Une stratégie de revitalisation de l’arrière-pays

Partager

Le département ministériel chargé de ce secteur, en l’occurrence l’ancien ministère délégué au Développement rural dépendant du ministère de l’Agriculture, a mis en place, depuis 2003, un ensemble de dispositifs de soutien au développement rural qui s’articulent autour du PNDAR (Plan national de développement agricole et rural). La formule des PPDR (Projets de proximité de développement rural) a été initiée avec cette philosophie de la vision d’ensemble qui est censée toucher tous les domaines de la vie rurale pour permettre une stabilisation des populations, le retour des habitants expatriés dans des conditions sécuritaires particulières, la création de nouvelles conditions de vie basées sur le désenclavement, la protection des sols contre l’érosion, le soutien aux métiers artisanaux, le soutien au développement agricole (arboriculture, amélioration des sols, élevage), la mobilisation des ressources hydriques (puits, forages, retenues, captage de sources), l’installation des services sociaux (santé, école, centres culturels) et des équipements publics (électricité, gaz,). Dans ce genre de projets décentralisés confiés aux différentes structures des wilayas, le problème crucial soulevé demeure l’intersectorialité qui est mal assurée. La coordination, pour piloter ce genre de projets se basant sur une nouvelle conception du développement, a, en effet, du mal à se concrétiser sur le terrain. Hormis les actions de type agro-forestier et, dans une moindre mesure, la petite hydraulique, les autres actions ont connu pratiquement des retards dans toutes les wilayas du pays.

L’évolution de la vision des responsables de ce secteur a fait que ces projets de proximité ont été améliorés sur le plan organisationnel pour devenir, à partir de 2007, des PPDRI (projets de proximité de développement rural intégré).

Six wilayas pour le PER 2

Parallèlement à ces Projets de proximité, l’Algérie a commencé à mettre en œuvre, à partir de 2004, un autre projet d’envergure sous l’intitulé de Projet d’Emploi Rural II, cofinancé initialement à hauteur de 80% par la Banque mondiale. Les accords de prêt, portant sur 90 millions de dollars, ont été conclus à Washington en juillet 2003 entre le gouvernement algérien et la BIRD. Depuis que le gouvernement algérien a payé par anticipation une grande partie de la dette extérieure du pays, ce projet est pris en charge totalement par un financement national. La réalisation du programme, étalée sur cinq ans, est confiée à la Direction générale des Forêts (sous tutelle du ministère de l’Agriculture). Ce projet touche six wilayas de l’Algérie du Nord (Centre et Centre-ouest) : Chlef, Aïn Defla, Tiaret, Tissemsilt, Médéa et Bouira, et cible essentiellement les zones de montagne et le flanc Nord de la steppe qui reviennent à ces wilayas. C’est en 2002 que les études préliminaires ont été initiées. Il s’agit principalement des approches modernes du monde rurale mises en place par les dernières analyses sociologiques basées sur la méthode participative. Des enquêtes-ménages et des focus-groups (discussions dirigées avec les populations) étaient menées sur le terrain par des agents forestiers encadrés par des sociologues et démographes. Le but étant de faire un check-up détaillé des conditions de vie des campagnards et, surtout, de connaître leurs besoins et les grandes tendances qu’ils manifestent à l’égard du travail et des activités rurales. Sur diagnostic socio-participatif, ont été élaborés les ‘’arbres de problèmes’’ (hiérarchisations des contraintes illustré par un arbre généalogique) et les ‘’arbres de solutions’’ (clefs proposées par les paysans pour résoudre leurs problèmes, aidés en cela par les orientations techniques des agronomes et forestiers présents avec eux). Une fois traités par un bureau d’études, ces résultats sont transformés en programmes d’actions. Pour la première fois en Algérie, une méthode scientifique et décentralisée est mise en œuvre dans la conduite de l’approche du mode rural.

Ce projet (PER 2) fait suite à un projet du même genre initié à l’Ouest du pays (Tlemcen, Sidi Belabbès, Mascara, Aïn Temouchent) ayant eu la même typologie de financement et d’approche des populations rurales. Sauf qu’à l’Ouest du pays, le projet a souffert de la conjoncture sécuritaire du milieu des années 90. Mais, les résultats obtenus sont loin de toute espérance. Aujourd’hui, des vergers et des vignobles commencent à produire leurs fruits, des milliers d’emplois y ont été crées et des actions de conservation du sol de grande envergure (reboisements, corrections torrentielles y ont été réalisées).

Le défi de l’emploi et de la stabilisation des populations

Dans les wilayas du Centre, les actions du projet ont connu leur démarrage au cours de l’année 2005.Les travaux sont bien avancés. Les actions programmées portent sur le développement agricole (arboriculture fruitière, amélioration des sols par des actions de défoncement et d’épierrage), la mobilisation des ressources hydriques (retenues, forages, fonçage de puits, captage de sources, aménagement de points d’eau), la protection et la conservation des sols (reboisement, fixation des berges, corrections torrentielles, travaux sylvicoles) et la promotion de la femme rurale (modules d’aviculture, de cuniculture, d’apiculture et artisanat). Pour les six wilayas concernées par le projet en question, le défi à relever est la stabilisation des populations dans leurs villages et bourgades et la créations d’emplois permanents et saisonniers.

Réhabilitation de l’espace rural à Bouira

En quelques mois, la courbe du chômage a connu une inflexion vertigineuse dans certaines communes à tel point que certaines entreprises de réalisation avaient des difficultés à recruter des ouvriers sur leurs chantiers. En outre, les pouvoirs publics algériens escomptent aussi, à travers le PER 2, installer une pédagogie de la participation des populations à construire leur destin. En plus de la participation à la conception des programmes, les ruraux sont également appelés à participer à la réalisation physique des travaux sur le terrain. Il en est ainsi par exemple des plantations fruitières dont ils ont bénéficié : ce sont les bénéficiaires eux-mêmes qui procèdent à la plantation une fois que l’entreprise a ouvert les trous et fourni les plants.

Les dernières actions prévues par ce programme et qui, probablement, vont être mises en œuvre au courant de l’année 2009, se sont les ouvertures de pistes rurales et le construction de retenues collinaires.

Le Projet, qui en est à sa cinquième année, est directement suivi par les conservations des forêts des six wilayas. Il subit des audits réguliers de l’Inspection générale des Finances (IGF) relatifs à la procédure de passation de marchés et à la régularité des réceptions sur le terrain. Les travaux du Projet d’Emploi Rural (PER2) dans la wilaya de Bouira qui ont été lancés au cours du mois de décembre 2005 connaissent un rythme d’avancement appréciable. Le montant total du projet est évalué à 1,26 milliard de dinars.

Lors des trois dernières saisons, près de 2000 ha ont été plantés en différentes espèces fruitières et 500ha en plantations forestières, en plus des travaux d’amélioration foncière et de corrections torrentielles. Des travaux sylvicoles tendant à améliorer et harmoniser les peuplements forestiers ont aussi été engagés depuis janvier 2006. Conçu spécialement pour créer de l’emploi dans les zones les plus défavorisées de la wilaya, ce projet prolonge le PER1 entamé dès 1996 à l’ouest du pays avec le même mode de financement, soit un cofinancement de la Banque mondiale. Le choix des zones d’intervention a été orienté par les statistiques de l’ONS relatives au chômage et renforcé par des études sociales et environnementales (économie pastorale, cadre général de vie, érosion des sols, infrastructures hydrauliques,…) qui ont conclu à la nécessité de mettre en œuvre un tel projet sur onze communes du sud de la wilaya relevant des daïras de Sour El Ghozlane, Bordj Okhriss et Bir Ghebalou.

Les actions prévues s’articulent autour du développement agricole et du désenclavement (plantations fruitières en sec et en irrigué, ouverture et aménagement de pistes rurales), de la mobilisation des ressources hydriques (aménagement de sources, fonçage de puits et forages, retenues collinaires), de la lutte contre l’érosion des sols (reboisements, fixation des berges et corrections torrentielles) et, enfin, des activités promouvant la femme rurale (distribution des machines à coudre et octroi du petit élevage : aviculture et apiculture).

Sur le terrain, les entreprises attributaires des marchés ont commencé à se roder. L’une d’elles, l’entreprise publique SAFA-Zaccar qui avait de grandes difficultés financières avant de se voir attribuer les travaux du PER2, a fini par relever le défi. Les paysans bénéficiaires des plantations arboricoles réalisées par cette entreprise sont satisfaits des résultats puisque la majorité des vergers ont réussi. Un large mouvement de recrutement sur les territoires des communes concernées a eu lieu au grand bonheur des familles et des autorités locales qui voient ainsi diminuer en quelques mois le poids du chômage. En outre, la réalisation des vergers dans les terrains particuliers est considérée à juste titre comme un investissement créateur d’emplois permanents. Ce qu’il y a lieu de remarquer dans la gamme des actions prévues par ce programme est l’introduction du vignoble. En effet, dans la localité de Guelta Zerga, commune de Sour El Ghozlane, 8 ha de viticulture sont déjà réalisés chez un agriculteur qui élève aussi l’autruche. Deux autres hectares de la même culture ont plantés dans la commune de Dirah. Il faut signaler que depuis l’opération d’arrachage de vigne entreprise par les autorités pendant les années 1970, les anciens vignobles n’ont pas pu être régénérés. A Aïn Bessem, Raouraoua ou dans la banlieue de Bouira, le vignoble a été remplacé par les céréales. Ce n’est qu’avec la nouvelle politique du PNDA que de petites superficies ont été plantées en vigne de table. Le PER2 est venu renforcer et prolonger cette volonté de reconversion des systèmes de culture qui assure un meilleur revenu aux paysans, résiste mieux à la sécheresse et fixe bien les sols menacés par l’érosion.

Améliorer les revenus

Ce qui retient aussi l’attention dans cette série d’actions, ce sont les deux retenues collinaires prévues dans les communes de Ridane et Bordj Okhriss et qui totalisent une capacité de rétention d’environ 400.000 M3 d’eau dans une région dépourvue jusqu’à présent d’ouvrages hydrauliques de cette envergure. Le premier site a bénéficié de l’étude d’exécution et voit sa phase de maturité arriver à la création de l’association des utilisateurs de l’eau. L’avis d’appel d’offre pour la réalisation de la retenue sera lancée au cours de l’année 2009. Pour le second site, l’accord des usufruitiers qui exploitent des terres dans la zone du futurs lac d’eau n’a pas encore été concrétisé.

Outre ces retenues, des captages de sources et des mares ont été réalisés pour les éleveurs et les habitants de la région.

Pour les actions de désenclavement, un programme d’aménagement de 80 km de pistes est déjà achevé. Un autre volume de 180 km est lancé en consultation à partir de la semaine passée. Quant à l’ouverture de pistes, elle concerne un volume de 125 km répartis en deux opérations (25 et 125 km) dont la première tranche a vu son cahier de charges déposé au niveau de la wilaya pour approbation.

Dans le cadre de la promotion de la femme rurale, le PER 2 de Bouira est doté d’un quota de 300 machines à coudre destinées aux femmes nécessiteuses ou couturières en chômage. Sur ce chiffre, 168 unités ont été distribuées il y a quelques semaines. Ces équipements sont censés contribuer à améliorer les revenus des ménages de ces zones déshéritées, revenus tirés essentiellement d’une céréaliculture vivrière et d’un élevage peu développé sur des terrains fortement érodés.

En tout cas, les promoteurs de ce projet ont, dès sa conception en 2003, pris en charge le volet de la promotion de la femme rurale, sachant que les autres activités du projet interviennent par des travaux réalisés au profit de ces populations (arboriculture fruitière, amélioration foncière, lutte contre l’érosion par des corrections torrentielles et les reboisements,…). Outre, donc, la diversification des activités agricoles qui sont proposées aux foyers de cette région sous forme d’investissements publics pérennes, des centaines de milliers de journées de travail ont été crées depuis le lancement des chantiers en fin 2005.

Les fournitures ayant pour objectif d’accompagner les ménages dans leur stabilisation sur leurs terres ont trait essentiellement à l’apiculture (plus de 6 000 ruches), l’aviculture (15 000 poules pondeuses avec aliment de volaille) et les machines à coudre (300 unités).

Amar Naït Messaoud

Partager