère à la norme universelle, où des communes recelant seulement dans certains cas 500 citoyens, ce qui garantit un meilleur contrôle et une gouvernance à l’avantage des citoyens et à la faveur des élus.
Les guichets assiégés
Le service d’état civil de l’APC de Tizi-Ouzou reste le plus pollué en apparence, parmi tous les autres services. Le nombre de citoyens qui prennent d’assaut les guichets dépasse tout entendement, des attentes interminables, des altercations verbales, des violences physiques, des insanités proférées, un service de sécurité de l’APC débordé, un personnel dépassé et éreinté, c’est cela le décor que nous livre le siège de l’APC au centre-ville de Tizi-Ouzou.
La situation s’est encore gravement compliquée depuis près d’un mois. Le lancement du nouveau dispositif concernant les chômeurs âgés entre 19 et 30 ans a fait du service d’état civil un véritable champ de bataille. Les jeunes chômeurs (des deux sexes) accourent et passent tout leur temps dans les travées de l’APC, bloquant de facto le fonctionnement des autres services. Des centaines de jeunes prennent possession des lieux, pour la délivrance de pièces d’état civil afin de constituer le dossier à déposer au niveau de la DAS (Direction de l’action sociale).
Sur place, des commentaires se font à tout-va, jusqu’à s’interroger sur la crédibilité de ce nouveau dispositif. Et de se demander, puisque le nouveau dispositif concerne les chômeurs, pourquoi l’attestation de non-affiliation aux caisses d’assurance n’est pas exigée dans le dossier. Les chômeurs soupçonnent que le dispositif demeure un alibi de plus, qui ferait bénéficier des cercles occultes par cet argent dégagé par l’Etat.
Haro sur le personnel !
Insoutenable situation, les chômeurs planqués aux guichets dès l’ouverture des services sont gagnés par la colère et s’insurgent contre les rares fonctionnaires qui essayent, tant bien que mal, de satisfaire les demandes.
Un jeune au milieu de la foule, pris par une crise d’hystérie, se force un passage pour atteindre le guichet et arrose le fonctionnaire d’insultes. Ce dernier, indigné abandonne son poste mais ne trouve de salut chezpersonne. Pendant que d’autres chômeurs nuancent leur intervention en disculpant le pauvre fonctionnaire et renvoient une critique acerbe sur les responsables de l’APC en vilipendant les élus et le maire en poste. On leur reproche de n’avoir pas autorisé la délivrance de certificats de résidence au niveau des autres antennes, ce qui allégerait considérablement l’opération. Pour ne pas faillir au contrôle des résidences, les chômeurs proposent sur l’utilisation sur place de la logistique informatique (disquette flash disk) dans laquelle est répertorié le fichier électoral, pour parer à toute éventuelle falsification de pièces et faire usage de faux. Ce sont les agents de sécurité de l’APC, qui, pour empêcher un dérapage, ont improvisé par le moyen de bureaux (mobiliers) une ceinture de sécurité au guichet en question.
La bonne note est à donner aux agents de sécurité qui se sont déployés pêle-mêle pour arrêter les dérives sur les lieux et étouffer poliment les colères des jeunes chômeurs. Aucun élu ou responsable n’a eu le réflexe de régenter l’effervescence dans l’enceinte même de l’institution qu’ils gèrent, certains d’entre eux suivent l’événement de loin et d’autres ont préféré ne pas du tout être sur les lieux. En tout cas, la mairie de Tizi-Ouzou ressemble à tout sauf à une institution de la République, cellule de base de l’Etat algérien.
Des mesures coercivités et un plan de redressement sont attendus des pouvoirs publics afin de mettre fin à l’anarchie régnante et au laisser-aller de l’APC de Tizi-Ouzou, laquelle non seulement, ne s’acquitte pas de ses obligations publiques en matière d’hygiène et d’éclairage public, d’assainissement, de gestion de l’environnement, mais aussi le fonctionnement de ses services, connaît un laisser-aller gravissime où seuls les citoyens s’infligent une pénalisation, la mission d’élu n’est pas seulement de signer une victoire dans une compétition électorale mais aussi de l’assumer et lui donner suite en respectant la confiance placée par les citoyens, tous les citoyens.
Khaled Zahem