A force de l’avoir entendue partout où les quatre roues se rangent, vous savez qu’il s’agit d’un “gardien de parking”, encore un autre. Il n’est pas impossible que vous soyez déjà à votre dixième “gardien de parking”, soit près de 200 dinars de débourser. Quelle institution autorise tous ces jeunes “gardiens de parking’’ à “être là’’? Aucune. Leur “pouvoir’’ est puisé dans, hélas, cette culture de l’émeute qui, mine de rien et au su et au vu de tous, est en train d’avoir le dessus sur le semblant d’autorité qui existe. “Autorisation’’, ‘’permis’’ et autres jargons officiels sont autant de concepts que ces jeunes refusent d’entendre. Ne leur parlez surtout pas de cela : ils vous riront au nez en vous demandant de quelle planète vous êtes tombés. Ces jeunes ne s’encombrent pas de toutes ces considérations légales pour assurer d’une manière ou d’une autre leur quotidien. Une sacoche-caisse et, le plus souvent, une matraque, leurs suffisent pour faire valoir leur droits à ‘’racketter’’ les automobilistes. Nous embarquons dans notre véhicule pour aller à la rencontre de la Voix. Avant même de mettre la clé au contact, un adolescent se plante devant nous (et devant chez nous) :
– Oui ? lui demandons-nous, feignant ne rien comprendre
– Je suis le gardien !
– Et alors ?
– Vous devez me payer
– Non !
Notre niet déstabilise le gamin qui se reprend vite en changeant d’angle d’attaque : » Macci bessif (vous n’êtes pas obligés de me payer). Disons que vous me payez un café « . L’adolescent vous prend par les sentiments. La technique paye souvent. Mais pas cette fois. Nous ne donnons rien au jeune qui, fair-play jusqu’au bout, nous souhaitera quand même : » Saha f’tourkoum »
Nous allons du côté du centre-ville, nous garons le véhicule en face du jardin public.
Avant même de sortir du véhicule, un jeune adulte s’approche de nous et lève la main et nous dit :
» Je suis là ! « . Nous lui répondons, histoire de lui signifier que cela ne nous intéresse pas : » Tant mieux pour toi ! »
Le temps de faire un tour du pâté de maisons, nous sommes devant notre véhicule. Le jeune de tout à l’heure s’approche de nous. Nous faisons semblant de ne pas le voir. Au moment où nous mettons le moteur en marche, il réclame ses vingt dinars. Nous lui répondant que nous ne lui donnerons rien. Notre ton ferme dissuade le jeune d’aller plus loin dans la discussion. Il se tait et nous fusille du regard.
Et c’est justement ce regard menaçant qui fait céder les automobilistes qui craignent pour leur voiture la prochaine fois qu’ils viendraient garer leurs véhicules devant le jardin public. En fait, le regard menaçant du ‘’gardien’’ signifie : « La prochaine fois que je vous retrouve là, votre véhicule en pâtira ». Et voila donc pourquoi les automobilistes finissent toujours par céder et pourquoi cette profession de gardien de parking a tout d’un racket. Nous allons du côté du Siège de la wilaya. Nous garons notre véhicule dans le parking et allons faire un saut dans les bureaux de l’attaché de presse de la wilaya.
Dix minutes plus tard, nous souhaitons un saha f’rtourkoum à l’attaché de presse et à ses collaborateurs et nous quittons les bureaux. Nous mettons la clé au contact et un autre ‘’gardien’’ se plante devant nous. Il ne viendrait à l’idée de personne que ces gardiens ‘’sévissent’’ jusqu’à dans le parking du Siège de la wilaya !
Le jeune nous ressort son : » Je suis le gardien ! »
– Tu travailles pour la wilaya ?, lui demandons-nous
– Non, je travaille pour moi-même !
– Comment ça. Tu as un registre du commerce, des papiers…
– Je n’ai rien. Je suis gardien et c’est tout ! Moi aussi, j’ai le droit au travail.
Nous lui expliquons qu’il a tout à fait raison d’exiger son droit au travail et que cependant, ce qu’il fait est hors…
Le jeune interrompt notre élan pédagogique : » Bon ! Vous allez me payer, oui ou non ? « . Son » bon ! » signifie dans un langage direct : « Arrêter votre baratin ! ce refrain que j’entends toujours et partout ne m’a jamais donné du travail »
T.Ould Amar
