Site icon La Dépêche de Kabylie

Le chacal et la nichée d’oisillons

Pour arriver à ses fins, le chacal n’a pas son pareil. Il use de tous les subterfuges possibles et imaginables. Voyons voir quelques-uns, à travers ce conte du terroir.Cette année-là, il a plu beaucoup tardivement et toutes les proies potentielles du chacal se terrent dans leurs trous. Le chacal n’a rien à se mettre sous la dent, il n’y a ni souriceau, ni vermisseau. Tenaillé par la faim, le chacal erre par monts et par vaux. Las de chercher et de ne rien trouver, il s’arrête un instant au bas d’une falaise pour se reposer avant de reprendre son improbable chasse. Soudain, la chance lui sourit. Au-dessus de lui, il entend un gazouillis. Il tend l’oreille, et écarquille les yeux pour voir d’où provient ce bruit si familier, qui veut dire pour lui manger ! Il voit une vision de rêve. Sur un abrisseau situé à six mètres du sol, il voit une alouette (thaqqouvaâth) en train de donner la becquée à sept oisillons affamés. il salive. Sans hésiter il hèle l’alouette et lui dit :- A thaqouvâath illan sennig’-iZeliyi-d yioun seg araou imMay thag’idh ats metchem irkouli(Alouette qui se trouve au-dessus de moi jette-moi un de tes petits. Si tu refuses de me le donner, je vais monter et tous vous dévorer !)Le cœur de la pauvre mère tremble d’effroi. S’il monte jusqu’au nid c’en est fait d’elle et de ses petits. Pour les sauver d’une mort certaine, malgré son chagrin, elle consent à lui sacrifier le plus chétif de ses petits. Elle le balance hors du nid, et détourne son regard pour ne pas voir les mâchoires du carnassier, se referme sur son petit. Le chacal le gobe en l’air avant qu’il ne touche terre, puis disparaît.Le lendemain à la même heure, le chacal se présente de nouveau au-dessous du nid et réclame un autre petit. Craintive, apeurée, à contre-cœur elle lui jette un second oisillon.Mis en appétit, le chacal renouvelle ses menaces chaque jour, et réussit à dévorer les autres oisillons, jusqu’à ce qu’il n’en reste plus qu’un. Sa famille est sur le point d’être décimée. Bientôt, ce sera la fin de sa nichée et d’elle aussi.Anxieux, c’est le cœur battant qu’elle attend la venue de Si Mh’amed (autre appellation du chacal) qui ne tardera pas à venir comme à l’accoutumée. Au fur et à mesure que les minutes s’égrènent, la pauvre alouette ne pouvant se résigner à sacrifier le dernier de ses petits, se met à pleurer comme une fontaine (thetsrou am thala).Ses pleurs et ses lamentations attirent l’attention d’un renard qui passait par là. Pris de compassion, il s’adresse à l’alouette et lui dit :- Achou ikem youghen akkaAyghar i thetsroudh akka ?(Que t’arrive-t-il, pourquoi pleures-tu ?)- La tsrough af z’ahr iouOur z’righ sanda infaQriv ad’ negren ouaraoua iouOuchen itchayi setsaAssa ad’ ikhlou lâch iouAd isouthar ouis sevâ(Je pleures sur mon sort que la chance a déserté. Bientôt j’aurai perdu tous les petits, six ont été déjà dévorés, c’est la fin de ma nichée. Aujourd’hui c’est le tour du septième et dernier !).- Comment s’y prend-t-il, je t’en prie ?- Il vient chaque jour au pied de la falaise, et me réclame un oisillon, si je refuse de le lui donner, il me menace de monter et tous nous dévorer.Très touché par la complainte de l’alouette, le renard lui dit :- A thaqouvaâth thetsou kelkhedhOuchen our izmir ad yaliInas ali-d ma thzemredhMi-d youssa assagi !(Pauvre alouette, tu as été abusée. Le chacal ne peut grimper, s’il vient aujourd’hui te réclamer le petit dernier, dis-lui : “tu peux monter maudit !”

Benrejdal Lounes(A suivre)

Quitter la version mobile