De “fête religieuse”, Noël a naturellement évolué avec la culture et les valeurs qui l’ont accompagné pour devenir une fête de son temps. Le rendez-vous annuel, en dehors de quelques souvenirs encore tenaces mais désacralisés, ne rappelle presque plus rien de ses origines chrétiennes. Noël, devenu un moment de grande convivialité, a su et pu à travers le temps élargir ses espaces de célébration et dépasser la communauté des croyants. En investissant d’autres pans du ciel et d’autres cœurs, Noël s’est imposé comme fête “par excellence” sans doute parce qu’on a fini par ne retenir que ça d’un rituel qui a dû, “dans une autre vie”, connaître ses ferveurs spirituelles et ses orthodoxies pratiques. Noël s’est pour ainsi dire “folklorisé” dans le bonheur des retrouvailles joyeuses et détendues. Mieux, il a déserté ses sentiers originels pour se placer définitivement sur une voie à sens unique, celui de la vie.
S’y retrouvent alors chrétiens décontractés, musulmans éclairés, juifs décomplexés et athées détachés pour une soirée sans frontière de sol, sans frontières de cœur. Noël dans l’absolu est un moment de joie. Un repas généreusement amélioré, des retrouvailles familiales ou amicales et surtout des cadeaux pour les enfants invités à être exigeants dans les limites des moyens parentaux. Bien sûr, il subsiste encore quelques modèles de consommation contraignants et des réflexes qui confinent à l’archaïsme. Bien sûr que les inégalités ressurgissent toujours, mais personne ne demande au… Père Noël de changer le monde, mais seulement un peu de magie, et quelques jouets à retrouver le matin au pied du lit ou de la cheminée.
Chez nous, même si le voile de “pudeur” est encore tenace, des Algériens célèbrent chaque année cette fête dans l’intimité “coupable” de maisons cossues, dans des établissements publics retirés ou carrément chez d’humbles gais lurons.
Vieilles familles nanties ayant gardé la tradition coloniale, nouveaux riches en quête de signes extérieurs (discrets !), couples franchement modernistes ou simplement d’invétérés fêtards qui n’en ratent pas une, se retrouvent au soir du 24 décembre pour une longue nuit de plaisir. Tout ce beau monde “s’amuse en cachette” parce que Noël, s’il est un beau prétexte à leurs agapes, il requiert quand même un certain courage pour être publiquement revendiqué comme liberté individuelle. C’est que Noël donne aussi rendez-vous à l’anathème et l’invective. Les prêches appelant au lynchage des “convertis”, des traîtres et des “occidentalisés” sont toujours ponctuels. Le Père Noël n’est peut-être pas une ordure comme il est dit dans la chanson, le problème est que personne parmi ceux qui le pensent chez nous n’ose le dire.
S. L.
laouarisliman@gmail.com
