Patriotisme. Rabah Saâdane, le sélectionneur de l’équipe nationale de football nous fait la leçon à partir de Monrovia. Avec près de deux millions de dinars de salaire mensuel, des primes de match qu’il a pris le soin de négocier au double de celles des joueurs et de confortables frais de mission à chaque sortie, l’entraîneur national somme les Algériens de mesurer l’ampleur de leur prospérité et de leur bonheur, lui qui a eu donc à voir le Libéria et comparer les conditions de vie de ses citoyens avec les nôtres. On le paie pour construire une sélection performante, nous qualifier à la coupe d’Afrique d’où nous sommes absents deux fois de suite et, rêve encore moins accessible, à la Coupe du monde qu’on a oubliée depuis vingt-deux ans, Rabah Saâdane s’est découvert une autre vocation, celle de fouetter notre fibre patriotique qui consiste à accepter notre sort et même en jubiler puisque nous vivons quand même mieux que les habitants d’un pays répertorié comme l’un des plus pauvres du monde. Et il nous montre la voie du sacrifice en nous rassurant sur les conditions de séjour de l’équipe nationale. “On doit faire avec”, nous dit-il. Et comme “faire avec” dans sa bouche voudrait à peu près dire que la délégation algérienne ne sera pas dans un cinq étoiles, nous apprécions déjà le prix consenti par Saâdane et sa troupe pour aller défendre nos couleurs en terre africaine. Dans la foulée, nous rougissons de honte face à nos égoïsmes, nous qui restons confortablement blottis dans les bras de la patrie prospère et bienveillante. A mesurer la chance que nous avons de n’avoir aucun péril à affronter en avion spécial dans un pays où nous n’avons même pas d’ambassade. A remercier le ciel de nous avoir envoyé tous les Saâdane d’Algérie qui se sacrifient pour notre bonheur. Et surtout ne pas faire d’esclandre si, à Dieu ne plaise, notre équipe nationale se fait ridiculiser. En comprenant “ les conditions extrêmement difficiles qui ont entouré la rencontre.”
Patriotisme encore. Questionné par l’envoyé spécial de la Chaîne III sur l’importance de la rencontre que le journaliste explique ( aussi) par sa présence à Monrovia, Hamid Haddadj, le président de la FAF, rectifie fermement ; “ Mais j’ai été de tous les voyages de l’équipe nationale à l’étranger. En dépit des conditions de voyage et de séjour souvent difficiles, j’ai tenu à accompagner la sélection dans tous ses déplacements ! L’équipe nationale mérite tous les sacrifices.” Décidément, l’Algérie ferait beaucoup d’économies sans les sacrifices de certains. Il n’a pas de salaire mais des “indemnités” et des “jetons de présence”. Il peut rester à Alger où le boulot ne manque pas mais généreux dans l’effort et l’auto-octroi de frais de séjour, il voyage. Jusque dans les regroupements de la sélection. Elu pour sortir le foot de l’envasement, Hamid Haddadj est en train de “réussir” le mandat le plus catastrophique de l’histoire de ce sport. Une équipe de plus en D2 l’année passée, une de trop en D1 cette saison, un championnat qui débute en août pour s’arrêter en octobre, un entraîneur français qui n’a même pas le niveau pour diriger une équipe de village… mais il voyage, respectons son abnégation. Patriotisme enfin. Moh-Chérif Hannachi, le président de la JSK, a décidé de reverser la recette du dernier match de coupe d’Afrique de son club aux sinistrés de Ghardaïa. Rien à dire sur la générosité et l’élégance du geste, assez rare dans un sport plus habitué à prendre qu’à donner. Piégé par un journaliste zélé et certainement actionné à distance, M. Hannachi s’en est allé dans un discours de “démonstration” sur le “nationalisme des Kabyles”. L’image et le son sont repris en boucle et le patriotisme des Kabyles, décidément toujours suspect, a encore trouvé un sauveur inspiré par un commentateur qui ne fait pas encore la différence entre un tir non cadré et un tir superbe.
S.L.
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