Une quinzaine de jeune gens, “squattent” pour la demi-journée, le trottoir faisant face à l’entrée du marché pour y écouler leur marchandise. Debout, un couteau à la main, ils proposent, à la criée, les belles figues de Barbarie, “cueillies ce matin même” ne cesse de répéter l’un d’eux. Un gamin de onze ans, noyé parmi les adultes, nous dit qu’il vient de Koukou et qu’il se prépare pour la rentrée scolaire. Plus loin, un jeune étudiant en informatique à Alger est venu avec une provision plus importante, cueillie à Azaghar. D’autres, des manœuvres en temps normal, avouent gagner plus en vendant ces fruits. Le prix affiché permet en effet de se faire jusqu’à 1 500 dinars par jour. Le gamin de onze ans, “au travail” depuis plusieurs jours, écoule quotidiennement, 150 pièces à raison de cinq dinars l’unité. Deux catégories de clients abordent ces vendeurs saisonniers. Il y a d’abord les gourmands qui consomment sur place les fruits, pelés par le vendeur, et les autres qui préfèrent en faire une provision, parfois importante, pour toute la famille. Ils négocient les prix suivant la qualité et repartent avec tout le stock (l’équivalant du contenu d’un bidon de peinture). Bien que jugés chers, par les consommateurs, les fruits disparaissent comme par enchantement avant midi. La figue fraîche commence, elle aussi, à se faire une place au marché, une nouveauté chez nous. En effet, la rareté du fruit a poussé quelques jeunes à en vendre alors que depuis toujours ce fruit était offert par les nantis à ceux qui n’en ont pas. La situation vient de la disparition de nombreuses figureraies. Les chômeurs qui s’investissement dans la vente des fruits locaux engrangent quelques centaines de dinars. Cependant, on ne trouve plus les beaux fruits d’antan dont on pouvait se délecter à souhait. Les anciens comme par nostalgie de l’époque où les gens travaillaient la terre vous rappelleront qu’ils cueillaient aux aurores, à la faveur de la fraîcheur matinale, ces figues juteuses et charnues “griffées par le chat”, comme on disait lorsqu’elles présentent des craquelures.
A. O. T.
