Situé à environ six kilomètres au sud de la ville d’Aïn Bessem, sur la route allant à El Hachimia, le barrage Lakhal, prisé par les estivants, se transforme en un endroit de villégiature qui attire des centaines de personnes où chacune trouve ce qu’elle cherche : “Une zone franche”. Cette grande masse silencieuse de quelques millions de mètres cubes d’eau destinée à l’alimentation de la ville en eau potable et aussi à l’irrigation des milliers d’hectares, cède devant la volonté et l’harcèlement des “estivants” qui veulent la voir se transformer en une véritable “plage” l’espace d’un été et cela quel que soit le prix.
A propos du prix, tout est gratuit on risque seulement sa vie !!! D’ailleurs, depuis son inauguration en 1985, le barrage n’a pas failli à son rite, celui de prendre la vie d’au moins une personne chaque année. Sa dernière victime était un quinquagénaire. Pour s’informer davantage, nous avons pris le chemin de la plage à bord d’un fourgon, le prix est de 10 DA la place.Arrivés sur les lieux, nous avons suivi les jeunes qui étaient à bord avec nous et qui ne cessaient de parler de la plage de “l’ancienne carrière”. Après une vingtaine de minutes de marche à pieds, nous sommes enfin arrivés à l’endroit désiré. La plage en forme de baie et les rochers des deux côtés nous donnent l’impression qu’elle est une de nos plus belles plages côtières. Une trentaine de jeunes étaient là, il était 14 heures; presque tous étaient dans l’eau, sauf deux qui se prélassaient sous un parasol et un autre sur un rocher en train de bronzer… S’approchant du jeune en question en lui expliquant le danger qu’il court, celui-ci nous a répondu : “Vous savez, nous n’avons pas les moyens d’aller à Boumerdès, cela vous coûtera au moins 1 000 DA pour passer une journée là-bas. Ici, on ne paie rien, il faut seulement être vigilant car la vase qui se trouve au fond est un véritable sable mouvant. En plus, personne ne te dérange de l’autre côté, il y a les pêcheurs, plus loin les fumeurs de joints. Il y a même ceux qui pratiquent le pompage illicite. Chacun vit sa vie… Si Dieu veut que je meurs dans le barrage, c’est le Maktoub !!!” Tous étaient unanimes à penser que la mort c’est la volonté de Dieu… Sur le chemin du retour, une seule question est restée suspendue : comment expliquer à ces jeunes que le Tout-Puissant ne nous a pas autorisé à mettre notre vie en danger ? Une vraie campagne de sensibilisation s’impose. Les autorités locales, les organisations de masses, les mouvements associatifs, les imams ainsi que la société civile sont appelés à conjuguer leurs efforts afin de convaincre cette jeunesse qui, parfois, ne demande qu’à être écoutée…
Kamel Ladjal
