C’était dans la revue El Djazaïria de l’UNFA des années 70 ; une sentence qu’il répétera dans la préface à la “Grotte éclatée’’, roman de Yamina Mechekra. L’histoire de la littérature algérienne, orale et écrite, est pleine de présence féminine même si, quantitativement, le nombre de livres produits par les femmes demeure relativement moins important que celui produit par leurs confrères masculins. Signe des temps et, en même temps, ironie de l’histoire, c’est une Algérienne, une grande dame qui commençait à devenir méconnue dans son pays d’origine, qui, la première dans le monde musulman et dans le tiers-monde, a pu siéger à l’assemblée des Immortels, l’Académie française. Assia Djebar, par une sensibilité esthétique exceptionnelle, une intégrité intellectuelle à toute épreuve et un travail acharné s’étendant sur un demi-siècle de l’histoire tourmentée du pays, a forcé le destin en symbolisant la femme algérienne insoumise, combative, maternelle et artiste. À travers son couronnement, ce sont les hommes et les femmes de toute une génération d’écrivains algériens francophones qui se trouvent revalorisés, réhabilités, même si leurs noms se sont déjà imposés d’une façon définitive dans la mémoire et l’épopée de la culture algérienne qui a complètement intégré ce “butin de guerre’’, la langue française, selon l’expression de Kateb Yacine. Ce sont surtout les femmes écrivains, un instant tombées dans l’anonymat qui étrangle l’activité culturelle dans notre pays, qui retrouvent leur place, leurs voix et leurs voies. Taos Amrouche, Fadhma Ath Mansour, Djamila Debèche, Fadhila M’rabet, Anna Greki, pour l’ancienne génération du milieu du xxe siècle, et Yamina Mechekra, Ahlem Mostghanemi, Zineb Laâwadj, Rabia Djalti, Nina Hayet, Safia Kettou et tant d’autres moins connues parmi celles qui se sont exprimées après l’Indépendance. Même si la critique littéraire distingue rarement l’écriture féminine comme étant une catégorie spécifique à soumettre à l’analyse, dans le cas de l’Algérie, et au vu du climat culturel ambiant au cours des dernières années marqué par la montée des intolérances, il n’est guère inutile de s’arrêter sur l’acte d’écriture venant de la femme. La femme algérienne qui a su participer à toutes les grandes œuvres du pays-depuis la lutte de libération nationale jusqu’à la résistance au terrorisme intégriste en passant par la participation au processus de développement économique du pays- a pu aussi exprimer dans ses écrits les entraves sociales, le retard de l’évolution des mentalités et les camisoles qui retiennent la promotion de la femme.
Dans la littérature masculine déjà, beaucoup d’écrivains algériens ont tenu à évoquer la femme en tant que mère, refuge utérin, objet d’amour, symbole de la patrie et de la liberté. On n’a qu’à s’arrêter sur la vision de Kateb Yacine qui, outre l’image de Nedjma qui le hante en tant que symbole d’un amour impossible et de la patrie fuyante et présente à la fois, fait des retours assez remarqués sur la figure de la Kahina, première reine berbère enregistrée par l’histoire tourmentée de l’Afrique du Nord et résistance à l’invasion des armées arabes. Dans sa pièce de théâtre intitulée “La Guerre de deux mille ans’’, il fait parler Kahina en ces termes :
«Le seul Dieu que nous connaissons,
on peut le voir et le toucher :
je l’embrasse devant vous
c’est la terre vivante
la terre qui nous fait vivre
la terre libre d’Amazigh !»
Amar Naït Messaoud