« Nous avons les ressources financières, mais cela ne suffit pas », avouait en 2007 l’ancien ministre des Finances, Mourad Medelci. L’observation du grand argentier du pays valait pour tous les aspects du problème, à savoir que l’argent seul ne fait pas le bonheur, aussi bien dans les foyers que dans l’univers de la République.
L’Algérie l’apprend un peu plus chaque jour. Les rentrées de devises issues de l’exportation des hydrocarbures n’ont jamais atteint le niveau qui est le leur aujourd’hui. Sur les douze mois de l’année, la balance commerciale est excédentaire d’environ quarante milliards de dollars.
La dette extérieure ne dépasse guère quatre milliards de dollars après les payements anticipés commencés sous le gouvernement Ouyahia.
L’inflation est officiellement maîtrisée au-dessous de 4%. Mais, les résultats escomptés en matière de croissance sont souvent revus à la baisse et n’ont pas atteint, jusqu’à présent, le taux de 6%.
Il faut dire, à ce propos, que la plus grande partie des investissements réalisés au cours de ces deux dernières années et qui sont censés se prolonger dans l’intervalle des trois prochaines années sont des investissements publics conçus dans le cadre du Plan de soutien à la croissance. Ils soutiendront la croissance dans la mesure où ils sont des projets structurants (infrastructures routières, hydrauliques, portuaires, énergétiques,…) susceptibles, à terme, d’attirer les véritables investissements via les entreprises industrielles, manufacturières, agroalimentaires, de prestations de services,…etc. En quoi ces chiffres secs et ces prévisions qui relèvent pour l’instant presque du virtuel- d’autant plus que des facteurs de blocage, comme le système financier suranné et les lenteurs bureaucratiques, se mettent au travers des plus énergiques initiatives)-, peuvent-ils influer sur la vie des citoyens ?
L’ancien Premier ministre, Ahmed Benbitour, ne prend pas de gants pour dire son appréhension du risque d’une explosion sociale. Le chômage, la faiblesse du pouvoir d’achat et la situation socioéconomique générale de la population ne poussent pas à l’optimisme.
Si de tels constats- avec des différences de degrés selon les auteurs ou les acteurs politiques- revêtent quelque vérité, c’est que les indicateurs macroéconomiques qui fondent la stabilité de l’économie algérienne depuis deux années ne suffisent plus à décrire la réalité du terrain.
Il ne s’agit pas ici de remettre en cause les indices et les chiffres officiels donnés par les autorités ni de jouer au faux paradoxe du “verre à moitié vide ou à moitié plein’’. Mais, depuis le début des années 90, les spécialistes en économie ont introduit de nouveaux critères pour caractériser non seulement l’état d’un pays, mais aussi et surtout la situation des populations et des individus qui y vivent.
Avec les indices de développement humain que le Programme des Nations unies pour le développement (PNUD) a mis en place, le diagnostic du développement d’un pays est mieux rendu. Ces indices sont un complément indispensable des indicateurs macroéconomiques qui, eux, ne prennent en compte que les grands agrégats chiffrés de l’économie des États. En termes un peu imagés, on dira qu’il y a deux facettes pour une même réalité. Le rapport du PNUD, se basant sur les Indicateurs de développement humain (IDH), place notre pays dans la 102e position. Cette critériologie qui considère la longévité, l’accès au savoir et le PIB par habitant comme des éléments essentiels pour l’évaluation du développement d’une société relègue l’Algérie dans une position qualifiée de ‘’moyenne’’. Par contraste, la comparaison avec la situation macroéconomique du pays, jugée stable, pose moult interrogations quant à l’efficacité de l’utilisation des ressources dont nous disposons. M. Watkins, le responsable du rapport du PNUD, faisait cette observation : « Tant que l’argent du pétrole ne travaille pas en Algérie, le pays, voire l’Algérien pauvre, sentira les conséquences. Les populations sont la véritable richesses des nations ».
N.M.A.