En effet, le phénomène touche particulièrement les villages éloignés de la commune, entre autres Tikouache, Tamazirt Ourabah, Ouatouba, Tibecharin, Mazer, etc. Les uns fuient leur village à destination du chef-lieu de la commune, d’autres vers la ville de Tigzirt. Les raisons de ce phénomène sont multiples : il y a tout d’abord le phénomène de l’insécurité, vu que ces villages se situent à l’orée de la forêt de Mizrana, l’un des bastions des groupes terroristes. Mais dans la plupart des cas, c’est le marasme, l’enclavement et le sous-développement caractérisant ces villages qui incitent ces citoyens à les fuir : “Il est vrai qu’un climat d’insécurité règne dans nos villages, mais je pense que les citoyens résistent et s’adaptent à cette situation, par contre ce qui est inacceptable c’est la situation socio-économique et l’absence d’un minimum de conditions décentes de vie qui nous pousse à quitter nos village”, nous a déclaré un citoyen de Tamazirt Ourabah, ayant quitté son village pour s’installer à Tigzirt.
Tikiouache, le village fantôme
L’un des villages les plus touchés par ce phénomène est celui de Tikiouache qui se situe à près de 6 km de la ville de Tigzirt dans la commune de Mizrana. En effet, sur la vingtaine de foyers, qui composaient ce petit village, il ne reste plus qu’un seul. Phénomène étrange caractérisant ce village, c’est qu’il cerné par la dense jungle de Mizrana. La grande partie des villageois ont fui les lieux surtout depuis que les groupes terroristes ont assassiné un patriote dudit village. Le site se trouve en outre enclavé : route impraticable, et absence de toute condition de vie. L’autre village qui connaît un exode spectaculaire est celui de Tamazirt Ourabah. En effet une importante partie des habitants du village ont décidé de construire de nouvelles demeures au lieu dit Sahel, à 3 km de la ville de Tigzirt, la raison principale est l’enclavement de leur village d’origine. Les aides à l’auto-construction constituent une aubaine pour les jeunes particulièrement pour construire de nouvelles demeures sur ces lieux. Désormais Sahel prend de plus en plus la forme d’un village qui témoigne de la défaillance de l’Etat et des autorités à sédentariser les habitants. Et pourtant a l’instar des villageois de Tikiouache, les habitants de Tamazirt Ourabah ne cessent de dénoncer l’état de sous-développement dont ils sont victimes. Les villages se situent pourtant dans des zones riches en eau et en d’autres potentialités. A titre d’exemple, l’une des revendications des habitants de Tamazirt Ourabah est la réalisation d’une route d’une longueur de près de 5 km, via le lieu dit Arvedh. Cette route, une fois réalisée, permettra un véritable désenclavement pour Tamazirt et tous les autres villages limitrophes.
Des villages dans le même état qu’avant l’Indépendance
La plupart des villages de Mizrana sont dans le même état que celui connu depuis l’indépendance de l’Algérie. Même l’électrification n’est en place que depuis quelques années, hormis les bâtisses réalisés par les particuliers au prix de grands sacrifices, l’on ne constate pas la présence de l’Etat pour soutenir et assister les habitants. Les enfants et les jeunes en particulier sont livrés à eux-mêmes. Ils n’ont pour distraction que cette nature à l’état sauvage qui leur procure le repos un tant soit peu. Les villages sont calmes, même trop calmes, pour un enfant ou un jeune qui a besoin de s’épanouir et de développer ses facultés. Excepté au chef-lieu, il n’existe aucun foyer de jeunes dans toute la commune. Quant au chômage, il touche des pans entiers des habitants, les seuls ressources restent ces rares pensions en devises et l’activité de l’élevage qui ne procure pas de grands revenus. Le comble c’est qu’à chaque fois qu’une voix discordante s’élève pour dénoncer la misère dont sont victimes les habitants, les autorités locales crient honteusement à la manipulation et les accusent de “manœuvres politiques”. C’était le cas notamment lors du grand mouvement de protestation organisé par plusieurs village, il y a près de deux mois. Dans cette protestation, les habitanst pour exprimer leur ras-le-bol ont occupé les mairies de Tigzirt et de Mizrana, le siège de la daïra, la RN 24 et toutes les artères de la ville de Tigzirt.
“Au lieu de nous écouter et prendre en charge nos revendications qui sont légitimes, des élus et d’autres responsables nous accusent honteusement de manipulation politique. C’est injuste et c’est du mépris. Je leur ai déclaré que si revendiquer le revêtement d’une route ou demander de l’eau est de la politique, alors prenez notre mobilisation pour telle !”, nous a déclaré un habitant du village Tizi n’Bouali, délégué par la population pour négocier avec les autorités. Selon d’autres habitants, “Un parti politique en “gouvernance” dans la localité ne cesse d’avoir la mainmise sur les populations, en les bernant. Et à chaque tentative de mobilisation pour réclamer un développement, les élus de ce parti au lieu d’écouter les habitants, procèdent à la cassure de toute initiative de mobilisation. C’est ridicule” nous a déclaré un autre citoyen de Tamazirt Ourabah. Devant cette réalité et bien d’autres, les plus démunis se résignent. Les autres, du moins ceux qui jouissent d’un minimum de moyens, construisent de nouvelles demeures ailleurs, comme le cas de Sahel, d’autres louent des logement à Tigzirt au prix fort dans l’espoir de bénéficier à l’avenir d’un logement social à Tigzirt.
Le PPDRI au secours des villages
Dans le cadre du Plan quinquinal de développement rural intégré (PPDRI), les responsables de la daïra ont choisi Ouatouba comme village-pilote pour mettre en application ce plan de développement. Il s’agit de projets en rapport avec le niveau de vie des citoyens, tels que l’AEP, l’assainissement, les trottoirs, les artères, l’éclairage, foyer de jeunes, etc. En tout, une enveloppe de près d’un milliard de centimes sera consacrée pour le seul village Ouatouba. Dans la foulée du PPDRI au profit de Ouatouba, les autres villages espèrent une vie meilleure dans leurs villages trop longtemps oubliés par les différentes autorités. Ces villages ont vu naître et mourrir leurs ancêtres. La nouvelle génération n’a certainement pas envie de les quitter, à condition toutefois de lui garantir un cadre de vie en adéquation avec l’évolution de l’heure.
Mourad Hammami
