Une vision novatrice pour juguler la récession

Partager

n Par Amar Naït Messaoud

L’un des indices de la dégradation de la forêt algérienne est que, depuis le début des années 90, les pouvoirs publics trouvent du mal à intégrer la production forestière dans les grands agrégats de l’économie nationale. Hormis les volumes de liège, réduits à la portion congrue, et les coupes résiduelles de bois (appliquées généralement pour l’assainissement des forêts incendiées), la production forestière a d’immenses difficultés à occuper le créneau supposé être le sien dans le paysage économique national.

Les importations de bois à partir de la Scandinavie et des pays du Sud –Est asiatique (Malaisie, Indonésie) sont étalées au grand jour chez les marchands de meubles de toutes les villes d’Algérie. Le hêtre, le teck et l’acajou d’importation concurrencent le pin d’Alep, le frêne et le chêne vert d’Algérie.

Cependant, la compétition n’est pas tellement déloyale puisque les volumes produits par nos forêts se réduisent annuellement en peau de chagrin. Cet amer constat ne se limite malheureusement pas au bois.

Même la filière du liège, où l’Algérie était naguère un leader mondial, est touchée par une terrible régression au cours des deux dernières décennies. En réalité, c’est l’espace forestier- en tant qu’entité biologique, couverture du sol et source de production économique- qui est menacé dans son intégrité.

Le patrimoine forestier national est estimé à quelque 7 millions d’hectares, comprenant les forêts, au sens technique et économique du terme, les maquis et la nappe alfatière. Les forêts proprement dites, les maquis et les broussailles occupent une superficie de 4,1 millions d’hectares, soit 11% de la superficie du nord du pays.

Les efforts du gouvernement en matière d’ extension de cette couverture forestière est de la ramener à un taux minimum de 25% de la superficie de la région nord du pays. Ce patrimoine subit les aléas naturels liés à la géographie et à la climatologie du milieu dans lesquelles il évolue et des aléas anthropiques liés à l’activité des populations locales.

Les facteurs naturels qui conditionnent le milieu forestier sont essentiellement : le climat semi-aride qui domine la majorité des massifs situés dans les monts de l’Atlas tellien et qui se caractérise par une période sèche très longue dans l’année et une pluviométrie moyenne allant de 400 à 500 mm/an, la forte pente qui gêne le dispositif d’intervention dans la lutte contre les incendies et la prédominance des essences résineuses (Pin d’Alep) facilement inflammables. Même si sur la région côtière et sur les hautes altitudes la pluviométrie est plus importante (plus de 800 mm sur les sommets de Jijel, Béjaïa et le Djurdjura), les facteurs favorisant le déclenchement des feux de forêt ne manquent pas : forte présence de sous-bois, activité humaine intense et proximité des routes à partir desquelles beaucoup de foyers d’incendies sont signalés.

En outre, la forte présence humaine dans la partie septentrionale du pays est à l’origine d’autres formes de dégradations (défrichements à but agricole ou de construction illégale,…).

L’homme, l’écosystème et leurs complexes interactions

Les facteurs sociaux et humains qui concourent à la dégradation de la forêt sont, entre autres : la forte présence humaine autour et à l’intérieur des massifs forestiers, la pauvreté et le chômage qui conduisent les habitants à commettre des délits forestiers pour pouvoir subvenir à leurs besoins primaires (coupe et vente illicites de bois, fabrication de charbon pour les rôtisseries à partir du chêne vert, défrichements pour l’extension des parcelles de céréales, surpâturage,…), la présence des carrières d’extraction de pierres et des stations de concassage à l’intérieur des massifs, les constructions illicites d’immeubles à usage d’habitation ou d’élevage, les incendies liés aux activités agricoles, aux actes criminels et à la lutte anti-terroriste,…

Ces différents facteurs, dans une combinaison qui se retrouve dans la majorité des régions du pays, ont fragilisé davantage l’écosystème forestier et réduit l’étendue du couvert végétal. Des niches écologiques propres au singe magot et à certains rapaces de montagne ont été fortement perturbées. Des sources dans lesquelles s’abreuvaient des perdrix, des lapins de garenne et d’autres animaux se sont taries au point de remettre en cause la vie faunistique en forêt. Cependant, l’interdiction de la chasse et l’exode des populations rurales depuis l’avènement de l’insécurité dans l’arrière-pays montagneux ont conduit à la prolifération du sanglier qui a fini par investir la périphérie des villages et les zones sub-urbaines. À la périphérie immédiate de certains massifs (à l’image du Parc national du Djurdjura), des espèces ont pullulé par le moyen de l’hybridation.

C’est le cas du chacal qui, après copulation avec le chien, a donné vie à une espèce de chien sauvage qui s’est attaqué ces dernières années aux habitants des bourgades et villages attenants à la forêt. Le rôle de la police forestière échu aux Conservations des forêts des wilayas a vu sa marge de manœuvre réduite au cours de ces dernières années pour plusieurs raisons : d’abord, la loi qui régit le secteur des forêts (loi 84-12) est dépassée par les événements au vu de son caractère non dissuasif. Les amendes et les sanctions qui y sont prévues contre les délinquants sont trop faibles par rapport à la nature des dégâts auxquels elles s’appliquent.

De ce fait, la récidive ou la consécration du fait accompli sont souvent la règle. Ensuite, cette mission a été longtemps entravée par la situation sécuritaire. Après la survenue des premiers actes terroristes dans les wilayas du Nord, les agents forestiers ont été désarmés au même titre que les citoyens. A cela s’ajoute la détérioration de certaines infrastructures comme les maisons forestières situées à l’intérieur même des massifs et qui hébergeaient les gardes forestiers chargés de la protection des massifs contre toutes sortes de délits.

La régression par les incendies

Le premier facteur de régression de l’espace forestier est sans conteste le feu. Que ce soit en Grèce, en Turquie, en France méridionale, en Espagne, au Portugal, au Maroc ou en Italie, le couvert végétal perd une forte proportion d’humidité à partir de la fin du mois de mai suite à l’entrée en vigueur de la saison sèche qui se prolonge parfois jusqu’au début octobre. Cette situation a fait que l’écosystème forestier du pourtour de la Méditerranée est d’une fragilité exceptionnelle. Les changements climatiques par lesquels sont chamboulées les saisons ont aggravé le phénomène des incendies de forêt. Souvenons-nous de l’année dernière où les incendies ayant affecté le patrimoine sylvicole du Portugal pendant plusieurs semaines ont nécessité l’intervention de plusieurs pays européens. Les peuplements de chêne-liège, l’une des premières rentes du pays (premier exportateur du monde de cette matière première), ont subi d’énormes dégâts y compris sur la façade atlantique.

Pour avoir une idée de l’ampleur des superficies incendiées chaque années, nous pouvons rappeler par exemple les chiffres issus du bilan de l’année 2006 qui fait ressortir une superficie incendiée de 16 916 hectares. Comparé à la moyenne des superficies incendiées depuis l’Indépendance, soit 30 000 ha par an, ce chiffre paraît “tolérable’’. Signalons que la moyenne des superficies perdues au cours des dix dernières années suite aux incendies est évaluée à 25 000 ha/an sur l’ensemble du territoire national.

Ce phénomène des incendies à répétition a été également aggravé par la décennie d’insécurité et de lutte antiterroriste. La perte du couvert végétal due aux incendies de forêt pèse de plus en plus sur l’écosystème algérien. Le pays perd dangereusement chaque année une grande partie du couvert végétal déjà bien maigre qui ‘’s’accroche’’ sur sa partie nord. Même si les conséquences du déboisement se manifestent à moyen et à long terme, les prémices sont déjà là : érosion des sols, y compris les piémonts et les plaines céréalières, envasement des barrages et retenues hydriques, diminution du capital cynégétique et du gisement ligneux, disparition de certaines sources d’eau et reflux de l’activité touristique.

Les incendies de forêts constituent des risques majeurs pendant leur déroulement dans le sens où les hameaux et villages sont directement menacés par les flammes. Le drame qui frappa en 1994 la commune de Toudja, dans la wilaya de Béjaïa, est toujours présent dans les mémoires : une dizaine de morts et des centaines d’hectares d’oliveraies anéanties en l’espace d’une semaine.

La fin et les moyens

Les Conservations des forêts préparent le Plan de lutte contre les incendies de forêts, appelé ‘’Plan Feu’’, à partir du mois de mars de chaque année. Le document qui en est issu est adressé à plusieurs institutions et structures (wilaya, Protection civile, APC, daïras, Sonelgaz, Travaux Publics,…) pour que chacune d’entre-elles initie les actions de prévention dépendant de son secteur selon les servitudes qui lui reviennent : débroussaillement au-dessous des lignes électriques et aux abords immédiats des routes avant le 30 juin de chaque année,…Des Comités de coordination de commune, de daïra et de wilaya (COC, COC, COW) sont ensuite installés pour assurer la coordination des opérations de lutte contre les incendies.

Des actions de sensibilisation sont initiées à l’endroit des populations, des écoliers et des institutions à l’occasion de la Journée nationale de l’arbre (25 octobre) et de la Journée mondiale de l’arbre (21 mars), ainsi qu’à l’occasion de la Journée mondiale de la lutte contre la désertification (le 17 juin). Au cours de la période estivale, l’administration des forêts recrute des ouvriers temporaires pour renforcer la lutte anti-incendie.

Les moyens matériels mobilisés pendant la campagne de lutte contre les incendies ont beaucoup évolué au cours de ces trois dernières années. Alors qu’auparavant les wilayas étaient dotées, dans le meilleur des cas, d’un camions-citerne, de quelques véhicules 4X4 et de quelques lots d’outillage traditionnel (pelles, pioches, haches, serpes,…) qu’elles affectent aux circonscriptions, ces moyens ont été revus à la hausse et diversifiés. La lutte de proximité mobilise aujourd’hui des véhicules 4X4 munis de citernes incorporées avec la benne. Une quinzaine de wilayas ont été déclarées prioritaires en matière de lutte contre les incendies et leurs circonscriptions ont été pratiquement toutes dotées de véhicules 4X4 avec citerne.

Lors des grands incendies dont l’ampleur dépasse les capacités d’intervention d’une wilaya, comme ceux de1994 qui ont dévoré des massifs entiers de l’Est jusqu’à l’ouest du pays, le wali déclenche le plan ORSEC qui peut faire intervenir plusieurs wilayas limitrophes. Ces wilayas mobilisent principalement les unités de la Protection civile qui sont sous leur coupe.

Sur la majorité des parcelles incendiées au cours des années passées, une forte régénération a été enregistrée. Les programmes sectoriels et les actions de développement rural ont consacré une partie de leurs budgets aux travaux sylvicoles de façon à bien conduire la croissance des peuplements régénérés. Des actions de repeuplement sur les parcelles non régénérés sont envisagées dans les programmes de la Direction générale des forêts. Ainsi, le Plan national de reboisement (qui fait partie du PNDA piloté par le ministère de l’Agriculture) est conçu pour reboiser plus de

1 200 000 ha d’ici à la fin de la décennie en cours. Ces programmes, pris en charge par les différentes Conservations du pays, voient leur mise en œuvre assurée dans le cadre des PSD, du Projet d’emploi rural (touchant six wilayas) et du programme Hauts Plateaux. Le Plan national de reboisement est aussi renforcé par des actions d’accompagnement. Ce sont toutes les opérations d’installation d’infrastructures permettant une prévention plus efficace et une intervention plus performante (ouverture et aménagement de pistes forestières, construction de postes de vigie et de maisons forestières, aménagement de tranchées pare-feu, captage de sources).

En outre, les Projets de proximité de développement rural (PPDR) et le Projet d’emploi rural sont destinés aussi à améliorer le niveau de vie des populations de l’arrière-pays montagneux et steppique de façon à préserver les espaces forestiers des dégradations directement liées à la pauvreté et au chômage.

Le destin d’une matière précieuse : le liège

Les séminaires et autres journées d’études organisés depuis les quatre dernières années par les responsables de la politique du développement du patrimoine subéricole conjointement avec les instituts de recherche et les bureaux d’études dénotent un regain d’intérêt pour une matière première issue du secteur de l’agriculture et dont le processus de transformation touche au secteur de l’industrie. Les programmes de plantation en chêne-liège touchent actuellement plusieurs wilayas du Nord où ce patrimoine existe déjà naturellement depuis des siècles. Repeuplement des espaces dégradés par les incendies ou d’autres facteurs, extension des boisements en dehors des zones traditionnellement connues et exploitation optimale des produits sur pied, telles semblent être les priorités de l’administration chargée de ce secteur, à savoir la direction générale des forêts, sous tutelle du ministère de l’Agriculture.

Une des ressources qui faisait naguère la fierté de l’Algérie et qui faisait partie des produits exportés vers l’étranger, avec l’orange et le vin, le liège constituait, pendant les années 50 et 60, un créneau des plus prometteurs. La régression qui le frappera graduellement à partir des années 80 n’était pas due uniquement à un contexte spécifique touchant tous les produits agricoles et forestiers, mais aussi à une substitution d’une rente naturelle supposée pérenne par une rente, pétrolière, non renouvelable dont l’essor commercial à l’échelle de la planète est si florissant qu’il a fini par reléguer à l’arrière-plan les anciens produits d’exportation.

Pourtant, le patrimoine subéricole de l’Algérie est l’un des plus importants de l’aire écologique méditerranéenne. Sur l’ensemble de la superficie forestière (7 millions d’hectares entre forêts, maquis et alfa), le chêne-liège occupe une superficie de 460 000 hectares. Notre pays était pendant la colonisation le premier producteur de liège au niveau mondial. Les autres pays producteurs sont principalement le Portugal, l’Espagne, l’Italie, le Maroc, la Tunisie et la France. Actuellement, l’Algérie occupe le troisième rang (7% de la production mondiale) après le Portugal (57%) et l’Espagne (23%). Le Portugal possède un patrimoine de liège évalué à 700 000 ha

(100 000 ha de plus par rapport aux années cinquante), l’Espagne en possède 450 000 ha et le Maroc 350 000 ha.

Le chêne-liège (nom scientifique : Quercus suber) est un arbre de la famille des fagacées spécifique au bassin occidental de la Méditerranée et à la côte atlantique du Portugal. En Algérie, il peuple les forêts du la région côtière de l’Ouest (Tlemcen) jusqu’à l’Est (Annaba) et fait parfois des incursions jusqu’à la limite des Hauts Plateaux dans les micro-zones humides non calcaires (comme sur les monts du Titteri de la wilaya de Bouira où il se mélange avec le chêne vert). Dans les étages bioclimatiques humides, le chêne-liège présente une constitution robuste et prend une taille allant de 10 à 14 mètres et un diamètre de 0,5 à 0,8 mètre. Sa longévité varie de 150 à 200 ans, mais sa production maximum est atteinte aux environs de 100 ans. La particularité de cet arbre est sans aucun doute sa formidable capacité de régénération par drageonnage. C’est ce qui a permis sa survie aux ravageurs incendies qui l’ont affecté depuis les insurrections du XIXe siècle jusqu’à la guerre de Libération et la période de lutte antiterroriste. Ce qui fait en même temps sa vulnérabilité c’est incontestablement le développement du sous-bois qui accompagne les peuplements de chêne-liège (calycotome, lavande, globulaire, genêt, ronce, lentisque, ciste,…) et qui constituent un puissant combustible. Ajoutons à cela la forte densité des peuplements (parfois jusqu’à 600 sujets/ha) lorsque des travaux sylvicoles n’y sont pas effectués après la régénération. Une densité excessive génère une concurrence dommageable aux arbres, gêne les travaux de récolte de liège et empêche la lumière de pénétrer profondément dans les bois. Or, le chêne-liège est réputé comme étant une espèce de lumière, d’humidité et de chaleur. Tout en acceptant des altitudes forts variées (de 0 à 1300 mètres), il exige un minimum de 550 à 600 mm de pluie par an et une humidité atmosphérique de 60% au moins pendant les mois de la saison sèche (de juin à septembre). Le sol sur lequel s’élève le chêne-liège ne doit être ni calcaire ni argileux. Il prospère sur des terrains profonds et particulièrement sur des sols siliceux et sableux. Même si cet arbre régénère par semis (glands), ce mode demeure fortement aléatoire en raison de la densité du sous-bois qui risque d’étouffer les jeunes plantules, des longues périodes de sécheresse et des pâturages. La voie la plus favorable à la reconstitution naturelle des forêts de chêne-liège est la régénération par rejet ou drageons. Non seulement le nombre de brins est important- ce qui constitue en même temps une charge de travail en raison des éclaircies que cela entraîne-, mais leur croissance est beaucoup plus rapide que les brins issus des semis. Parallèlement à la reconstitution naturelle, des actions de repeuplement ont été initiées au cours de ces dernières années par la Direction générale des forêts à travers plusieurs wilayas. Pour pourvoir aux besoins de cette opération, une importante pépinière est créée à Guerbès, dans la wilaya de Skikda. Celle-ci reçoit la matière première (les glands) des différentes wilayas du territoire national possédant des peuplements de chêne-liège (Tizi Ouzou, Béjaïa, Bouira, Tlemcen, Annaba, Skikda, Jijel,…).

Un passé à redorer ?

Parmi les matières premières dont dispose l’Algérie, le liège est sans doute le plus fragile vu le contexte écologique, social et économique dans lequel il évolue. Depuis l’Indépendance, la courbe de la production de liège a subi un mouvement descendant au gré des possibilités d’exploitation, elles-mêmes dépendant de la disponibilité de la main-d’œuvre qualifiée, de l’état des peuplements et des potentialités des entreprises de transformations. Les réserves actuelles sur le terrain sont estimées à 300 000 quintaux/an, alors que les chiffres de l’exploitation effective sont très loin de ce potentiel. A titre d’exemple, seuls 18 543 quintaux ont été récoltés en 2005 ; de ce volume, ont été commercialisés 2915 quintaux, le reste étant resté en stock. En 2006, le volume récolté est de 19 870 quintaux et une grande partie reste à ce jour en stock. La production de 2004 était évaluée à 80 000 quintaux, alors qu’elle était de 400 000 quintaux en…1940. Il est vrai que la régression de la production a touché l’ensemble du Bassin méditerranéen puisque celle-ci s’est stabilisée au cours des dernières années autour de 350 000qx. Le marché mondial de la production de liège représente 1,5 milliard de dollars dont les deux tiers reviennent à l’industrie des bouchons. Le reste étant constitué de matériaux d’isolation acoustique et thermique, de carrelage (revêtements muraux et décoratifs) et de pièces accessoires de certains dispositifs mécaniques. On estime le pourcentage du liège algérien éligible à l’exportation- du point de vue de la qualité- à 50% du total de la production.

La faible production de liège au cours de ces dernières années en Algérie est essentiellement due à la régression du couvert subéricole (incendies répétés sur les mêmes parcelles, défrichements délictueux, vieillissements de certains peuplements, attaques parasitaires non traitées, retard dans la reconstitution des forêts par les reboisements,…), à une situation instable de la main-d’œuvre qualifiée (saisonniers qui s’adonnent à d’autres emplois informels au cours de l’année) et à la situation sécuritaire pendant la décennie 1994-1004.

Un autre problème semble sérieusement peser sur les produits récoltés et parfois même sur le produit sur pied. Ce sont les réseaux de vol constitués en mafia à la faveur du climat d’insécurité dans certains massifs forestiers. Cela est particulièrement vrai pour la campagne de récolte de l’année 2004 où la presse s’est fait l’écho du désastre qui eut lieu à Annaba (massif de l’Edough, près de Séraïdi). Ces réseaux sont même arrivés à exporter illégalement leur butin vers l’Europe, avec des complicités bien assises bien entendu. Comme tous les produits naturels à fort potentiel lucratif (sable des oueds ou de la plage, bois d’œuvre ou d’industrie,…), le liège est puissamment convoité et ciblé par les réseaux mafieux aussi bien à Annaba, qu’à Skikda et Jijel. Vendu sur site à 2000 DA le mètre cube, il passe en deuxième main à 8000 DA avant d’atterrir entre les mains des ‘’exportateurs’’.

Au vu de tous ces facteurs entravant la production et la commercialisation du liège, ce sont avant tout les entreprises de transformation (à l’exemple de l’ENL, entreprise publique) qui subissent les plus fâcheuses conséquences. A titre illustratif, ces entreprises qui comptaient naguère plus de 1400 employés se sont débarrassées de la moitié du personnel. Au sujet de leur éventuelle privatisation, Yalaoui Mohamed Idriss, P-DG du groupe Industrie liège Algérie, déclarait, en 2004 : « Nous avons toute la disponibilité pour nous inscrire dans le cadre du programme du gouvernement et du désengagement de l’État sur les entreprises publiques. Les repreneurs existent, des investisseurs sont intéressés, mais il subsiste encore quelques contraintes administratives et procédurales qui freinent encore la mise en œuvre rapide des programmes de privatisation. Les conditions de vente ne sont pas clairement définies pour permettre la cession rapide des entreprises (…) Si nous n’engageons pas immédiatement un nouveau programme de maintien de l’activité, en parallèle la politique de désengagement, on risque de se retrouver avec des entreprises squelettiques en matière d’équipement avec un mode de fonctionnement dépassé en l’absence de formation de personnel. De ce fait, la cession risque de ne pas se produire en l’absence de repreneur qui choisirait de nouveaux investissements. » Il est clair qu’une nouvelle stratégie de la production du liège s’impose en Algérie. En tant que matière première destinée à la transformation industrielle- et à laquelle est imposée une puissante concurrence à l’échelle du bassin producteur, à savoir la Méditerranée- et en tant que segment important de l’économie rurale de laquelle des milliers de familles tirent leurs revenus, la filière liège, dans sa stratégie de relance, a besoin de la synergie de tous les acteurs et partenaires, à commencer par la Direction générale des forêts dans le volet réhabilitation et extension du patrimoine subéricole jusqu’aux responsables de la politique de privatisation pour prendre en charge le destin des entreprises publiques de transformation de liège. L’incendie ayant ravagé, au début 2008, l’unité de transformation de liège d’Aokas ne fait que compliquer les choses pour un secteur qui se débat dans d’inextricables difficultés.

A.N.M.

[email protected]

Partager