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La Kabylie au rythme des fêtes

En plus donc de l’animation que propose la Direction de la culture avec les différents galas organisés- celui de l’artiste Akli D est le plus récent- les fêtes de mariage, de circoncision et d’autres occasions se chargent du reste surtout dans les villages éloignés du chef-lieu de wilaya. Les Tizi-Ouzéens profitent de la moindre opportunité qui se présente pour faire la fête, au point où même le passage au collège est fêtée avec éclat. Nous tenterons donc de comprendre les préparatifs, le coût d’une fête de mariage mais surtout les us, les traditions et leur influence sur le déroulement des cérémonies.

Les salles des fêtes, la nouvelle mode…

Les conditions sociales déterminent la dimension donnée à une fête familiale. C’est dans ce sens que la plupart des Tizi-Ouzéens optent pour l’organisation des cérémonies de mariage dans des salles des fêtes aménagées pour ces circonstances. “Comment voulez-vous que j’accueille une centaine d’invités dans mon appartement situé au 4e étage? En plus de la difficulté d’accès, l’exiguïté des lieux ne me laisse aucune marge de manœuvre, c’est pour cela que j’ai opté pour la salle des fêtes”, nous dit Ahcène, rencontré près du lotissement Bouaziz de Tizi-Ouzou. Ce dernier nous fait savoir qu’il prépare depuis quelques mois le mariage de son fils aîné. “ C’est tout un budget qu’il faut prévoir. On y pense durant toute l’année”, ajoute notre interlocuteur.

A Tizi-ville, les salles des fêtes prolifèrent pour répondre à ce besoin, celui de satisfaire l’importante demande. Cependant, sur la trentaine ouverte cette année, pas moins de dix ont été fermées après enquête des services de la wilaya pour non-conformité aux normes recquises.

Il faut dire que l’ambiance à Tizi-ville est animée, les klaxons des incessants cortèges ne laissent pas le chef-lieu souffler, de même que les encombrements qu’ils génèrent.

En Kabylie, la venue des émigrés est attendue par les familles car les budgets des fêtes sont pratiquement montés “là-bas”. En effet, la prise en charge financière des différentes cérémonies de mariage se fait par nos émigrés qui prennent à leur compte les frais. “Nous nous occupons uniquement du côté organisationnel, nous attendons la venue de mon frère installé en France depuis très longtemps pour régler toutes les factures et envisager des dépenses supplémentaires”, nous indiquera Ammar qui s’apprête à convoler en justes noces. Si en ville la tendance est plutôt à l’organisation des cérémonies dans les salles des fêtes, ce n’est pourtant pas le cas sur les hauteurs de la ville des Genêts où la population continue à faire les fêtes “à domicile”. C’est en effet une tout autre ambiance qui se crée. Les fêtes dans le village s’étalent officiellement sur deux jours, les cortèges sont animés par la présence des troupes traditionnelles de tambourinaires ou Idheballen comme on dit chez nous. Ces derniers donnent un cachet particulier aux fêtes dans les villages. Il faut dire dans ce sens que ces dernières semaines un engouement particulier est constaté aux quatre coins de la wilaya pour l’organisation des cérémonies. Cela s’explique certainement par le fait que le mois de septembre coïncidera cette année avec le mois de carême. Ce qui a donné lieu à une terrible pression et un stress, particulièrement au sein des villages où plusieurs cérémonies se déroulent le même jour. Une sérieuse gêne pour les villageois qui se trouvent invités simultanément à plusieurs cérémonies.

Dans les villages les plus reculés, les traditions sont respectées. L’ambiance des fêtes fait revivre la jeunesse qui s’adonne pour un moment au défoulement et à l’évasion pour tenter oublier l’ennui et la routine des journées caniculaires. Pour eux, c’est une bonne opportunité pour s’offrir une bière, histoire de surmonter la timidité et l’hésitation et aborder ainsi la soirée avec un esprit libéré. C’est justement cet esprit qui fait des nuits tizi-ouzéennes que ce soit en ville où dans les villages, des soirées très animées. Tizi aura donc vécu l’un de ces étés les plus festifs au grand bonheur des jeunes qui n’en demandent pas plus.

Le D-J pour animer les soirées…

Après les bruits des cortèges accompagnant la nouvelle mariée à son nouvel antre, où un dîner est offert aux convives place à la musique. Si certains choisissent les Idheballen dans une sorte de nostalgie des années passées, la majorité opte pour le Disc-Jockey probablement pour son coût qui est à la portée des petites bourses. Tizi-Ouzou ne connaît plus le sens du sommeil en ce mois d’août. Les forts décibels que dégagent les dizaines de D-J l’empêchent de retrouver le calme et le repos. Elle est donc condamnée à subir le bruit de jour comme de nuit, le temps d’un été… Aux côtés des soirées musicales qui sont organisées pour fêter un mariage, une circoncision ou une réussite aux examens, une tradition ancienne est restée, malgré les temps qui passent, et fait partie du décor et programme de ces cérémonies. “Urar” des femmes qui marque vraiment l’originalité de la fête kabyle. Les femmes chantent et dansent sur les rythmes des vieilles chansons de Cherifa, Taous et tant d’autres chanteuses qui animaient jadis les fêtes familiales.

“ Cette tradition résiste au vent du changement qui souffle sur la culture kabyle. Je ne conçois vraiment pas une fête de mariage sans l’urar des femmes, cela donne une originalité à la cérémonie qu’on ne retrouve nulle part ailleurs”, nous dit fièrement Nna Aldjia, rencontrée à l’entrée d’une salle des fêtes à Tizi-Ouzou.

Un coût onéreux…

Cependant, organiser une fête de mariage ou tout autre occasion n’est guère une simple sinécure. La cherté de la vie et l’érosion du pouvoir d’achat des ménages font que beaucoup de citoyens adoptent une démarche d’économie pour pouvoir subvenir aux frais de la fête. “C’est vraiment dur d’organiser une cérémonie pareille, regardez la cherté des fruits et légumes, moi je suis obligé de revoir à la baisse le nombre de mes invités pour pouvoir supporter la note, et ce n’est pas de gaieté de cœur que je le fait”, ajoute Ahcène. C’est là l’amère réalité car plusieurs parmi les citoyens sont condamnés à faire des restrictions : “ Rares sont ceux qui peuvent sacrifier une bête de 15 millions de centimes, alors nous sommes obligés de rationner la quantité de viande qu’on offre à nos invités”, dira en substance Ahcène. Tizi Ouzou réapprend, en ces mois d’été, à être heureuse, on ne s’en prive pas, elle donne même l’impression d’en profiter, pourvu que cela dure le plus longtemps possible…

A.Z.

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