L’art de perdre

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Comme s’il était question que les dirigeants, les joueurs et les supporters de l’Etoile du Sahel installent la délégation de la JSK dans les meilleures conditions possibles pour revenir avec la qualification à la finale de la coupe de la CAF, l’entraîneur Younès Ifticène avait donné le ton bien avant le voyage : “ Les Tunisiens ne nous aiment pas, ils feront tout pour nous déstabiliser.” Le ton, on l’aura constaté est celui des pleureuses anticipant sur un revers à venir et qu’il faut bien expliquer par quelque chose. Par-delà le caractère discourtois des propos de l’entraîneur qui, à ce niveau de responsabilité, n’avait pas le droit d’aller si loin, la déclaration de Younès Ifticène préparait les supporters de son club à la défaite plutôt qu’à la victoire. Et voilà que les Tunisiens “ nous aiment bien” finalement. La JSK a été correctement reçue, ses supporters qui ont joyeusement déambulé dans les rues de Sousse n’ont subi aucune agression et ils ont accédé normalement à la tribune qui leur a été réservée. Les Tunisiens étaient tellement occupés à préparer le match sur le terrain qu’ils n’ont eu le temps de déclarer à la JSK ni leur haine ni leur amour. D’égale si ce n’est de moindre valeur technique que son adversaire, l’équipe tunisienne savait sa tâche difficile : gagner là où la JSK n’avait besoin que d’un score de parité. Et elle l’a fait, plutôt avec le sénario idéal. Jusqu’à preuve du contraire, elle a marqué un but incontestable dès l’entame du match et la défense de la JSK, présentée comme son point fort et censée donc résister n’aura tenu qu’une dizaine de minutes. Il fallait alors revenir, au score et pour ce faire, inscrire un but, chose que la JSK ne sait plus faire en dehors de ses bases. “ Nous n’allons pas jouer la défense à outrance”, nous avait dit Ifticène. Il fallait vraiment le faire, avec trois milieux récupérateurs, zéro attaquant et des latéraux qui ont désespérément renoncé à leurs tendances offensives. “Nous craignons l’arbitrage”, avait dit Hannachi, le président de la JSK, mais à force de revenir si souvent, la rengaine devient assommante. Surtout qu’elle est apparemment sans solution et qu’elle ne se confirme pas de la manière la plus évidente. Commençons par l’expulsion de Tayeb Maroci, de loin le meilleur joueur de la JSK depuis quelques temps. En position de dernier défenseur, il a taclé l’attaquant tunisien par derrière. La loi est claire là dessus, elle sanctionne la faute par un carton rouge. On peut toujours dire que le petit milieu de terrain a joué le ballon, ce qui fait de la décision de l’arbitre une simple erreur d’appréciation et relativise donc sa responsabilité. On est déjà loin de l’arbitre “acheté” et du dirigeant de l’Entente de Sétif qui y aurait mis les moyens. Admirons cette franche naïveté du joueur : “Il est vrai que j’était en position de dernier défenseur…. mais l’arbitre aurait pu me donner un carton jaune !” Non, mon petit Tayeb, il ne peut pas y avoir de jaune. Ou c’est rouge ou rien du tout. Quant au penalty et l’expulsion de Rabie Meftah qui s’en est suivie, il est quand même troublant que tout le monde fasse semblant d’ignorer une chose essentielle : cela s’est passé à la quatre-vingt-douzième minute, c’est-à –dire à un moment où les carottes étaient déjà bel et bien cuites. Oh, bien sûr, ça pouvait confirmer la partialité de l’arbitre, mais sa décision, ferme, pouvait aussi être la preuve qu’il n’avait rien à se reprocher pour éprouver un quelconque besoin de compensation. La défaite était déjà consommée et, piètre consolation, nous y étions soigneusement préparés.

S.L.

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