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Femmes ou fonctionnaires ?

Les “femmes fonctionnaires” sont mécontentes de ne plus pouvoir quitter leur poste de travail des heures avant leurs collègues hommes afin d’aller tranquillement faire leurs courses et se mettre derrière les fourneaux de ramadhan. Et elles le font savoir apparemment bruyamment puisqu’on parle même de pétitions de protestation qui auraient été initiées pour dénoncer ce grave déni. On connaissait la “tradition” tacite, on découvre le “droit” inaliénable. La tradition tient de la complaisance intéressée dans la relation de travail à tous les niveaux de responsabilité de l’administration et de l’entreprise publiques. Quant au droit, il va être difficile de nier son existence puisque dans les faits, les choses se sont toujours passées ainsi et pas autrement. Le légal étant connu comme ce qui est impunément appliqué, on ne voit pas comment renoncer à un “acquis” surtout que l’un dans l’autre, il a fini par se draper de légitimité. Allez dire à un commerçant que la législation ne lui permet pas de fermer boutique aux heures de prière et dans le meilleur des cas, il vous prendra pour un extraterrestre. Pour revenir à nos amazones du carême, elles ne nous disent pas si c’est en tant que femmes ou en tant que fonctionnaires qu’elles expriment leur colère de ne plus pouvoir déserter leurs bureaux pour des tâches apparemment plus sérieuses et plus valorisantes. Dans le premier cas, il faudra “élargir le mouvement” à toutes les femmes actives, ce qui n’est pas une mince affaire vu que l’effort de mobilisation aura pour effet de réduire encore le temps, déjà trop court à passer aux étals et dans les cuisines. Et puis dans ce genre de révolte un peu spéciale, moins on est de monde, plus les chances d’aboutissement des “revendications” augmentent. On ne va quand même pas traîner boulets et casseroles dans une action d’une telle hauteur intellectuelle. Dans le deuxième cas, il faudra associer les hommes et là c’est quand même exagéré de vider l’administration et abandonner le citoyen à son sort. D’abord tout le monde sait qu’ils ne font jamais la cuisine même s’ils vous rétorqueront systématiquement que les plus grands chefs du monde sont des hommes. Ensuite on ne va pas inviter ceux qui sont à l’origine de nos déboires à les partager et à faire cause commune avec nous. Femmes et fonctionnaires, c’est donc la formule idéale. Tout aussi noble est la cause de ces citoyens d’Aït Amrane, un village de Thénia dans la wilaya de Boumerdès. Frustrés de ne pas pouvoir suivre le match de foot entre l’Algérie et le Sénégal, ils sont descendus dans la rue avec la panoplie d’actions et la logistique de parfaits émeutiers. Route barrée, pneus embrasés, barricades et slogans enflammés. Dans le feu de l’action, c’est vraiment le cas de le dire, ils se sont rappelés qu’il leur manque aussi de l’eau et une route. Alors ils y sont allés. D’abord parce que l’eau et la route c’est utile, c’est même indispensable. Ensuite les braves citoyens d’Aït Amrane ont dû éprouver quelque embarras à l’idée que toute l’Algérie saura qu’ils ont fait un boucan d’enfer pour un petit délestage à l’heure d’une partie de foot. Oubliées, les promesses de “non-délestage” pendant le ramadhan de Sonelgaz et la fin du calvaire de l’eau depuis que cette localité est alimentée à partir du barrage de Taksebt que les services concernés ont claironné à tout va. Petit embarras seulement parce que l’équipe nationale de foot et ses matches, il n’y a pas mieux pour exprimer son patriotisme. Le directeur de la jeunesse et des sports de Blida nous en donne la preuve : la veille du match contre le Sénégal, il a longuement plastronné devant les caméras pour annoncer sa performance. Celle de rendre praticable une pelouse qui ne l’était pas. “Pour l’équipe nationale on ne lésine pas sur les moyens et les sacrifices”, disait-il. A un moment, on croyait même qu’il allait entonner Kassaman. Non seulement on croyait qu’une pelouse, ça doit être praticable tout le temps, mais le comble, on a eu à vérifier qu’elle ne l’était même pas à l’occasion de cette rencontre. Mais l’Algérie a gagné, alors une pelouse en piteux état et des citoyens de bourgade qui n’ont pas vu le match…

S. L.

laouarisliman@gmail.com

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