D’autres soucis pour les S.D.F

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l’aid c’est des moments de bonheur que ne perçoivent pas quelques franges de la société que, bien au contraire, l’événement plonge dans une mélancolie encore plus profonde. C’est le cas en l’occurrence de toutes ces personnes âgées jugées encombrantes par leurs progénitures et que l’on va “déposer’’ dans des centres d’accueil C’est le cas aussi de tous ces Sans Domiciles Fixes dont le seul souci est de bien se couvrir sous le préau (s’ils arrivent à en trouver un) le moins exposé à la gelée assassine. Ces S.D.F ont-ils seulement conscience du bruit qui se fait autour d’eux. La question est d’une stupidité inouïe dès lors que l’on se retrouve en face d’un sans domicile fixe comme Lakhdar. Ce dernier, nous l’avons rencontré pour la première fois, en hiver 2007. Il est toujours dans la même situation d’il y a une année. Il est enroulé dans une couverture pour faire face, tant bien que mal, aux zéros degrés Celsius nocturnes. Mais la couverture ne résiste pas tant que ça aux morsures hivernales. Alors, Lakhdar va et vient d’un bout à l’autre des arcades du centre ville-d’Ain Bessem. C’est toujours là qu’il passe la nuit. Les arcades le protègent un peu de la pluie quand elle n’est pas accompagnée de vents violents. Garincha, c’est ainsi que l’on surnomme Lakhdar, ne parle pas. Il émet des sons. Il ne faut pas croire qu’il a perdu l’usage de la parole. Non, il n’a seulement plus rien à dire à une société qui lui a tourné le dos. Franchement, n’aurions nous pas l’air débile, si on l’interrogeait à propos de l’idée qu’il se fait de l’Aïd ? Rien à dire, sinon constater, non sans un sentiment de culpabilité, la détresse de l’homme. On est à un milliard de kilomètres de l’idée même de l’aïd. Pendant que l’on redécouvrait avec impuissance le drame de Lakhdar, quelques citoyens calfeutrés dans leurs kachabias et parka pressent le pas pour vite aller retrouver âtres, chauffages, radiateurs et, fondamentalement, la chaleur familiale. Nous pensons aussi à cette femme d’une quarantaine d’année qui, qu’il neige, qu’il vente, meublait les nuits de la ville. Nous la cherchons et nous ne la retrouvons pas. Tant mieux ! Peut être qu’une âme charitable l’avait prise en charge. Peut être aussi que la direction de l’action sociale avait fini par réagir, n’empêche que là où elle est, le bonheur de l’aid n’y est pas forcément. Cette détresse existe hélas aussi dans le chef-lieu de la wilaya. Nous l’avons croisé sur les marches d’escaliers reliant la gare routière au centre-ville, une mère et ses quatre enfants en bas âge y passent toute la journée, avant d’aller passer la nuit on ne sait où.

La femme, nous dit-on, est divorcée. Encore une victime du code de la famille. Elle se retrouve, dans la rue, avec un bébé dans les bras et trois enfants accrochés à son haïk de fortune derrière lequel nous devinons un visage fatigué, désespéré pour avoir subi très tôt la loi du code de l’infamie. Elle, l’anonyme, tourne le dos aux passants qui ne manquent pas d’émettre leur impuissant « meskint (la pauvre) ! ». Elle aussi est à un milliard de kilomètres de l’aïd.

T. Ould Amar

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