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Un poète du silence

Sur son visage déjà se lit la poésie, mais aussi une sagesse indéfectible. Et il n’est surtout pas égoïste et ne prive pas les autres de sa sagesse, s’il épouse la solitude, mais c’est plutôt pour voir la société de loin, dans son ébullition et agitation. Cela servira à faire venir l’inspiration. “Mieux vaut être seul que mal accompagné”, semble-t-il dire. Et puisqu’il est accompagné par la muse, autant s’en passer des autres. La cinquantaine bien entamée, Mohamed ou Amar pour les intimes continue à déranger sa plume pour décrire les maux sociaux et les dénoncer.Le chemin de la poésie lui est venu à l’âge de 17 ans, où le thème de l’amour dominait le social et les autres sujets. Le poète selon lui, c’est celui qui n’a pas peur de dire la vérité quelles que soient les circonstances. Il y a malheureusement des gens qui s’auto-proclament poètes alors qu’ils ne le sont pas. “Ces chanteurs qui font dans le remplissage”, ajoute-t-il, “ils doivent mettre un minimum de bon sens dans leurs actes et contacter les gens du métier soient-ils poètes ou musiciens.” Il faut prendre soin de l’art, martèle ce poète qui fait tourner ses mots plusieurs fois avant de prononcer quelque chose.Concernant la rime, Amar estime que celle-ci est souhaitable mais pas obligatoire. Elle aide à mémoriser le poème et à avoir un charme, mais le poète est avant tout dans le sens, le message et l’image poétique.Notre poète, malgré la fertilité de sa muse, n’aime pas trop s’afficher publiquement et ne participe à aucun concours ou festival de poésie. Hormis quelques récitals auxquels il a participé dans les années 80, dans les villages de la daïra de Boghni, et dans cette dernière, la scène n’est pas sa tasse de thé.Les raisons sont multiples, l’indisponibilité en étant que père de famille qui doit travailler pour subvenir aux besoins de sa progéniture, et le manque d’information constituent les principales raisons.Contrairement aux gens de son âge, Amar a tété l’écriture amazighe depuis son adolescence, malgré l’oppression et la clandestinité.En 1975, il découvre le pot aux roses en mettant la main sur la revue Itij, qui se distribuait sous le manteau et dans la peur. C’est ainsi qu’il a ingurgité les premières notions de tamazight et appris le tifinagh, avec lequel il écrira ses premiers poèmes, jusqu’à la sortie des Isefra n Si Muh U M’hand de Mouloud Feraoun, et ensuite un autre ouvrage de références, en l’occurrence Tira n tmazight de feu Mouloud Mammeri.Aujourd’hui ce poète de Boghni a adopté le caractère latin et l’utilise couramment.Pour ses projets, il caresse le rêve d’éditer ses poèmes qui sont au nombre de 100 environs, après avoir essuyé l’échec à la première tentative en 1992, où on lui avait ordonné de les faire traduire en français, pour qu’ils soient “publiables” et commercialisés.Comme si tamazight toute seule ne peut être publiable. Souhaitons que son rêve devienneréalité, ainsi que le rêve de tout auteur qui produit dans l’ombre.

Salem Amrane

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