»Ce travail est pour Le public qui mérite qu’on le respecte »

Partager

La Dépêche de Kabylie : Alors Lakhdar, tu viens de triompher pour ton premier concert en solo, on peut dire que c’est encourageant ?

Lakhdar Sennane : Content, très content, je suis heureux parce que le public est satisfait. Je suis heureux mais je sais aussi que tout n’a pas abouti, qu’il reste encore du travail à faire. C’est un bon début qui m’a demandé beaucoup d’efforts. Des efforts bien récompensés et cela me confirme bien que le public sait reconnaître le travail bien fait, c’est encourageant. Je remercie beaucoup ceux qui m’ont soutenu dans cette aventure.

Je pense que cela doit être éprouvant d’être son propre organisateur pour ce concert de l’Espace Reuilly : c’est une prouesse ?

C’est vrai, quand on a confiance en soi et que les gens reconnaissent ton sérieux, tu es capable de prendre le risque et d’espérer un bon résultat.

Cela fait déjà un bon moment que je me préparais progressivement. J’ai  » bâti  » un parcours et réalisé un bon travail pour l’offrir au public qui mérite qu’on le respecte en lui donnant plus de considération.

On peut dire que le spectacle d’aujourd’hui est la présentation publique de ton dernier album qui vient compléter ta riche production artistique ?

Oui, c’est un spectacle de promotion pour le nouvel album. Je me suis donné le temps pour parfaire mon travail afin de présenter un produit de qualité pendant que je préparai, dans la foulée ce concert que je voulais exceptionnel et dans des conditions professionnelles.

Le public présent n’a pas été déçu en écoutant le cd et en assistant au spectacle. Les spectateurs ont été très à l’écoute et sont repartis avec pleins de sonorités et de mélodies. C’est un événement qui va, j’espère, marquer leur mémoire…..

En parlant de mémoire, on retrouve dans ton album, entre autres, une chanson Adrar-iw qui nous replonge dans nos racines et qui nous emmène dans les montagnes de Kabylie. Réclamée par le public, tu l’as interprétée à deux reprises.

La chanson Adrar-iw a eu beaucoup de succès, c’est d’ailleurs le titre de mon album. J’ai accordé la même attention à toutes les chansons, j’ai eu la même exigence pour l’ensemble du travail. C’est vrai que Adrar-iw touche plus ce public qui vit loin de ses montagnes.

Je le fais voyager par le texte et la mélodie pour le rapprocher, très modestement, de son histoire et de sa culture. Beaucoup m’ont dit que la chanson Adrar-iw  » d adrar « .

Quelle appréciation porte-tu sur l’évolution de ta carrière après plus d’une dizaine d’années de travail ?

Je reste persuadé qu’on récolte toujours ce qu’on a semé. Pour ma part, j’ai énormément d’espoir et en général, moi je crois en la chanson kabyle. Je souhaite que chacun d’entre nous s’investisse et fasse son autocritique avant d’être la cible de la critique des autres.

Je suis exigeant envers moi-même et je fais souvent un retour sur bande pour analyser mon parcours et me remettre en cause autant de fois que cela s’impose. Quand on est artiste, quel que soit son domaine, on doit donner l’exemple et être le plus sincère et le plus vrai possible.

Quelle relation as-tu aujourd’hui avec ta Kabylie, toi qui vis justement loin de ton pays. Et comment se nourrit ton inspiration malgré la distance ?

La relation que j’ai avec la Kabylie n’est pas quantifiable. Je porte profondément en moi le pays quand je chante, que ce soit pour la Kabylie en particulier ou pour l’Algérie en général. Bien sûr la Kabylie est pour moi ma terre nourricière mais je reste attaché à chaque parcelle du pays. Bien entendu, il y a des différences d’habitudes et de traditions d’une région à une autre. Il y a des choses que je réfute et que je combats pour préserver l’authenticité de nos racines et de nos sources limpides qui étanchent notre soif de savoir, de respect, de liberté et de démocratie.

A quoi aspire Lakhdar dans l’avenir, en clair tu attends quoi de la vie ?

D’abord de vivre dignement et de garder ma force pour promouvoir du mieux que je peux la chanson kabyle et la culture de mon pays en général.

C’est tous ensemble qu’on pourra arriver à réaliser nos rêves et ceux des militants qui nous ont précédé dans ce noble combat. J’aspire à ce qu’on vive en paix, dans le bonheur et dans l’amour sincère pour l’autre. Il faut vivre dans son époque et s’inscrire dans la civilisation, mais il est important d’être visible et de ne pas perdre notre  » couleur « . Il faut être à la page sans se renier ni se diluer dans l’espace. On peut prétendre au succès et à la notoriété mais il faut rester modeste et garder les pieds sur terre : c’est le rêve de tout artiste. Il faut avoir de l’ambition sans être prétentieux.

Tu vis comme immigré loin de ton pays, de ton environnement culturel, ça doit être encore plus difficile pour un artiste de garder son originalité et de continuer à porter sa culture et à la transmettre fidèlement ?

Moi, quand je fais un spectacle, je retrouve l’atmosphère de ma Kabylie.

Je suis là en symbiose avec mon public, je retrouve ici des femmes, des hommes, des personnes de tous âges, des gens de chez nous tout comme aussi des étrangers à notre culture. Au cœur de Paris, je me sentais comme si j’étais en Kabylie, fier de porter ma culture et de donner le meilleur car je crois en ce que je chante, je le porte en moi et l’envie de le transmettre est toujours plus forte. Il y a une grande présence kabyle en France et il appartient à chacun de protéger son originalité.

Et dans ce sens, si je peux me permettre, je voudrais lancer un appel à tous les Kabyles en général et aux artistes en particulier pour leur demander de tenir bon, de ne pas se laisser berner et de ne pas céder aux chants des sirènes.

Propos recueillis à Paris par Tahar Yami

Adrar-iw (Ma montagne) production novembre 2008

France : Production à compte d’auteur- Distribution Akfadou Production

Algérie : Edition Taourirt (Tizi-Ouzou)

Partager