Il s’agit de l’installation d’une station dite mono bloc qui traitera les eaux du barrage conçu pour l’irrigation. Les travaux sont menés à une grande cadence. La mise en service c’est-à-dire l’alimentation de la région avec cette eau traitée ne va pas tarder. Au sein de la population, c’est une inquiétude totale car tout le monde sait que des réseaux d’eaux usées se déversent dans cette étendue d’eau dont la station traitera environ 2 500 mètres cubes/jour.
Arguments
Pour en savoir plus sur la fiabilité de cette opération, nous avons contacté des responsables locaux. “C’est une solution d’urgence quand on sait que notre région souffre énormément. Les travaux de canalisation sont terminés. Le branchement à la conduite de Draâ Sachem ne va pas tarder. Il faut d’abord faire des essais, mais de notre côté, nous allons trouver un moyen de mener une sensibilisation auprès de nos concitoyens. Car, quotidiennement, nous recevons des appels de citoyens inquiets à ce sujet”, nous a répondu le maire à qui nous avons posé la question sur la qualité de l’eau qui arrivera de ce barrage. Et d’ajouter : “Avant que l’eau ne rentre dans les conduites, elle est analysée deux fois par jour sur place. Je crois qu’il n’y a aucun danger”. Une autre source nous a confirmé que ce projet n’a pas été décidé de manière aléatoire, mais il y a eu des études préalables. “Le directeur de l’hydraulique ne va pas tout de même accepter un tel projet s’il savait que cela toucherait à la santé publique. Avant même de faire l’analyse de cette eau, des spécialistes nous ont fait savoir que ce liquide peut être consommé juste après sa javellisation, c’est-à-dire elle n’a même pas besoin de traitement. En tout cas, nous suivons avec attention l’évolution et l’avancement de ce projet”, a continué cette source qui a préféré nous répondre sous couvert d’anonymat. Certes, ces responsables rassurent la population, mais parfois on entend des citoyens qui se posent la même question : “Comment allons-nous boire une eau que nous connaissons déjà polluée ?”. La première réaction nous est parvenue de l’Association Tarwa n’Draâ El Mizan dans une déclaration dont nous détenons une copie. “Ce qui semblait être rumeur s’avère finalement une inquiétante vérité. En effet, cette décision d’alimenter la ville de Draâ El Mizan en eau potable à partir de la retenue collinaire communément appelée “barrage” commence à se concrétiser sur le terrain puisque les travaux de canalisation sont visiblement en cours. Ce projet, et par rapport à tout ce que nous savons sur ce barrage, nous laisse à la fois incrédules et pantois”, telle est l’entame de ce document. Enchaînant dans cette inquiétude, les rédacteurs de cette missive estiment qu’ils se sentent dans l’obligation de réagir dans la légalité bien sûr mais de manière rigoureuse pour dénoncer ce projet dont l’inopportunité s’avère évidente à plus d’un titre. Cette réaction survient selon un membre de ladite association du fait qu’aucun avis n’est demandé aux citoyens qui sont les destinataires de cette eau. Pour étayer cette prise de position, les initiateurs de cette réaction explicitent la situation tout en donnant l’historique. “Pour ce que nous savons de l’histoire de ce barrage, c’est qu’après sa réalisation au profit de l’agriculture (notre région étant à vocation agricole), les autorités en ce temps-là, ont eu la fâcheuse idée d’y acheminer les eaux usées de notre ville et cela pendant près de trente années successives. A la fin des années 90, une partie du réseau a été déviée vers le projet de la station d’épuration, mais malheureusement presque tout l’assainissement du versant ouest de la commune ne l’a pas été et continue à ce jour à polluer inexorablement notre “future” eau potable. Pour plus de précisions, il faut savoir que de ce côté de la ville et qu’en plus des eaux usées domestiques, d’autres polluants et plus dangereux émanant d’un abattoir de poulets du côté de Boufhaïma ainsi que de plusieurs poulaillers aux alentours de ce barrage viennent s’y déverser”, continuent de préciser les auteurs du document en question. Tarwa n’Draâ El Mizan juge que ce barrage n’a rien de commun avec ses pairs, et qu’au contraire il reste très spécial compte tenu de sa panoplie de matières polluantes qu’il contient dans son processus d’envasement depuis plus de trente ans (chiffre avancé 70%). “Tout le monde sait qu’à partir de l’hôpital de Draâ El Mizan et pendant près de vingt ans, des déchets spécifiquement hospitaliers s’y sont déversés directement à travers son réseau d’assainissement qui est branché à celui de la ville, et qu’en plus, sa propre station d’épuration n’a jamais fonctionné. La suite et les conséquences sont donc faciles à deviner surtout si on lui rajoute la polyclinique,” ont-ils souligné cet état de fait.
Dénonciations et propositions
Les “inquiets” parlent aussi des métaux lourds qui viennent des laboratoires d’analyses médicales. Deux questions sont posées dans ce document. “Cet ouvrage étant réalisé exclusivement au profit de l’agriculture, pourquoi ne pas dépenser cet argent dans sa mise en service et donner la possibilité à nos fellahs d’exploiter pleinement leurs terres ?”, telle est la première question. Quant à la seconde, elle est explicitée de la sorte : “La population de Draâ El Mizan étant habituée depuis toujours à des restrictions en eau potable ne peut-elle vraiment pas résister encore une ou même deux années de plus et attendre l’arrivée du projet de Koudiat Asserdoune ?”. Alors, ils (les sceptiques par rapport à ce sujet) préfèrent attendre sans hésitation car des informations annoncent l’arrivée de l’eau de Bouira en novembre 2009. En conclusion, pour le bien-être de tous, leur choix est fait tout en rappelant à tout le monde qu’il “vaut mieux prévenir que guérir”, mais en prouvant que sous d’autres cieux une eau comme celle-ci (celle du barrage) sera traitée puis déversée dans la nature de peur d’abîmer son équilibre, tellement, respect et considération, lui sont voués. Enfin, écrivent-ils comme synthèse de cette réaction, “quant à nous, étant donné que nous serons les seuls consommateurs de ce breuvage en tant qu’habitants de Draâ El Mizan, alors nous sommes en droit de nous poser des questions et de nous inquiéter au plus haut point pour notre santé et celle de nos enfants ainsi que celle des plus fragiles parmi nous. Nous pensons qu’un débat serein et responsable s’impose autour de ce projet”. En définitive, jamais au grand jamais un tel projet n’a suscité tant d’interrogations. Les spécialistes en la matière sont interpellés afin de tirer au clair une telle situation empreinte d’inquiétude. Il y va de la santé publique…
Amar Ouramdane
