Faire découvrir le monde merveilleux des contes aux enfants et développer leur imagination tout en les imprégnant de leur culture ancestrale menacée de disparition est l’objectif que s’est assigné à réaliser l’artiste, l’écrivain et le réalisateur Shamy Chemini dans sa dernière production.En effet, le cofondateur en 1967 de l’historique groupe “Les Abranis” qui a révolutionné la chanson kabyle, est l’auteur des cinq volumes de Orgueilleuse Kabylie, de plusieurs ouvrages pour la jeunesse et d’un documentaire Messages kabyles relatant le printemps, le Printemps noir, vient de produire des contes pour enfant en 5 CD d’une moyenne de 12 minutes : le premier en kabyle, le deuxième en français et les trois derniers dans les deux langues pour permettre à tout le monde d’y avoir accès. Ils seront disponibles dans les bacs en Algérie dès la semaine prochaine. La sortie des contes Sybus, L’Epine et Le Roi chauve assortis d’illustrations sonores, d’effets spéciaux et de livrets en couleur d’une vingtaine de pages, insérés dans le même boîtier n’est pas fortuite. Conscient de l’effet qu’exerce la musique sur les esprits, et sachant parfaitement que les discothèques sont plus fréquentées que les librairies, M. Shamy a eu recours à ce procédé pour “mettre à la disposition de gens égarés et inondés de cultures de tout genre une œuvre culturelle qui les replongera dans l’univers livresque longtemps boudé”.A travers cette inestimable œuvre d’art, qui a nécessité à l’auteur un long travail de réflexion de 10 années, et des moyens humains et financiers énormes avec le concours d’une trentaine de musiciens, de dessinateurs et de conteuses et un autofinancement de 1,5 million de dinars, M.Shamy ambitionne de susciter le maximum de vocations et d’inciter les jeunes à s’investir davantage dans ce créneau marginalisé pour faire de la culture. Il souhaite que cette approche musicale du conte permettre à initier l’oreille de l’enfant, à distinguer la beauté de la parole, la magie du verbe et la douceur de la mélodie, et contribuera à épauler la jeunesse maghrébine des deux rives de la Méditerranée dans sa quête de bonheur et de liberté. Commentant son œuvre, il dit qu’en dépit de tous les efforts consentis, il sait qu’il est en train de faire un investissement à long terme, dont il cueillera les fruits un jour et qu’ “il se bat pour apprendre et transmettre ce qu’il a appris”. M. Shamy, qui a pour devise “virer les vieux et laisser la place aux jeunes pour s’exprimer” et qui ne travaille quasiment qu’avec cette dernière tranche d’âge, pointe un doigt accusateur vers la classe intellectuelle du pays à laquelle il reproche le fait de ne pas créer assez et de laisser notre jeunesse prise d’assaut par les cultures occidentales. Il le dit ouvertement d’ailleurs “tous les hommes de culture crient à la catastrophe, mais personne n’agit. Tout le monde ne fait que constater. La faute incombe aux créateurs, car leur mission est avant tout de créer pour qu’enfin le consommateur puisse trancher”. Dans l’esprit de M. Shamy, qui réside en France depuis une quarantaine d’années, et qui a quitté son village Aït Abraham en Kabylie à l’âge de 18 ans avec plus de 150 contes gravés dans son esprit, sommeille encore le petit enfant bercé par la voix mélodieuse de sa grand-mère qui lui a appris la beauté et la sagesse, et qui tient aujourd’hui à rendre un vibrant hommage à son aïeule et à toutes les gardes du temple qui ont contribué à la sauvegarde de la culture et du patrimoine oral de l’Afrique du Nord. Après la bande annonce qui sera diffusée dans quatre chaînes de télévision en France pour la promotion de ce nouveau produit, M. Shamy projette de faire sortir sa production en DVD qu’il est déjà en train de préparer avec dix réalisateurs d’ici et de là-bas.Dès le mois d’octobre prochain, il effectuera une tournée dans les universités et les crèches pour initier des formations de conteuse.
H. Hayet