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Un village de toutes les contraintes

Traversé par deux oueds et des dizaines de ruisseaux, le site n’est plus ce qu’il était jadis, la verdure a pratiquement disparue et les forêts d’autrefois ont été systématiquement dévastées par les feux. Depuis, cette source de pâturage et de bois est aujourd’hui un désert. Pour résultat, ces dernières années, d’innombrables inondations se suivent chaque année, endommageant et causant des pertes jusqu’à constituer une véritable menace pour la vie des citoyens.

Taghzout est connu tout au long de la Guerre de Libération nationale comme étant un abri de retrait et une arrière base pour les moudjahidine. Chose qui n’était pas possible sans l’étroite adhésion des villageois. Des sacrifices énormes étaient consentis, des témoignages vivants en rappellent l’histoire. D’ailleurs, la fameuse bataille d’Ighil Oumerrou dans ce village, à elle seule, résume les traces d’une époque qui n’a pas épargné ce village. A présent, ni une stèle ou le moins que l’on peut dire, un quelconque intérêt notable pour un tel fait historique n’y a été enregistré.

Issu du découpage administratif de la commune-mère, Ahl Lksar, ce village n’a été électrifié qu’en octobre 1994 !

Un réseau routier d’un autre temps

La route reliant ce village à la commune Ouled Rached, prétendument, goudronnée il y a un peu plus de 5 ans demeure dans un état pitoyable. En effet, cette route ne relie que la sortie du village à la rentrée ouest du village voisin Ouled Abdallah, sans qu’elle ne soit reliée à l’autre route menant à Ahl Lksar, aussi goudronnée il y a de cela 4 ans.

Entre les deux routes, un tronçon d’un km traversant le village est abandonné tel qu’il a été hérité d’une autre époque. Un calvaire qui perdure depuis !

Le village est fréquemment coupé du monde extérieur. Pour cause, la pluie qui s’abat dans la région se déverse dans les deux oueds qui se remplissent et débordent, quant aux ruisseaux ils se déversent tout azimuts sur la route. «Bab El oued se répète», commente un citoyen qui rajoute : «devant ce fait, les villageois se voient réduits à un autre temps qu’on croyait révolu dans l’Algérie de 2008 !».

Les fonctionnaires et notamment les élèves attendent la grâce de dame nature pour regagner les bancs de l’école ou leur lieu de travail. Pire encore, devant l’inexistence d’une structure sanitaire, les cas d’urgence de maladies ou d’incidents font le comble dans de telles circonstances.

« Mille et un rapports, à tous les niveaux étaient adressés aux autorités il y a vingt ans, cependant, la situation reste inchangée », déclare avec un air nerveux D.Kaci un ex-directeur d’une école primaire. Les citoyens se demandent à titre «d’explication» à quelle entité administrative appartient le tronçon non revêtu qui traverse le village et déplorent également l’état des deux routes qui relient ce village aux deux communes susmentionnées.

Contamination et absence d’eau potable

Les travaux d’assainissement en cours, débutés il y a deux mois, compliquent davantage le déplacement des citoyens et portent préjudices à ce tronçon.

Les citoyens qu’on a rencontrés sur place nous ont fait état de leur mécontentement quant à ces travaux. Ces villageois s’approvisionnent en eau potable à partir des puits traditionnels qui datent pour quelques-uns d’entre eux, d’un siècle.

La seule source d’eau du village «Laânacer» capable de constituer à elle seule, une alternative à ces puits que l’on dit contaminés par les rejets d’une huilerie moderne qui dégage des eaux usées. Un état de fait qui a fait l’objet de réclamations par les habitants de ce village, craignant pour leur santé et leur environnement.

L’exode

Durant la dernière décennie, beaucoup de familles ont fui le village, cherchant bien sûr un abri sécurisé pour survivre. Lors de notre visite dans ce village, un citoyen s’est approché de nous pour nous confier : « Je suis parti, il y a un peu plus de dix ans, et je ne viens ici que pendant les occasions, du fait de ces conditions assez difficiles ». Le manque, voire l’inexistence des moyens de vie est à l’origine de toute cette logique du sauve-qui-peut! A cela, s’est ajouté le terrorisme qui a endeuillé ce village. En effet, une stèle construite au milieu du village, près d’une épicerie où s’est produit le drame, résume l’inoubliable nuit du 7 octobre 2007, du mois de ramadhan. Une nuit durant laquelle un groupe de terroristes a pris d’assaut cette épicerie où se trouvait un jeune policier qui s’est défendu avec son arme tuant un des terroristes. Un accrochage qui s’est soldé par son assassinat, et a coûté la vie à deux autres jeunes du village. Les cotisations des habitants ont permis de construire cette stèle dans les 40 jours suivants. Depuis, l’insécurité hante toujours les esprits. De par la géographie de ce village, et en l’absence de l’éclairage public, ces villageois s’interdisent tout déplacement nocturne même à quelques pas de chez eux pour se rendre soit chez un voisin ou un proche. Le détachement de la police communale, installé après le drame est jugé, par les habitants, insuffisant car on réclame le renforcement de son effectif.

Un avenir incertain !

Le quotidien des Taghzouti est morose comparativement aux villages avoisinants. La preuve est vérifiable justement dans une localité limitrophe de Taghzout qui est déjà dotée d’une route bitumée, de l’éclairage public, de l’eau potable…. « Au vu des promesses faites par des responsables, notre village sera un paradis sur terre, mais l’évidence est toute autre et témoigne de notre misère », c’est en ces termes que résume L.S, un vieil homme, la situation peu reluisante qu’endurent les villageois. Avant notre départ les citoyens nous ont transmis une copie d’une lettre suivie d’une pétition. « C’est la énième du genre », disent-ils. Une lettre qu’on espère transmettre dans les jours à venir au wali.

Fariche Rahim

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