Les chiffres des autres

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Pays ayant son poids politique issu du capital ‘’sentimental’’ ou symbolique de la guerre de Libération et du capital réel que représentent ses hydrocarbures, l’Algérie s’offre, depuis la disparition de la bipolarité Est-Ouest et depuis aussi l’adoption du libéralisme économique comme système quasi messianique, à toutes sortes d’appréciations, d’évaluations et de classifications venant de tierces parties, généralement des organismes financiers internationaux ou des ONG activant dans le domaines des droits de l’Homme. Naguère, les seuls ‘’signaux’’ auxquels nos gouvernements et autres responsables étaient ‘’hypersensibles’’ étaient ceux émis par les chancelleries étrangères au sujet de la situation sécuritaire en Algérie et les notations des organismes d’assurance des pays occidentaux (à l’exemple de la COFACE française) sur le risque-pays destiné à couvrir les investisseurs qui engagent des contrats en Algérie.

Tout en demeurant toujours en vigueur, ces deux tableaux d’analyse que les pays partenaires de l’Algérie et certaines ONG établissent pour notre pays ne sont plus les seuls. Ouverte au vent de la mondialisation, liée à l’Union européenne par un accord d’Association et candidate à l’OMC, l’Algérie se voit souvent intégrée dans les panels mis sur pied par des institutions internationales assurant des missions économiques, financières ou sociales. Ainsi, le PNUD a classé l’Algérie, à la fin 2006, à la 102e place en matière d’indice de développement humain (IDH), indices qui réservent une place privilégiée à la santé, l’espérance de vie et l’éducation des populations. En août 2007, le FMI s’est interrogé sur la persistance du chômage dans un pays vivant dans une embellie financière sans précédent, sur son niveau très élevé (7% de plus que tous les pays de la région MENA [Moyen-Orient et Afrique du Nord]) et les moyens peu appropriés que le gouvernement a mobilisés pour l’endiguer.

A la fin de l’année dernière, deux signaux venus de deux autres institutions ont probablement valeur d’ ‘’avertissement’’. Transparency International (TI) s’inquiète des ravages de la corruption et classe Algérie à la 99e place sur un panel de 180 pays.

Le rapport 2009 Doing Business de la Banque mondiale, publié la semaine passée, portant sur le climat des affaires dans 181 pays étudiés situe notre pays dans la peu flatteuse 132e place. A titre de comparaison, l’Arabie Saoudite est positionnée 16e. Le rapport en question informe l’opinion que, entre juin 2007 et juin 2008, l’Algérie ‘’n’a enregistré aucune réforme majeure’’. En matière de création d’entreprises, notre pays occupe la 141e place. Pour l’embauche des travailleurs, l’Algérie occupe la 118e place. Le reste des critères utilisés par la Banque mondiale ne donnent pas une bonne image du climat d’investissement et des affaires de notre pays. Il faut dire que la convergence des ces deux dernières cotations (lourd climat des affaires et floraison de l’indice de corruption) n’est nullement le fait du hasard ; une infernale relation dialectique jette ses ponts entre les deux phénomènes : climat des affaires lourd, empêtré dans une légendaire bureaucratie et dissuadant les investissements, d’une part, et corruption à grande échelle ayant gangrené le corps de la société et miné la pyramide déjà vermoulue des principaux rouages de l’administrations, d’autre part.

Avant d’admettre ou d’analyser les ‘’remontrances’’, les leçons ou les rappels à l’ordre de la part d’organismes internationaux, ne serait-il pas plus souhaitable d’actionner les leviers des structures algériennes appropriées et disposant de la matière grise nécessaire pour qu’elle puissent alerter les gouvernants et la société sur les dérives d’ordre social ou économique que la magie de la rente pétrolière installe insidieusement chez les gestionnaires et les responsables des institutions publiques et chez leurs clientèles ? Ces structures-organismes scientifiques, associations, structures consultatives comme le CNES, l’ONS, le CENEAP, le CREAD- existent. Il suffit de les libérer de leurs muselières.

A.N.M.

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