Ils ont changé et nous ne le savons pas

Partager

On ne sait pas vraiment ce qui rend l’ancien chef de gouvernement, Ahmed Benbitour, si optimiste quant à la capacité “des algériens” à agir ensemble pour changer le régime. mais s’il le dit, c’est qu’il doit sûrement savoir que ses compatriotes ont renoncé depuis longtemps à s’arrêter sur les détails.

A commencer par celui des circonstances et des vraies raisons de sa démission-limogeage. L’opinion publique, particulièrement au niveau de son élite, n’a pas l’habitude de demander des précisions aux hommes qui quittent la responsabilité quand ces derniers prennent les devants par de surprenantes, mais toujours bienvenues reconversions. Il ne viendra donc à personne l’idée de demander à

M. Benbitour ou à quelqu’un d’autre ce qui a bien pu changer dans “le système” en dix ans pour qu’on accepte d’être au plus haut niveau de la responsabilité d’Etat en 2000 et de devenir un si enthousiaste opposant en 2008.

Et en parlant de 2008, c’est juste pour coller à l’actualité, parce que la “révolte” commence généralement à la sortie des audiences de remerciements. Bien sûr, Benbitour, Ghozali ou Hamrouche, pour ne citer que les anciens chefs de gouvernement, peuvent changer, seulement ils doivent nous le dire et ils ne l’ont pas fait jusque-là. Ils sont tellement sûrs que personne ne le leur rappellera qu’ils ne prennent plus de gants, poussant jusqu’à faire le procès de leur propre “période” sans avoir à se remettre personnellement en cause ! Ou alors à nous présenter les pires années de glaciations politiques et de disette économique comme une ère de gloire.

Tour à tour, ces personnalités se rappellent à notre bon souvenir et, dans la foulée, nous rappellent quelques épisodes de règne censés servir de leçons et bien sûr inspirer notre présent. Sid-Ahmed Ghozali veut une économie moderne mais pleure toujours Boumediène, Mouloud Hamrouche présente les pantalonnades devant le FIS comme autant d’opportunités de “changement” gâchées et Benbitour une “incompatibilité d’humeur” avec Bouteflika comme programme alternatif. Non, ils n’ont pas changé, ils veulent seulement… changer le système qui était quand même bien quand ils y étaient. Et qui deviendra meilleur s’il venait à les réintégrer. En attendant, ils fonctionnent “à la pige.” A l’occasion d’élections, de décisions politiques majeures ou de colères sociales auxquelles ils sont totalement étrangers. Ils font de la politique en oubliant de créer des partis, ne se présentent pas “contre le candidat de l’armée” tout en oubliant de demander à l’armée de ne pas avoir de candidat et “se prononcent” cyniquement sur la contestation, faute de la susciter.

Et ils ne manquent pas de prétention avec ça, puisque M. Benbitour nous apprend même qu’il est en train de “travailler à l’élaboration de nouveaux instruments pour la réalisation du changement du régime” ! Ils ont sûrement changé, les ex du régime, seulement ils ne nous le disent toujours pas.

S. L

laouarisliman@gmail.com

Partager