C’est justement dans l’optique de vulgariser les mécanismes de mise en place du FSIE mais surtout la sensibilisation des responsables d’entreprises, les DRH et les responsables syndicaux, sur l’utilité de ce nouvel outil, que s’est tenue, avant-hier, une rencontre UGTA-Entreprises-FSIE, au niveau du siège de la direction générale de l’ENIEM, à l’initiative de l’Union de wilaya UGTA.
Un rencontre où il a été essentiellement question des avantages offerts par le Fonds aux travailleurs souscripteurs et l’impact positif sur les relations sociales au sein de l’entreprise, mais aussi l’apport du fonds au développement de l’économie locale par l’appui à la PME afin de créer et de sauvegarder l’emploi.
La mise en place du Fonds de soutien à l’investissement pour l’emploi aura donc pour principal rôle la mobilisation de l’épargne individuelle et volontaire qui est ensuite investie dans les PME, ce qui fait de lui un mode novateur d’intervention plaçant le FSIE en tant que premier organisme financier à faire appel à des sources de financement extra-étatiques.
Le FSIE, mode d’emploi…
Le directeur général du FSIE, M. Mohamed Tessa, qui a présidé la rencontre aux côtés de Bachir Ramdani de l’UGTA et de Michel Dorion, expert canadien de la FTQ ( Fédération des travailleurs du Québec), a expliqué dans un bref exposé les mécanismes de fonctionnement du fonds : “ Nous comptons lancer à partir de ce mois d’octobre une large campagne de souscription qui va concerner principalement les travailleurs et travailleuses. Elle vise à doter le fonds d’actifs suffisamment importants pour être transformé en investissements dans la PME”, dira M. Tessa. Le FSIE a, selon le plan d’action tracé pour la période 2008-2010, l’ambition d’atteindre 3 000 souscripteurs en 2008, 15 000 en 2009 et 20 000 en 2010, soit quelque 40 000 souscripteurs en fin 2010, année pour laquelle sont prévus les premiers investissements.
L’intérêt de l’initiative est surtout dans le fait qu’elle pourra à moyen terme installer la culture de l’actionnariat et jeter les jalons solides d’un marché financier et boursier digne de ce nom. Intervenant dans le débat,
M. Lahiani expliquera pour sa part que l’acte de souscrire est différent de l’actionnariat. Le premier consiste en l’acte d’acheter une action limitée dans le temps, qui permet au souscripteur d’être copropriétaire d’une petite partie de l’entreprise alors que l’actionnariat est justement la gestion de ces actions. Pour ce qui est du FSIE, le prix de l’action est de 200 DA avec une bonification de 10 % que l’Etat “donne” au souscripteur. Le travailleur peut souscrire jusqu’à un plafond de 22 000 DA par an. Ces placements seront “rentabilisés” à moyen terme pour les travailleurs qui seront considérés comme un complément de la pension de retraite.
Cette épargne sera par la suite transformée en investissements au sein des PME dans lesquelles le fonds participera à hauteur de 50 % de leur capital, le reste des actifs est placé en obligations au Trésor ou en obligations dans les entreprises.
M. Tessa, précise, par ailleurs, que l’autre avantage concerne l’exonération fiscale prévue par la loi et qui touchera directement le produit du placement des actifs.
Cependant, les initiateurs du fonds en question soulignent que la mise en œuvre effective des investissement prendra du temps : “ Il faut constituer un portefeuille d’actifs d’origine extra-étatique,” dira M. Tessa.
Le modèle canadien fait école
L’idée de créer un Fonds de soutien à l’investissement pour l’emploi (FSIE) n’est pas une pure création algérienne. C’est un projet qui s’inspire profondément de l’expérience canadienne qui fait école dans ce domaine. “Avant de prendre la décision d’opérer un transfert d’expertise, nous nous sommes assurés de la faisabilité d’un tel projet à la lumière de l’expertise du Fonds de solidarité de la FTQ avec lequel nous avons des liens très solides,” déclare un responsable de l’UGTA. Pour Michel Dorion, expert canadien, l’expérience de la FTQ a induit des changements révolutionnaires. Il replacera la question, dans la brève intervention, dans le contexte de l’époque (années 80), caractérisé par une crise économique au Canada. M. Dorion dira dans ce sens que le chômage frôlait des taux importants, ce qui a induit une augmentation des taux d’intérêts (20%), les loyers étaient chèrement payés (ils ont triplé en quelques mois), une situation ayant induit une difficulté d’accès aux capitaux, les banques en particulier. Pour M. Dorion, ce dilemme provoquera des réflexions qui amèneront la puissante FTQ à l’option de sensibiliser les travailleurs à investir dans leur propre entreprise tout en faisant sécuriser le processus pour éviter la faillite de certaines entreprises. De 5 000 souscripteurs enregistrés durant la 1ère année de l’expérience, la FTQ est passée à quelque 270 000 actifs vendus 25 ans après, soit plus de 7,5 milliards de dollars canadiens d’actifs pour plus de 150 000 emplois créés, ce qui est bien évidemment énorme pour une initiative toute jeune.
“Le FSIE, utopie ou réalité ?”
Beaucoup parmi les présents à cette journée d’étude consacrée au FSIE se sont interrogés sur les chances effectives de le voir se concrétiser et aboutir aux objectifs qui sont les siens. Partant d’une réalité bien amère, plusieurs observateurs pensent que l’aboutissement d’un tel projet, au demeurant utile pour l’économie nationale, appelle la satisfaction d’un certain nombre de prérequis, parmi lesquels un marché financier et un système bancaire pertinents qui devront d’ailleurs constituer le véritable levier à l’initiative pour annoncer un processus de croissance crédible. C’est dans ce sens que l’expérience canadienne peut apporter un plus en mettant en place une vision et approche stratégiques englobant l’actionnariat, l’investissement et la formation économique et financière afin de constituer un réseau efficace de mobilisation et sensibilisation.
Les travailleurs vont-ils suivre ?
Si l’idée est très bonne à plusieurs égards, il reste que la projection du contexte canadien, où l’environnement et le climat des affaires est à un niveau très appréciable, est accompagnée d’une plus large marge d’erreur. La question est de savoir si les travailleurs vont suivre, eux qui font déjà face à une érosion inquiétante de leur pouvoir d’achat.
“Qu’on le veuille ou pas, lorsque le risque est intégré dans la décision et que sa gestion est confiée à des professionnels, les résultats seront prometteurs, si la décision épouse les canons administratifs, il n’y aura pas beaucoup à espérer”, fait remarquer un analyste. Encore faudrait-il disposer de démarcheurs crédibles pour ce projet et qui pourront convaincre le travailleur et lui inspirer confiance. C’est là toute la question !
A. Zeghni
