La Dépêche de Kabylie : Normalement, nous n’avons pas besoin de vous demander de vous présenter à nos lecteurs : votre long et grand parcours des plus illustres artistes kabyles en sont les véritables témoins…
Oukil Amar : Malheureusement, ce n’est pas le cas. Néanmoins, vous me donnez là l’occasion de dire non seulement à tous les lecteurs de la Dépêche de Kabylie mais également à tous les fans, ceux qui aiment toujours ce que j’ai, qu’Oukil Amar se porte merveilleusement bien malgré ses soixante seize printemps, toute son œuvre artistique couronnée par la procréation de dix enfants. Je le répète encore une fois, Oukil Amar se porte bien ! Je suis né en 1932 à Bou-Nouh, aârch des Aït Smaïl, connu également pour avoir enfanté aux côtés du Saint Sidi Ben Abdarrahmane les célèbres artistes Moh Saïd Oubélaïd et Farid Ali pour ne citer que ces deux là alors que la liste est assez longue.
Parlez-nous de votre enfance…
Mon enfance est pareille à celle des enfants de mon époque, faite de beaucoup de privation, de misère, quand bien même pour les plus nantis la condition de colonisé ne vous laisse aucun choix ni aucune issue de respirer, du moins à votre guise. Enfant, j’avais quand même la grande responsabilité de veiller sur notre troupeau en compagnie de mon chien “Loulou”, un vrai chien berger que j’ai beaucoup pleuré à sa mort car il faisait le plus grand travail qui est de rabattre les bêtes lorsqu’elles s’éloignaient du groupe. Bien évidemment, comme tous les bergers du monde leur seule occupation, tout en ayant les yeux ouverts sur les bêtes et pour ne pas s’endormir, est de chanter, de siffler des airs inédits, pourvu que des sons résonnent dans la vallée ou au fond de l’oued que reprennent en écho les flancs des montagnes. Par ailleurs, j’avais fini par fabriquer une flûte, mon premier instrument de musique, à l’aide d’un roseau et de mon couteau (douc douc). Persévérant, plein de volonté et à force de tâtonnements et d’essais plus ou moins fructueux, je réussis en peu de temps à faire sortir de ma flûte des airs joués par les groupes Idhabalène (troupes folkloriques). C’était merveilleux !
Les années passent, vous grandissez… A quel âge l’envie de prendre le large vous a-t-elle pris à la gorge ?
Très jeune, j’étais choqué par le sort qui nous a été imposé par les colons. A l’âge de quinze ou seize ans, avec l’adolescence par-dessus tout. Ma vie devint un vrai calvaire car au plus profond de moi-même quelque chose ou quelqu’un me poussait à partir loin de ce douar où il n’y a aucun espoir d’améliorer notre condition de vie. Tu sais, il n’y a que ce qui est écrit dans ta destinée qui se réalise… Aussi, tu peux faire des projets comme bon te semble. Si dans ton destin, ils n’y sont pas, tu peux faire et refaire tes comptes, tu n’y parviendras pas, mais, si au contraire, cela est écrit alors tu ne peux y échapper que ce soit en ta faveur ou en ta défaveur. Excuse-moi, car pertinemment je sais que tu vas me demander comment je suis arrivé à faire mes chansons, à gagner une certaine notoriété… Je ne peux donc te répondre que par ceci : je n’ai fait que suivre mon destin qui m’a aussi conduit à te rencontrer.
Merci ! Mais essayons de ne pas trop anticiper tout en suivant la chronologie. A 15 ou 16 ans vous prenez donc le bateau pour traverser la mer…
Je suis parti en France en cachette de mon père qui voulait toujours m’avoir à ses côtés comme berger, mais mon désir de quitter le bled était tel que contre une somme d’argent j’ai pu avoir de faux papiers et de faux documents avec quelques années de plus alors que j’étais loin de la majorité. Arrivé en France, j’ai été pris en charge par les membres de mon aârch, les Aït Smaïl, mais je n’ai pas trop tardé à être embauché dans une usine fabricant des pièces pour l’aviation à Boulogne-Billancourt, alors que dans la soirée ou les week-end je vais à la rencontre des autres travailleurs de ma communauté. Là-bas, j’ai connu Amraoui Missoum, Slimane Azem, cheikh H’sissen, Ahmed Wahbi, Hanifa, Saloua, Mustapha El Anka, Mahmoud Aziz… C’est vrai également que nous étions tous rassemblés par la même hargne, celle qu’a fait naître en nous l’injustice imposée par le colonialisme. Au demeurant, nous allions dans toutes les régions de France, notamment entre 1957 et 1960 : dans des sanatoriums, des centres de repos où il y avait nos compatriotes en convalescence pour leur apporter notre soutien moral.
L’admiration pour Moh Saïd Oubelaïd
Il est apparu que tout au long de notre entretien, l’artiste feu Moh Saïd Oubélaïd revenait le plus souvent dans la bouche de notre interlocuteur, d’autant plus que pour le jeune Amar Oukil feu Moh Saïd Oubélaïd était pour lui un vrai modèle de réussite en tout point de vue.
Vous aviez un café comme préférence ?
Bien évidemment ! Quand je suis arrivé en France, comme tous les enfants de mon aârch, c’est chez Moh Saïd Oubélaïd qu’on se rencontrait. Au demeurant, j’avais trouvé feu Mohand Saïd Oubélaïd toujours tiré à quatre épingles, trônant derrière son comptoir — car il était déjà propriétaire de plusieurs locaux commerciaux — et jouant de sa guitare. Les clients, toujours très nombreux, y venaient non seulement pour l’écouter et savourer ses chansons mais également pour passer d’agréables moments car feu Moh Saïd Oubélaïd ne manquait pas d’humour comme il était aussi d’une grande âme charitable et aimé et admiré de tous les compatriotes. Par ailleurs, dans les cafés de Feu Moh Saïd Oubélaïd d’autres chanteurs algériens y venaient s’y produire ou lui rendaient des visites comme feu Dahmane El Harrachi, Slimane Azem, Farid Ali par exemple. Aussi, il y avait en moi une force qui me disait de faire comme lui : cela devenait de jour en jour une obsession.
Vous sentiez vraiment que vous pouviez au moins l’égaler ?
Je sentais que je pouvais faire aussi bien que lui, d’autant plus qu’avec ma flûte je reprenais déjà convenablement et admirablement toutes les chansons aussi bien en kabyle qu’en arabe.
C’est alors que vous vous êtes mis en tête l’idée de composer votre première chanson et alors, à qui aviez-vous parlé ou à qui vous êtes-vous confié ?
Bien avant, j’avais acheté un mandole, le même que celui de Moh Saïd Oubélaid et Dahmane El Harrachi alors que je les avais accompagnés chez Paul Buchère, le spécialiste des instruments de musique à Paris. Néanmoins, l’occasion me sera offerte peu après, en 1958 par feu Farid Ali qui avait commencé à animer une émission à la radio les dimanches où presque tous les artistes algériens s’y rendaient ; c’est donc là que j’avais eu la chance de les rencontrer, de faire leur connaissance et d’apprendre à leurs contacts comme Taleb Rabah, Hanifa, Cheikh El Hasnaoui… Il y avait également le jeune Enrico Macias qui venait avec nous.
Evidemment, Farid Ali vous a mis à l’épreuve de prouver ce que vous savez faire ?
Et comment ? J’avais donc chanté quelques chansons qui sont passées à l’antenne. Le succès a été immédiat… La chance et surtout le destin commencèrent à s’accomplir.
Vous aviez donc décidé de sortir vos premiers disques ?
De ce côté, je n’avais pas encore pensé mais quelques temps plus tard Aber Isker, qui travaillait à la radio et qui était le producteur pour le disque arabe chez l’Américain “Barclay”, m’avait proposé de faire un 45 tours : je n’avais qu’à choisir deux chansons. J’avais donc enregistré “Chmane Difir vu Yirfan” et “Thafagh Achatwa Dhanavdhu”.
La chanson “Chman Difir vu Yarfane” a eu un succès retentissant mais elle vous a attiré également des problèmes ?
Oui. Je te l’avais dit déjà que dès mon enfance ou mon jeune âge j’avais en tête de dénoncer la colonialisation. Pour mes déboires, tout a commencé à la radio qui venait, en 1960, d’avoir à sa tête le colonel Franco. Il n’hésita pas dès sa nomination à me convoquer à son bureau pour m’interroger sur la signification de certaines paroles de la chanson comme l’étoile et le croissant et la relation qu’il y a entre ces attaques qui ont commencé en même temps. J’ai essayé de lui faire comprendre que lorsque le train roule la nuit, le voyageur à tendance à regarder le ciel pour voir la lune, les étoiles… “Tu n’es qu’un fellouz comme tous les autres, je ne veux plus que tu remettes les pieds à la radio à partir de maintenant”, me lança-t-il.
Est-ce que la chance vous a donc abandonné en si bon chemin ?
Evidemment non puisque juste après Abder Isker devait partir à la télévision, donc il m’avait tout bonnement proposé de prendre sa place comme producteur dans la grande maison de disques “Barclay”, j’y avais passé trois années. J’avais produit des centaines de disques d’une très grande qualité, des succès pour de nombreux artistes, comme j’avais aidé beaucoup d’autres en leur donnant paroles et en leur composant la musique. Tu n’a qu’à voir les jaquettes des disques “Barclay” de cette époque.
Avant l’indépendance vous étiez revenu au bled, à Alger…
Oui… En 1960… Je suis tombé malade et le médecin m’avait conseillé de revenir au bled où je pouvais me rétablir. J’ai donc atterri au Clos Salembier où j’avais ouvert un salon de coiffure. C’est là également qu’un jour feu Mustapha Skandraoui et Haddad Djillali étaient venus me voir pour me proposer de les rejoindre à la télévision car ils avaient déjà entendu mes chansons. Lorsque je suis parti à la TV pour la première fois, à ma sortie j’avais rencontré Kamel Hamadi qui m’avait félicité pour mon travail et n’avait pas manqué de m’inviter chez lui pour prendre un café préparé bien sûr par sa femme Nora. Je les en remercie encore. Ils tiennent toujours une grande place dans mon cœur. En outre, feu Mustapha Skandrani et Haddad Djillali sont deux grands hommes, deux grands artistes dont la grandeur de l’âme est à celle de leur talent. C’est grâce à eux que j’avais l’occasion pour la première et dernière fois de passer à la télévision.
Nous arriverons à vos déboires avec les médias surtout avec la télévision, mais avant vous aviez essayé de repartir en France ?
Bien sûr… Mais il fallait une autorisation, un laissez-passer que j’avais demandé à l’officier SAS des Aït Smaïl mais ce dernier m’avait dit carrément qu’il n’était pas là pour garder mes oliviers et que c’était à moi de m’en occuper. J’ai fini quand même par l’obtenir.
Vous repartez quand même alors que vous aviez déjà une certaine notoriété et que toutes les portes vous étaient ouvertes et vous réalisez votre rêve en ayant votre propre fond de commerce où les gens viennent vous écoutez. En quelque sorte un Moh Saïd Oubélaid bis…
Effectivement, je suis arrivé à acheter un café-restaurant puis peu après c’était devenu ma seule occupation de vendre et d’acheter des fonds de commerce mais toujours est-il, mes fans me suivent où je vais. J’enregistre disque sur disque toujours avec succès.
L’ex-Amicale des Algériens en Europe avait exclu les grands artistes
Mais comment cela fait-il qu’il n’y ait aucune trace de vos passages ou de participation à des galas surtout à partir de la fin des années 60 ou de la décennie 70 ?
Oukil Amar a été toujours fier même dans le besoin. Je garde toujours ma personnalité. Je n’ai pas à quémander un gala ou une soirée. Que celui qui a besoin de moi, qu’il me cherche et me trouve. Je n’ai jamais refusé une invitation. Pour revenir maintenant à ta question, il faut dire que durant cette période, j’étais beaucoup plus en France qu’ici en Algérie où je ne venais pas souvent en vacances. Néanmoins, en France, pendant cette longue période, les galas pour les Algériens étaient organisés à travers toute l’Europe par l’ex-Amicale des Algériens dont les ex-responsables pratiquaient une politique d’exclusion envers les grands artistes connus et notamment kabyles. C’est ainsi qu’en 1968, alors que l’ex-Amicale avait organisé une grand tournée à travers la France sans la participation de nombreux chanteurs alors que des étrangers, grâcement payés avaient pris nos places, le grand artiste Salah Saâdaoui avait sorti sa fameuse chanson Allah Allah Y aami Slimane, qui a jusqu’à nos jours toujours le même succès sinon plus. L’Etat par l’entremisse de l’ex-amicale nous a proscrit ; il se comportait avec nous comme si nous étions des agitateurs, des ennemis de l’Algérie alors que pendant la Révolution et près, nous avons donné ce que nous avions de meilleur : nos vies. Je te dis ça parce que j’ai toujours en mémoire comment Cheikh H’sissen, Farid Ali, moi-même et bien d’autres chanteurs, nous avions rejoint Cologne (Allemagne) pour partir à Tunis afin de constituer la troupe artistique du FLN. Par ailleurs et en même temps, l’académie berbère avait organisé un gala à “La Mutualité” qui avait regroupé tous les laissés-pour-compte dont Slimane Azem, Dahmane El Harrachi, moi-même et beaucoup d’autres dont la notoriété est grande. Mais voilà qu’en 1970, lorsque je rentre en Algérie accompagné de ma femme et de mes deux enfants, à l’aéroport Dar El Beida, les pacifiste me confisquent mes papiers et je suis emmené à Hydra.
Qu’est-ce qu’on vous reprochait ?
On m’avait reproché tout de suite qu’il me connaissait comme étant un grand chanteur dont les chansons sont de vrais hymnes à l’Algérie, que j’étais quelqu’un qui a toujours aimé son pays mais voilà que l’ex-Amicale des Algériens m’a mis un timbre comme étant un proche de l’académie berbère.
Et alors ?
je leur avais parlé de l’exclusion faite à notre encontre par les ex-responsables de l’Amicale. Ils m’avaient assuré que cette exclusion sera bannie au sein de l’ex-Amicale des Algériens en Europe. Effectivement, dès mon retour en France, je reçois une invitation de l’ex-Amicale des Algériens afin de participer à une tournée de dix galas à travers toute la France, dans des régions à forte densité de nos concitoyens, payé comme tous les autres artistes invités. Néanmoins, à la fin de notre entrevue, les responsables de l’ex-Amicale m’avaient demandé de ramener Slimane Azem car, à leur yeux, j’étais le plus apte à le décider étant proche de lui alors qu’il était interdit d’antenne en Algérie. Naturellement, j’avais tout de suite refusé car Slimane Azem n’était pas un mouton. S’il devait être invité, il y a des canaux à suivre. Donc, je leur avais dit que je pouvais leur remettre ses coordonnets. C’est comme cela que feu Slimane Azem a été contacté et avait participé à tous les galas avec d’autres artistes qui étaient exclus mais pour Slimane Azem, il avait reçu le double comme cachet que celui versé aux autres artistes. C’était normal…. C’était Slimane Azem et point c’est tout. Il aurait demandé deux millions par tour de chant, on lui aurait accordé mais il n’avait pas su en profiter et nous d’ailleurs. L’ex-Amicale des Algériens ne méritait aucun égard. De toute façon je ne les aimais pas.
Vous avez composé et produit pour d’autres artistes, pouvez-vous nous citer quelques uns ?
Evidemment, ce n’est pas possible de les citer tous, bien qu’ils ont chacun, une place dans mon cœur. Je citerai la chanson néanmoins Aya moudhine, interprétée par feu Cid Messaoudi, Amrahva m’rahva, interprétée par Mohamed Saidji, Bencherif Said avait repris en arabe A talev yaghrane comme j’avais également travaillé sur beaucoup de chansons avec feu Ahmed Wahbi (Ya dalali), la liste est vraiment longue, je m’excuse.
Et pour la chanson immortelle Inas imlaâ youn Taos… A qui revient la paternité d’autant plus qu’Arezki Bouzizi l’avait demandée lors d’une émission télévisée à BRTV ?
Je ne veux pas polémiquer sur ce sujet, il n’y qu’à consulter les fichiers de la société pour l’administration du droit de reproduction mécanique des auteurs compositeurs et éditeurs (SDRM) dont voici un extrait de l’enregistrement de certaines de mes œuvres avec Inas imlaâ youn Taos.
Revenons maintenant à feu Matoub Lounès. D’après certaines personnes, il venait vous voir souvent ?
Non feu Matoub Lounès n’est jamais venu me voir chez moi, quoique j’aurait été très heureux, mais malheureusement ce ne fut pas le cas. Au contraire, c’est moi qui suis allé à Taourirt Moussa, en 1990 pour lui demander de participer à un gala de bienfaisance, car comme vous le savez Matoub Lounès ne refuse jamais ce genre d’action d’autant plus lorsqu’il concerne les handicapés. Malheureusement, il était encore cloué au lit après avoir été blessé par les gendarmes. Il a été très touché par mon déplacement. Malgré qu’il ne pouvait pas se déplacer physiquement, il était avec nous à ce gala à Bouira en faveur des handicapés. Mais voilà, une année après, j’étais à Paris avec son producteur Belaid Izem qui m’avait demandé de l’accompagner pour rencontrer Matoub Lounès. Nous le rencontrâmes quelques minutes après au seuil d’un café. J’étais vraiment étonné et content de l’amélioration de sa santé, car il marchait sans ses béquilles. Après les salutations, je lui avais fait la remarquer et il m’avait répondu que c’était ça la vie, une fois on tombe et une autre, on se relève. Je l’avais laissé en discussion avec son producteur alors que j’allais dans la salle à les entendre. Malheureusement, il n’était pas venu et je ne l’avais pas retrouvé. Deux ou trois jours après, je rencontre Belaid Izem qui me dit tout de go que Matoub Lounès était rentré dans une grande rage et il l’avait insulté car il s’est avéré qu’il ne m’avait pas reconnu lorsqu’on s’était rencontrés la dernière fois. Voilà, c’est tout mais j’aurai aimé travaillé avec lui. Sa mort autant que celle de Slimane Azem, Farid Ali, Moh Said Oubelaid ou Ahmed Wahbi, sont de grandes pertes pour la culture en général mais c’est la vie…
Vous êtes une mémoire vivante de notre culture et ce n’est pas dans un entretien de quelques lignes que nous pouvons rapporter tous les souvenirs que vous avez en tête mais, revenons au présent. Vous aviez tenu à rassurer dès le début que vous vous portez bien, ce qui veut dire en clair que vous vous sentez oublié ?
Pour ce qui concerne ma condition sociale, Dieu merci, je ne suis pas dans le besoin, je suis entouré par mes enfants et tous ceux qui m’aiment mais malheureusement, comme beaucoup d’anciens artistes, rien n’est encore fait, sinon peu par les médias surtout la télévision algérienne pour sauvegarder la mémoire. On continue toujours à nous bannir comme si nous étions de vulgaires renégats. Je ne sais pas si cette politique est l’œuvre de petits responsables ou bien elle est dictée par les hautes instances de l’Etat algérien. Nous avons tout donné à la patrie, en contrepartie, nous n’avons rien reçu même pas une petite reconnaissance. Cela me choque d’autant plus vrai que l’artiste est un être très sensible, fragile qui ressent profondément ces injustices. Cela dit, je ne regrette rien. En ce qui concerne, comme je l’avais dit auparavant, la seule fois où je suis passé à la télévision c’était grâce à Mustapha Skandrani, en 1960.
Donc, il appartient à toutes les institutions et aux hommes de la culture de faire leur travail pour sauvegarder cette mémoire ?
Bien sûr, tant que nous sommes vivants, nous allons apporter notre contribution mais une fois partis, il n’y a pas lieu de nous plaindre. C’est le rôle de la presse, des mass média en général, du ministère de la Culture, des directions de la Culture, des Maisons de la culture de faire le travail qu’il s’impose de lui-même. Il faut écrire et enregistrer tous les témoignages qui font l’histoire.
Un hommage à Oukil Amar… ?
A Oukil Amar et à tous les autres artistes qui ont travaillé pour l’épanouissement de la culture algérienne.
On assiste maintenant aussi à la reprise de presque toutes vos chansons par les jeunes chanteurs, quel effet cela fait vous ?
C’est un grand plaisir surtout lorsque l’interprète prend la peine de venir vous demander l’autorisation comme Iguerchène ou Ouahmed et d’autres qui les ont traduites en arabe. C’est carrément un vrai plaisir pour moi.
Votre mot de la fin ?
Je rends hommage à Ait Menguellet et beaucoup d’autres. Même s’il n’est pas de la radio ou la télévision, il ne m’a pas oublié tout particulièrement lors de son gala à l’Olympia où il avait repris l’une de mes chansons. Je remercie autant que vous La Dépêche de Kabylie de m’avoir donné cette heureuse occasion de m’exprimer, de rassurer tous ceux qui aiment par-dessus le temps Chman difir vu yirfab, Yatalev yaghrane, Alamba yetsrafrifane, Amane y zaghar… Je tiens à déclarer par ailleurs que jusqu’à ce jour je n’ai perçu aucun centime sur la vente ou la diffusion de mes chansons soit de l’ONDA ou d’une quelconque institution et seule ma retraite acquise en France me permet de mener une vie décente.
Entretien réalisé par Essaid N’Aït Kaci et Amar Ouramdane