La fatiha sur fond de techno

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En écoutant le récit des anciens qui narrent les noces célébrées avant l’Indépendance de l’Algérie, on croirait entendre parler d’un autre monde. “La mariée était ramenée à dos de mulet sur plusieurs dizaines de kilomètres. La mariée était emmitouflée dans un burnous et faisait le trajet poussérieux sous une chaleur de plomb…” Entre ces conditions plus qu’infernales et la situation dans laquelle sont célébrés les mariages actuellement, il y a un certain fossé qui se creuse entre les deux époques. En effet, il y a de cela encore quelques années, impossible de penser que l’union sacrée qui unirait deux êtres puisse se dérouler dans les conditions qui prévalent actuellement. En plus de cette musique, totalement étrangère, qui agresse les oreilles, les tenues vestimentaires de la gent féminine notamment, qui n’aurait pas manqué de faire pâlir nos parents. Le charme des robes kabyles d’antan ne fait, hélas, plus le charme des mariages traditionnels, et face à ce phénomène de “modernité”, les femmes et les jeunes filles dépoitraillées à l’extrême jurent dans le contexte de ces mariages extravertis. Dans les différentes communes de la wilaya de Bouira, la célébration des mariages se faisait auparavant selon des rites et des coutumes spécifiques à chaque région, mais c’est désormais chose révolue, car dans toutes les unions sacrées, seule la présence de l’imam pour réciter la fatiha demeure inchangée. Sur ce point spécialement, le respect de la religion est un atout qui aurait peut-être même tendance à s’amplifier. Les imams sont d’ailleurs régulièrement invités dans les salles des fêtes, mais nombreux sont ceux qui déclinent l’invitation où prétextent avoir affaire dans d’autres cérémonies. Difficile d’imaginer un imam récitant la fatiha sur fond de musique techno et devant un parterre de jeunes filles dénudées. Le prêche de vendredi dernier dans plusieurs localités de la wilaya de Bouira portait justement sur le thème du mariage et des conditions “sataniques” dans lesquels se déroulent ces fêtes. Pourtant, loin de vouloir s’attaquer à la religion, les personnes qui se marient décident toujours de relier un aspect spirituel et traditionnel à leur alliance. Il n’est pas rare qu’avant de rejoindre le domicile conjugal, le cortège nuptial fasse un détour par un mausolée pour avoir la bénédiction du saint patron du village ou de la ville. Un détour qui se fait sur fond de youyous stridents comme auparavant mais sur des airs de musique techno et robotique. Pour dire qu’aussi bien dans le milieu urbain que rural, les jeunes et les moins jeunes qui assistent à une cérémonie de mariage, ne font pas dans les demi-mesures. En dehors des villes, où les mariages sont célébrés dans des salles de fêtes louées pour plusieurs milliers de dinars à raison d’une ou deux journées, les fêtes organisées dans les villages reviennent encore plus cher qu’en ville. Et les frais de ces mariages ne sont pas uniquement liés à la nourriture. La location d’une sono revient en moyenne à 4 500 DA les deux jours, 1 500 DA pour la décoration de la voiture de la mariée et d’autres frais inhérents à la bonne réussite de la fête.

Les nouvelles mœurs apparues depuis le début des années 90 ont eu raison des bonnes vieilles traditions qui marquaient les réjouissances nuptiales. Les traditions kabyles ont été tronquées contre des coutumes inexistantes jusque-là dans une région pourtant réputée de conservatrice.

Hafidh B.

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