Dans de cadre de la série de conférences thématiques et de débats initiés par la formation du Front des forces socialistes (FFS), la question de l’amnistie des crimes commis en Algérie durant ces 15 dernières années et qui devrait aboutir à la réconciliation nationale a fait hier l’objet d’une conférence-débat animée par le professeur Madjid Benchikh. Ce dernier s’est essentiellement penché sur l’examen des problèmes politiques et juridiques que soulèvent les projets d’amnistie, les expériences étrangères dans le domaine ainsi que les réponses du droit international à l’amnistie et à l’impunité à laquelle elle peut servir de base. Intervenant à l’ouverture de cette rencontre, le secrétaire national à la communication au niveau du parti, Karim Tabbou, indiquera que ce débat politique qui dépasse un parti et qui concerne au-delà du pays, toute la région, doit consacrer l’échange d’idées et de réflexions dans le respect de l’autre et de ses différences. Toutefois, il considère qu’avec la manière dont laquelle se présentent les choses et l’absence de dialogue et de transparence autour de cette question vitale, la situation pourrait conduire à une auto-amnistie par les voies référendaires, et que l’organisation de l’impunité doit impérativement passer par la connaissance de la vérité.De son côté le professeur Benchikh, ancien président d’Amnesty International en Algérie a de prime abord signifié qu’en l’absence de dialogue et face au silence des autorités du pays, « on tentera de partager quelques réflexions sur un projet immense dont, il faut le dire, on ignore les contours et les limites et qui est entouré de rumeurs et de bribes de déclarations des responsables politiques ». Une situation qui prête à confusion, selon le conférencier et qui intègre dans ce processus l’amnistie fiscale et l’absolution des crimes perpétrés durant toutes les périodes de l’histoire de l’Algérie. C’est pourquoi, il invite le gouvernement et les principales autorités du pays à lancer un débat avec toutes les parties concernées ; société civile, syndicats mouvement associatif et organisations des Droits de l’homme…et à définir clairement leur politique de réconciliation afin de ne pas ouvrir la voie à la spéculation. S’appuyant sur sa longue expérience en droit international, l’orateur a expliqué que « sans un schéma d’analyse qui caractériserait les différents crimes qui seront au cœur de ce projet, l’amnistie qui concerne les massacres et les assassinats systématiques, la torture et les viols ainsi que les disparitions durant la période de conflit depuis 1988, deviendra un simple instrument pour organiser l’impunité ». Il estime que l’amnistie doit être un aboutissement à la politique de réconciliation et que cette dernière qui constitue un élément pour justifier, soutenir et donner tous les résultats aspirés à l’amnistie sera intégrée dans une politique globale qu’il faut envisager.M.Benchikh expliquera également que « rien n’a été fait à l’adresse des familles des victimes qui, en raison de leur exclusion de toute concertation, peuvent être poussées à chercher d’autres moyens pour recouvrer leurs droits confisqués et crier vengeance auprès des organismes internationaux de Droits de l’homme. » Tout en insistant sur le fait que ces mêmes familles sont prêtes à soutenir ce projet réconciliateur pour peu que leur situation soit prise en charge et que l’intérêt du pays prime sur toute autre considération. A travers ces déclarations qui lui ont été faites par les familles des victimes « Si grâce aux sacrifices de nos enfants, une analyse politique de la situation sera effectuée et de nouvelles perspectives s’ouvriront pour le pays et ses méthodes ne reviennent plus, on ne peut pas refuser le pardon », le conférencier illustre la portée citoyenne d’un projet et le rôle capital de son adhésion car il reste convaincu que « la réconciliation ne se décrète pas et qu’il faut mettre en préparation la réconciliation et les conditions politiques, économiques et sociales qui sont des préalables à l’amnistie ». C’est en ce sens d’ailleurs, que M.Benchikh a abordé la nécessité de la levée de l’état d’urgence avec tous les mécanismes et mesures qui doivent placer véritablement la société civile et l’opinion publique dans l’esprit de réconciliation qui n’est pas envisageable dans de telles conditions.
H. Hayet