Le secret ? – La mise en scène qui rapproche du théâtre et de l’émerveillement. Cette rencontre entre Kabyles et Catalans est en fait aussi un mariage entre Thalie et Erato. » Dans un spectacle poétique, il y a un travail préalable et sa présentation n’est pas un simple récital puisqu’il se déroule sur un petit scénario et même des jeux de lumière. Tout cela sans oublier l’animatrice qui dirige le spectacle. On peut dire que le spectacle poétique est intermédiaire entre le théâtre et le récital », nous dit Albert, qui a signé ce spectacle. Les Catalans en sont à leur sixième édition de cette tradition annuelle d’échange avec d’autres cultures. La participation de la célèbre poétesse kabyle Hadjira Oulbachir et de l’animatrice de la radio Chaîne II, Zira ont donné un aspect fortement exubérant à cette joute. Intitulée » Voix parallèles « , le public a assisté à des dialogues entre poètes kabyles et catalans, chacun s’exprimant dans sa langue. Symboliquement, les rôles ont été intervertis, une fois, entre Zira et Laia Noguera, les deux principales vedettes de cette joute. Un petit chassé-croisé qui accentue l’interpénétration des échanges. » Ce spectacle a nécessité beaucoup de préparation. J’ai beaucoup appris avec Albert qui s’est occupé de son organisation « , nous dit Zira. » On devrait penser à vulgariser le spectacle de poésie qui est très différent du récital que l’on voit chez nous « , ajoute la célébrissime animatrice de la Chaine II, auteur d’un époustouflant jeu de scène.
De plus, et pour ne rien laisser au hasard, les Editions Tira de Brahim Tazaghart, également participant en tant que poète, ont édité le recueil des poèmes kabyles et catalans avec leurs traductions dans les deux langues, en collaboration avec les éditions catalanes Réma.
L’éditeur bougiote, qui tente de sortir des chemins battus, est lui aussi attentif à ce » transfert de technologie » qui réconcilie la poésie avec son public en dépassant le cadre du récital, souvent un verbiage raseur qui meuble les entractes des galas de la chanson.
Par delà la prouesse technico-esthétique, la philosophie de l’échange est aussi là. » En ce qui me concerne, je trouve aberrant pour une Catalane de ne pas connaître la Kabylie alors qu’elle n’est qu’à une heure de vol. Quoi qu’il en soit, cette opportunité vient de se présenter et nous l’avons saisie. Bon, c’est vrai qu’actuellement, il y a beaucoup de Kabyles qui vivent à Barcelone et, donc, leur culture ne nous est pas totalement inconnue. De plus, même du point de vue historique, nos peuples ont déjà eu l’occasion de se connaître », nous dit Laia Noguera- i- Clofent. La poétesse catalane est bien entendu rêveuse : » Ma conviction est que la poésie peut changer le monde en éveillant les consciences des peuples ». Zira se dit » ébahie de constater les similitudes entre la poésie kabyle et catalane. » D’autant plus que les traductions de Salem Zénia ont été une parfaite réussite. » En les lisant, j’ai eu du mal à croire que c’étaient des traductions tellement j’ai eu l’impression que c’étaient des textes kabyles originaux. En dehors de ce spectacle, j’aimerais terminer par dire que les Catalans traitent tous les thèmes de la vie alors que la poésie kabyle actuelle ne cesse de tourner autour du hemlaghts- thamliyi « , estime Zira.
Même constat pratiquement chez Hadjira Oulbachir: » J’ai déjà fait des spectacles poétiques il y a quelques années dans certaines grandes villes de France comme Marseille et Toulouse. L’objectif d’une manifestation de ce genre est de transmettre un message de manière esthétique. L’esthétique, c’est quelque chose de très important et cela manque cruellement en Algérie. Pour ce qui concerne cette rencontre kabylo-catalane, je ne vous cacherai pas que j’ai constaté des similitudes incroyables entre nos deux cultures au point où j’ai vu ma Kabylie à travers la poésie catalane traduite dans notre langue. «
Après Akbou et Béjaïa, le spectacle devait être repris, hier soir, à la maison de la culture Mouloud-Mammeri. Trop tard malheureusement pour recommander à nos lecteurs de Tizi-Ouzou ce moment captivant et roboratif.
M. Bessa/ T. Amirouchen.