L’étudiant algérien fait face à de nombreux problèmes durant son cursus universitaire, un parcours parsemé d’embûches qui pousse certains à abandonner leurs études faute de moyens et d’infrastructures pédagogiques. Parmis ces problèmes on cite la difficulté du nouveau bachelier à se loger. Ainsi et face au nombre important d’étudiants qui débarquent dans la capitale, le nombre de places destinées à loger ces nouveaux arrivants est souvent insuffisant. Alors nous nous sommes posé la question : dans quelles conditions évoluent-ils ?
Le parcours du combattant pour l’étudiant
Ils s’appellent Rabah et Amine deux étudiants en 1ère année traduction à la faculté centrale d’Alger, ils débarquent de Tizi Ouzou fraîchement diplômés de l’enseignement secondaire (baccalauréat), ils ignoraient tout de la capitale et le contraste qui y règne si ce n’est l’envie et l’impatience qui les habitaient à l’idée de rejoindre les bancs de l’université afin de poursuivre leur rêve scolaire et de décrocher un diplôme de l’enseignement supérieur qui leur ouvrira grandes les portes de la vie active. Mais hélas leurs rêves s’étaient vite évaporés et ils ont vite fait de déchanter. Ainsi Rabah nous relate sa première année à l’intérieur de la cité universitaire de Bab Ezzouar CUB 3 » quand je suis arrivé sur les lieux j’ai été surpris par les conditions de vie qui y régnaient, à l’intérieur des chambres nous sommes six personnes à nous partager les lieux sans aucune intimité, une cohabitation difficile à supporter, le point négatif c’est que je ne peux pas choisir mes camarades de chambre, on ne s’entend pas toujours et aucune condition de vie digne d’un être humain n’existe », Amine lui coupe, la parole et poursuit « souvent des bagarres et des rixes éclatent à l’intérieur des chambres entre camarades pour des raisons banales qui les poussent même à faire usage de l’arme blanche, c’est indigne d’un universitaire mais que voulez-vous, c’est notre société. »
En effet, nous avons pu constater de visu l’insalubrité des lieux, à commencer par les cages d’escaliers, où des ordures jonchent les marches, les sanitaires sont innommables, l’eau n’existe pas « c’est souvent la queue le matin pour faire sa toilette, il y a des jours où je manque les cours pour la seule raison que les sanitaires sont occupés durant des heures « , nous dira Rabah le regard hagard.
Quand aux restos, la nourriture est immangeable et il faut patienter durant deux heures dans une queue interminable pour à l’arrivée se voir servir un repas qui passe difficilement à travers la gorge. L’heure affiche 6h pétantes, la file d’attente commence à se former peu à peu, un peu plus loin l’on assiste à une bagarre entre deux résidents, heureusement les sages de la cité universitaire finissent par calmer les esprits qui commençait vraiment à s’échauffer. » Aujourd’hui, il nous servent des lentilles accompagnées de deux portions de fromage, moi je ferai comme d’habitude, un sandwich au fromage quand aux lentilles, elles partirons à la poubelle, » nous dira un étudiant. Nous quittons les lieux sans pour autant oublier de dénoncer le mépris des agents de sécurité qui traitent les étudiants comme des moins que rien. Ainsi plusieurs grèves ont éclaté ces derniers temps et un bras de fer s’est constitué entres les résidents et les responsables que Rabah nommera » les responsables de la discorde. »
L’année dernière les étudiants ont exigé le départ des responsables sous menace de radicaliser leur mouvement, » ils ont un budget conséquent consacré à la nourriture, mais ils nous servent de la m…, ce sont des gens cupides et corrompus, ils détournent de l’argent, et la première victime, c’est bien sûr le pauvre étudiant,au mois de ramadhan,parfois on passe plus de deux heures à attendre pour qu’à la fin on nous annonce que la nourriture est épuisée tout en bénéficiant d’un repas froid, alors on est obligé d’aller acheter dehors avec cette misérable bourse. »
Les vols et les agressions sont monnaie courante
Ces dernières années, des agressions à l’encontre des étudiantes ont été commises à l’intérieur même des enceintes des cités universitaires,des vols de téléphones portables sont monnaie courante comme le témoigne Amel étudiante en 3éme année droit résidant à la cité de jeunes filles Taleb-Abderahmane » on assiste souvent à des vols d’objets de valeur avec la complicité des agents, on trouve des personnes étrangères à la cité se balader comme si de rien n’était, une fois dehors, un sentiment d’insécurité nous envahit, des voyous rodent aux alentours comme des vautours à la recherche d’une proie facile afin de lui subtiliser tout objet de valeur et si par malheur elle résiste elle se fera agresser sous l’œil et la passivité des agents de securité. Il y a quelques jours une jeune fille a été délestée de son sac à main, c’est navrant « .
D’un autre côté la cité des jeunes filles, située dans l’enceinte de l’institut des sciences politiques et de l’information à Ben Aknoun jouit d’une réputation irréprochable avec un service digne d’un étudiant en quête du savoir, une nourriture acceptable d’après les témoignages que nous avons pu recueillir auprès de certaines étudiantes. » Nous sommes quatre à six à l’intérieur des chambres mais je ne me plains pas, le service à l’intérieur des restos est nickel en plus il n’y a pas une grande file d’attente,il y a une connexion Internet à tarif réduit ainsi qu’un foyer abritant une télévision,certes il y a eu des incursions de personnes étrangères, heureusement la sécurité s’est réinstallée au fil du temps « .
Quant à la cité universitaire des garçons « Hydra-Centre », l’atmosphère qui y règne n’est guère réjouissante, celle-ci abrite 4 000 résidents évoluant dans des conditions souvent lamentables « des chambres individuelles à trois, nous sommes six personnes à partager un espace de 7 m2, il est utile aussi de signaler la tension qui règne entre les intégristes et les Kabyles,sans parler du racisme,quant à la nourriture elle est immangeable, » nous confie Amine étudiant en 1ère année traduction.
Le racisme montre ses griffes
Face à ces conditions de vie difficiles, qu’en est-il des étudiants étrangers souvent africains venus étudier en Algerie et qui résident dans ces cités ?
L’année dernière, deux étudiants africains ont été agressés à l’intérieur d’une cité universitaire dans la banlieue d’Alger, l’affaire a éclaté quand un étudiant algérien indisposé par le bruit venu d’une des chambres des étudiants africains, s’y est présenté pour demander de faire cesser la musique, les traitant de “sales nègres” d’après les témoignages, Insultés, ils ont réagi en tabassant l’étudiant algérien, s’en est suivie une rixe qui a duré une semaine où les étudiants africains se sont mobilisés afin de mettre un terme à ces agressions qu’ils qualifient de “racistes et xénophobes”. Ainsi plusieurs d’entres eux ont été passés à tabac. Les étudiants chinois ne sont pas en reste » on les traite de mangeurs de chats et même de tous les noms,” nous confie Arezki et de poursuivre « sous prétexte qu’ils ne sont pas de confession musulmane, des étudiants intégristes leur mettent la pression pour faire carême en les incitant à s’abstenir de boire et de manger, même si ces derniers mangent à l’abri des regards. Les vols à l’intérieur des chambres sont fréquents,ici c’est la loi de la jungle et les cités sont formées de clans chacun guette son prochain.”
Ainsi il est urgent de réagir face à cette situation qui n’a que trop duré et qui fait sombrer l’ensemble du système éducatif algérien dans les abysses du classement mondial établi chaque année par l’agence » Transparency », car nous allons vers une dangereuse banalisation de ce fléau par ces temps d’insécurité. L’insalubrité et l’état lamentable des cités universitaires algériennes fait apparaître à chaque étudiant, qui débarque dans ces lieux, le spectre d’une anecdote racontée par les anciens qui ont tous vécu une aventure désagréable altérant l’image de ces lieux dont la véritable mission, est d’ofrir le savoir et permettres aux étudiants de mieux appéhender la vie active mais hélas la réalité est toute autre.
Hacene Merbouti